Exploration de l’anthroposophie : Chemins, objets, concepts

Ce texte de l’historien Helmut Zander correspond à l’introduction de l’ouvrage Anthroposophie-Forschung (Recherche en anthroposophie) publié en 2023 par De Gruyter Oldenbourg, avec le sous-titre « État de la recherche – Perspectives – Lacunes ». Traduction françise par Pierre Paccoud. Texte publié sous licence Creative Commons CC-BY-NC-ND 4.0.

L’anthroposophie de Rudolf Steiner (1861-1925) est présente dans la société (écoles Waldorf, Weleda, Demeter…) mais pas dans la recherche scientifique. Cet ouvrage est le premier à présenter des articles de recherche universitaire qui comblent cette lacune en approfondissant des exemples, en documentant l’état de la recherche sur des thèmes sélectionnés et en contribuant à établir les études anthroposophiques dans le domaine universitaire.

La recherche scientifique sur l’anthroposophie est une activité solitaire : il n’existe pratiquement pas de réseaux répondant aux standards académiques. Par conséquent, il n’existe pas de structures institutionnalisées fortes au sein desquelles les chercheurs pourraient échanger et se disputer. En même temps, l’anthroposophie est un monde fascinant – et sans doute la tradition « ésotérique » la plus importante qui, ayant ses racines dans l’occultisme des années 1900, a survécu depuis cette époque. Avec sa prétention à être une conception du monde « scientifique » et à être ainsi intellectuellement satisfaisante, mais avant tout avec ses champs d’applications pratiques, elle a accédé à une importance culturelle immense. On peut y rencontrer, et je me permets cette remarque personnelle, des personnes tout à fait magnifiques qui essaient avec un grand engagement de vivre intellectuellement avec les idées de Steiner et qui, dans la pratique, engagent souvent leur vie pour leurs idéaux jusqu’aux limites de ce que les hommes peuvent accomplir, et souvent même au-delà. En même temps, il existe aussi des anthroposophes très dogmatiques, à l’autre pôle du spectre anthroposophique, qui peuvent vous pousser au désespoir avec leur arrogance imperturbable, et à propos desquels un groupe a pu documenter lors de la crise du Corona son refus radical de la vaccination, ses récits complotistes et ses liens avec les cercles d’extrême droite. De notre point de vue, il ne peut toutefois y avoir aucun doute sur la pertinence de l’anthroposophie, pour le meilleur et pour le pire.

C’est dans ce contexte que nous avons organisé un atelier les 18 et 19 octobre 2019 à l’Université de Fribourg, ayant pour objet de tester s’il est possible de donner un aperçu global de l’état de la recherche. Le résultat est le présent volume, qui ne paraîtra qu’en 2023 en raison de la tempête du Corona et d’une procédure de peer-review extrêmement longue. Nous espérons qu’il constituera une première mouture. Nous essayons dans la première partie de cartographier l’état de la recherche dans certains domaines et de donner des idées pour la suite du travail ; la deuxième partie contient des mots-clés bibliographiques renvoyant à une abondante littérature permettant de poursuivre la recherche.

Lorsqu’on prend par exemple le mot clé « solitude », toute personne qui s’intéresse un jour à l’anthroposophie et à son histoire sera renvoyée éventuellement à l’abondante littérature disponible qui traite de cela en lien avec Rudolf Steiner et la pratique anthroposophique. Mais cette littérature provient en grande partie d’anthroposophes qui, en règle générale, n’appliquent pas les standards du travail scientifique : en particulier le traitement méthodique et réfléchi du matériel, par exemple avec l’analyse historico-critique des sources ou les méthodes de l’ethnologie et des sciences sociales. D’autres approches ne sont en principe pas critiquables, car il n’y a pas de monopole sur la définition d’un concept scientifique. Mais en fin de compte, les anthroposophes ont la plupart du temps tout simplement d’autres intérêts : Au premier plan se trouvent les questions du sens de la vie et de l’importance du cosmos, de l’homme et de la société dans la conception d’ensemble du monde. Cette littérature a son propre bien-fondé, mais elle n’a pas sa place dans une recherche universitaire qui se définit selon d’autres critères et qui, comme en particulier la science des religions, relève des standards constitutifs de la réflexion sur la méthode, ce qui exclut, du moins dans l’intention, toute interprétation normative. Indépendamment de cela, ces publications sont souvent d’une valeur irremplaçable dans le recensement des sources, également pour le travail scientifique. Bien sûr, il y a des anthroposophes qui ont apporté des contributions pertinentes à la recherche, et qui jouent pleinement le jeu de la science. C’est ainsi que nous avions invité Robin Schmidt, qui a rédigé d’importantes contributions à l’histoire de la Société anthroposophique, ou David Marc Hoffmann, dont la thèse sur Steiner et Nietzsche reste un ouvrage de référence et qui entre-temps est devenu directeur des archives de Rudolf Steiner à Dornach ; tous deux ont dû décliner notre invitation pour des raisons de calendrier.

Entre-temps, l’année 2025, qui marquera le centenaire de la mort de Steiner, se profile à l’horizon. Des publications anthroposophiques paraissent ou sont annoncées portant sur de nombreux domaines, en particulier sur les champs d’applications pratiques, l’édition complète des œuvres de Steiner devrait être disponible à cette date, et la biographie de Steiner par Martina Sam devrait être bien avancée d’ici là. Il est évident que l’on cherche à avoir davantage voix au chapitre dans le débat sur l’œuvre de Steiner, peut-être aussi à avoir le dernier mot en matière d’interprétation. Dans le contexte de ces débats, une confrontation fondamentale s’annonce, et qui resurgit régulièrement. Les anthroposophes revendiquent plus ou moins clairement que Steiner, sa vision du monde et la pratique anthroposophique ne peuvent être analysés de manière adéquate qu’à l’aide d’une science (ou d’une théorie) alternative. Il s’agit en fin de compte du statut épistémologique de cette «connaissance supérieure» de Steiner, qui ne pourrait pas faire l’objet d’une simple recherche scientifique. Cette confrontation est complexe, notamment parce que les intentions idéologiques et spirituelles ne sont pas toujours clairement dites1.

Les informations rassemblées dans cette introduction ont pour but de présenter quelques résultats de la recherche menée jusqu’à présent, mais ce texte fonctionne en même temps comme un miroir grossissant qui fait apparaître, dans les domaines thématiques concernés, des zones blanches de profondeurs inexplorées. Je fais explicitement référence à des lacunes particulièrement marquantes, mais celles-ci ne sont que la pointe de nombreux icebergs. L’exhaustivité n’est pas visée, ni dans le regard porté sur les objets déjà traités, ni dans l’indication des lacunes de la recherche. En ce qui concerne les publications, ce sont surtout les monographies qui ont été prises en compte, les textes parus depuis 2007 ont été retenus préférentiellement2, la littérature anthroposophique est largement absente en raison de sa fréquente distance excessive par rapport aux standards de la recherche universitaire.

1. Histoire de la recherche

La recherche sur l’anthroposophie a débuté dans le contexte de la théologie protestante. Après la Première Guerre mondiale, alors que les textes de Steiner étaient souvent inaccessibles, des théologiens ont tenté de comprendre l’anthroposophie. Cela a donné lieu, entre autres, à deux publications qui ont certes pris la patine de dix ans d’histoire, mais qui étaient des travaux de pionniers en tant que premières approches. Kurt Leese (1887-1965), théologien protestant de formation, qui s’est néanmoins distancié de son Église, s’est rapproché du national-socialisme et s’est vu retirer son autorisation d’enseigner, a présenté en 1918 une analyse de l’anthroposophie sous le titre Théosophie. Deux ans plus tard apparu de Johannes Frohnmeyer (1850-1921), missionnaire de la Mission de Bâle, Die theosophische Bewegung (Le mouvement théosophique), avec une attention particulière aux relations avec l’Asie, et enfin en 1923, Anthroposophische Schau und religiöser Glaube (Regard anthroposophique et foi religieuse) de Heinrich Frick (1893-1952), théologien systématique, national-socialiste actif et recteur de l’université de Marburg en 1947, avec une interprétation globale de la vision du monde de Steiner3. Cette littérature fut le prélude à une réflexion sur Rudolf Steiner et l’anthroposophie qui se poursuit encore aujourd’hui, principalement dans la théologie protestante4.

La première étude importante de critique historique, date également des années qui ont suivi la Première Guerre mondiale. En 1922, Jakob Wilhelm Hauer, théologien protestant, indologue célèbre et plus tard persécuteur national-socialiste de l’anthroposophie, publia un petit recueil intitulé Wesen und Werden der Anthroposophie5 (Essence et devenir de l’anthroposophie), dans lequel il démontre comment Steiner avait puisé dans la littérature théosophique sans révéler cette relation dans son intégralité, et qu’il avait remanié ses publications en profondeur, sans reconnaître les conséquences qui parfois étaient de grandes portées. La publication pionnière de Hauer est cependant restée sans suite directe.

Les contributions importantes d’anthroposophes proviennent de l’effort de recueillir des informations sur la vie de Steiner auprès de contemporains qui le connaissaient encore. C’est ainsi qu’Emil Bock a rassemblé des documents sur la vie de Steiner, qui seraient aujourd’hui inaccessibles sans lui6. L’édition complète de Rudolf Steiner, publiée depuis le milieu des années 50 du 20e siècle, constitue un jalon dans l’étude de l’anthroposophie. Elle contient non seulement les textes publiés, mais ses conférences y ont été aussi rendues accessibles. Et cela sous-entendait et sous-entend déchiffrer des sténogrammes, contrôler des textes manuscrits et prendre des décisions sur la forme du texte afin de rendre ces déclarations orales lisibles à l’écrit7. Les quelque 400 volumes de l’édition complète témoignent de cette activité, pour lesquels on est quasi entièrement dépendant du travail des experts hautement spécialisés de l’administration des archives de Rudolf Steiner. La prise en charge de l’ensemble de l’édition par David Marc Hoffmann (voir ci-dessous) a considérablement accru la traçabilité des décisions éditoriales pour les versions imprimées du texte. Mais l’édition complète présente aussi de grands problèmes pour l’utilisation scientifique, car elle est une édition de lecture pour des anthroposophes dont les objectifs ne se coïncident pas avec ceux d’une édition critique, et parce qu’il y a eu des interventions massives dans le texte avec des biais idéologiques, qui étaient déjà partiellement demandées ou justifiées par Steiner lui-même et dans lesquelles les perspectives ultérieures de Steiner ainsi que des éditeurs ont été injectées dans la version imprimée (par exemple avec le remplacement du terme « théosophie » par « anthroposophie »).

La chronologie de la vie de Steiner, présentée en 1988 par Christoph Lindenberg, professeur d’école Waldorf, relève aussi de ce travail de fourmi plein d’abnégation qui consiste à passer en revue les connaissances de base et les variantes disponibles concernant Steiner8. Elle fait partie d’une série de publications de la fin des années quatre-vingt, dans lesquelles des anthroposophes se sont penchés sur l’histoire de l’anthroposophie en intégrant également des perspectives critiques9.

Une publication que je ne peux que difficilement discuter vu qu’elle est de moi, a marqué un tournant dans cette recherche. Dans Anthroposophie in Deutschland (L’anthroposophie en Allemagne), j’ai publié ma tentative de compréhension de l’histoire des idées de Steiner et de l’histoire précoce de l’anthroposophie jusqu’en 1945 environ, dans une perspective historico-critique10. Rétrospectivement, il apparaît clairement qu’un tel travail était « dans l’air ». La même année fut publiée la première étude empirique portant sur les écoles Waldorf11, après que les remaniements issus du milieu anthroposophique aient été largement bloqués sous la pression de la ligne dure12. Les remarques issues de mes propres réflexions s’y compteraient sans doute par centaines. À partir d’un élargissement des perspectives, il sera toujours à nouveau question dans cet ouvrage de nouvelles recherches et de corrections sur plusieurs aspects de ce livre (en particulier : philosophie d’origine, théorie raciale). Les multiples critiques venant du côté anthroposophique ont rectifié à juste titre certaines inexactitudes, mais cette confrontation a toujours été aussi une tentative d’interpréter comme des erreurs les remarques divergentes13. D’autres publications et des recensions régulières ont été publiées par moi au cours des années suivantes14.

Depuis, deux tournants ont profondément modifié le paysage de la recherche. Le premier est l’ouverture des archives de Rudolf Steiner, qui est intervenue après que David Marc Hoffmann en ait pris la direction en 2012. Les documents, largement gardés secrets auparavant, sont devenus accessibles au public, et on peut dire sans exagérer que cela change tout, c’est un tournant majeur ; il faut espérer que cette politique d’ouverture se poursuivra. Parallèlement, la conception de l’édition complète a été revue, les ajouts et les révisions des éditeurs étant désormais indexés. Cela aussi est d’une importance fondamentale pour la recherche future. L’édition complète devrait être disponible d’ici 2025, il manque encore (en 2022) environ deux douzaines de volumes, dont une édition très ambitieuse des lettres de Steiner, probablement aussi avec les lettres des correspondants. En fin de compte, le travail d’édition réalisé au cours de la dernière décennie est un travail gigantesque auquel je rends hommage.

Il est possible que cet objectif ambitieux d’achever l’édition complète d’ici 2025, date du centenaire de la mort de Steiner, soit l’une des raisons du large manque de collaboration avec les chercheurs d’au delà de la colline de Dornach – et que l’on se trouve ainsi face à une situation très critique dans une perspective universitaire. En tout cas, l’édition complète apparaît pour le moment comme cantonnée sur un archipel isolé. L’une des conséquences, c’est que l’intégration notamment de nos connaissances sur le contexte sociétal de Rudolf Steiner et de l’anthroposophie, est souvent largement manquante, et une autre est la faiblesse des débats sur les préjugés interprétatifs idéologiques de cette édition. Autant on peut comprendre sur la base de motifs pragmatiques cette fermeture, autant ne devrait-on avoir aucune indulgence pour ce verrouillage scientifique. Même les volumes les plus récents de l’édition complète ainsi que l’Archivmagazin écartent trop souvent l’intégration de la littérature scientifique, notamment celle qui aborde aussi de manière critique la vie de Steiner et son contexte. Les publications qui paraissent ici ou là provenant de l’administration du « Nachlass » sont de ce fait marquées par une ambivalence scientifique, mais en fin de compte, cet isolement communicationnel s’applique aussi à de nombreuses publications issues du milieu anthroposophique15. Celles-ci sabotent ainsi dans de nombreux cas leur capacité à participer aux débats scientifiques, voire leur caractère scientifique lui-même. Il en résulte une hégémonie d’interprétation, en tous cas dans le milieu anthroposophique. Mais cela équivaut finalement à se réfugier momentanément dans une bulle d’interprétation et à se cantonner à l’extérieur de la communauté scientifique universitaire – or, c’est un choix bien problématique de la part d’une communauté idéologique ayant en même temps une prétention à la scientificité.

Le deuxième changement est la publication d’écrits importants de Steiner dans une édition critique réalisée par Christian Clement depuis 201316. Elle propose un texte fiable, des remaniements de ses écrits par Steiner lui-même et, dans les commentaires inclus dans de nombreux volumes on trouve un matériel d’une richesse presque incroyable. Cependant, les textes de Clement, qui, dans des publications antérieures (voir ci-dessous), s’était révélé avoir un lien profond avec la pensée de Steiner, sont entachés de biais d’interprétation orientés, en particulier dans les introductions, mais aussi dans les commentaires : Il prend le parti de dépeindre Steiner comme un philosophe qui aurait maintenu ses prétentions philosophiques durant sa période théosophique17 ; en outre, j’ai également eu l’impression qu’il souhaitait rendre visible la plausibilité des prétentions spirituelles de Steiner (voir à ce sujet le chapitre 2 ci-dessous). Depuis 2020 (jusqu’en 2023), Clement a en outre publié avec Hartmut Traub la revue Steiner Studies. Internationale Zeitschrift für kritische Steiner-Forschung (Revue internationale pour la recherche critique sur Steiner)18. On y trouve des textes scientifiquement ambitieux à côté de ceux (surtout) d’anthroposophes qui poursuivent des objectifs idéologiques en intégrant des interprétations anthroposophiques19. Depuis 2023, la revue est financée par des fonds en arrière-plan desquels se trouve l’Institut pour la formation et l’innovation sociale, qui est un institut rattaché à l’université anthroposophique Alanus-Hochschule et qui a son siège dans une maison d’institutions anthroposophiques à Bonn ; son directeur Marcelo da Veiga est depuis lors co-éditeur des Steiner Studies. Des anthroposophes sont également représentés au sein du comité consultatif.

Ce qui entrave le plus la recherche est l’absence de vue d’ensemble sur la globalité des fonds d’archives et des collections existantes sur Steiner et l’anthroposophie. Plusieurs collections à Dornach ne sont que partiellement accessibles et leur contenu est difficilement compréhensible pour les personnes extérieures. Outre l’administration du « Nachlass », il existe les archives de la Société anthroposophique au Goetheanum, les successions d’Albert Steffen, d’Ita Wegman ou de Herbert Witzenmann, ainsi que les documents sur l’histoire de l’anthroposophie après la mort de Steiner au centre de recherche Kulturimpuls. En revanche, les documents conservés dans d’autres institutions, par exemple dans des branches ou des entreprises anthroposophiques, ou les fonds d’archives publiques ou privés ne sont pas recensés, même de manière approximative.

Je conclurai ce premier chapitre en évoquant quelques tendances structurelles de la recherche actuelle, dont il sera question en détail par la suite. Actuellement, il existe , en particulier chez les auteurs anthroposophes, mais pas seulement eux, des tendances à rendre Steiner plus accessible en l’interprétant comme un philosophe et en marginalisant sa doctrine théosophique. – Ainsi : parmi les anthroposophes, la prétention de gagner une position plus forte dans les débats scientifiques sur l’interprétation de l’œuvre de Steiner grandit ; il est frappant de constater que souvent, peut-être même en règle générale, on n’intègre pas la littérature non anthroposophique. – De plus, il y a un problème permanent avec la littérature en langue anglaise, qui est souvent un domaine extraterritorial, parce qu’elle passe sous silence la littérature en langue allemande, sans laquelle on ne peut tout simplement rien faire, que ce soit au sujet des œuvres de Steiner ou des débats scientifiques, et qui soulève dans les références et dans les citations, la question de savoir à quel point on a compris ces textes. Un très grand nombre de textes de Steiner sont traduits en anglais et ces traductions constituent un problème à part entière qui n’est pas du tout au centre de la recherche. Des contrôles aléatoires révèlent des interprétations de traduction tout à fait aventureuses. Et c’est du fait qu’aucune recherche sérieuse sur l’anthroposophie n’est possible sans la connaissance de l’allemand, que le présent volume parait en allemand – dans l’espoir que la chose pourra changer au plus vite.

2. Objets de la recherche

L’objet « typique » de la recherche sur l’anthroposophie est bien sûr la biographie de Rudolf Steiner. Les nombreuses présentations issues de plumes anthroposophiques sont finalement presque toutes des tentatives de le faire entendre comme un grand initié ou du moins comme un maître important et comme un maître à penser. On y rencontre de nombreuses réflexions et trouvailles matérielles, mais elles ne satisfont généralement pas aux standards scientifiques – et elles ne le veulent pas non-plus. La première biographie complète a été publiée en 1982 par Gerhard Wehr, un théologien luthérien intéressé par le mysticisme et ayant un penchant pour les traditions en marge ou en conflit avec le christianisme hégémonique20. Il a passé en revue le matériel biographique de manière critique, animé par une haute idée de Steiner en tant que personnalité spirituelle. La biographie de Steiner en deux volumes de Christoph Lindenberg, parue en 1997, est une publication encore incontournable aujourd’hui, mais elle est marquée par des biais anthroposophiques21. Ceux-ci se manifestent par exemple dans l’interprétation de la théosophie, dont l’importance est minimisée, certains thèmes (école ésotérique, franc-maçonnerie) ne sont qu’effleurés, et de manière générale, de nombreux liens et dépendances culturels de Steiner sont marginalisés pour mettre en avant son autonomie. Le fait que de nombreux chapitres sur les dernières années de la vie de Steiner présentent des lacunes est sans doute dû à la mauvaise santé de Lindenberg. En 2011, j’ai publié ma propre biographie de Steiner22, qui comprend une analyse historique et critique des sources et met l’accent sur la contextualisation de la pensée de Steiner (et que je considère, si je puis dire, comme ma publication la plus stimulante dans le domaine de la recherche sur l’anthroposophie). Une autre biographie de Steiner par Martina Sam est précisément en train de paraître, dont le volume dépassera celui des précédentes23.

Les lacunes dans ces recherches sur la vie de Steiner sont cependant encore importantes et – naturellement – elles s’accroissent à mesure que la recherche se poursuit. Une lacune considérable réside dans l’analyse contextualisée des textes de Steiner, en particulier de ses conférences, dont le nombre devrait s’élever à environ 6000 et qui représentent, selon les estimations, 90% des textes de l’édition complète. Qui étaient les auditeurs et les lecteurs de Steiner ? Dans quelle situation concrète Steiner a-t-il pris la parole ? Quels étaient les thèmes et les problèmes en arrière-plan, qu’ils soient explicités, seulement évoqués ou même pas du tout mentionnés ? Quelles modifications Steiner a-t-il apportées lorsqu’il a traité le même thème dans d’autres situations (par exemple en public ou dans le cercle arcanique) ou devant des publics différents, ou encore à des moments éloignés dans le temps ? Compte tenu de l’absence quasi-totale de telles études jusqu’à présent, on peut comprendre la pratique consistant à glaner des citations dans n’importe quelle conférence de Steiner, avec une pertinence peut-être incertaine pour un thème donné, pour les recherches antérieures. Les anthroposophes avaient encouragé une telle démarche en collectant des passages pertinents24, et de nombreux chercheurs – dont je fais trop souvent partie – leur avaient emboîté le pas. Une lecture de Steiner ainsi décontextualisée devrait cependant progressivement arriver à son terme.

Concernant la biographie de Steiner, il nous manque des études détaillées pour presque toutes les phases de sa vie. Ces lacunes n’ont pas été comblées par les biographies disponibles jusqu’ici, bien au contraire, et c’est grâce à elles que souvent elles sont devenues visibles. Pour commencer par une exception, le travail de Hartmut Traub (2011) nous a apporté de nouvelles connaissances sur les ambitions philosophiques de Steiner, sur le rôle de Johann Gottlieb Fichte et sur le contexte des gestes philosophiques de pensée de Steiner25. Traub a en outre évoqué le rôle peut-être important du fils de ce dernier, Immanuel Hermann, ce qui ouvre le chapitre de qui sont les philosophes de la «deuxième série» ayant eu de l’importance pour Steiner. La relation de Steiner avec Friedrich Nietzsche a été bien étudiée par David Marc Hoffmann,26 et Ansgar Martins a documenté l’importance sous-estimée de Max Stirner27. Mais l’importance de nombreuses personnes de son entourage n’est toujours pas clairement établie, par exemple celle du philosophe viennois Johannes Volkelt, celle d’Otto Willmann, dont Steiner a beaucoup utilisé l’histoire de la philosophie, ou encore celle d’Ernst Haeckel, dont l’importance pour Steiner ne peut guère être surestimée, non seulement en ce qui concerne ses thèses en sciences de la nature, mais aussi pour l’approche de sa conception du monde. Deux tentatives pour comprendre Steiner et son épouse Marie von Sivers dans le contexte de cures annuelles ont été prometteuses mais finalement insatisfaisantes, Steiner comparé à Max Weber, et Marie von Sivers comparée à la femme de ce dernier, Marianne née Schnitger.28 La biographie spirituelle de Steiner est un autre chantier, notamment sa reconfiguration religieuse de son époque viennoise ou la « christologisation » de la théosophie à partir de 1906.

Ces débats sur la philosophie de Steiner sont liés à une discussion particulièrement normative, à savoir si Steiner doit être lu en premier lieu comme un philosophe ou en premier lieu comme un théosophe, un anthroposophe ou un ésotériste. Il est significatif que cette discussion ne porte plus seulement sur la biographie de Steiner, mais aussi sur la (ré)interprétation de certains champs de pratique. À Alfter, c’est surtout Jost Schieren qui a tenté de reconceptualiser la pédagogie Waldorf en se référant à Steiner en tant que spécialiste de Goethe intéressé à sa philosophie et son esthétique, pour justifier les affirmations ésotériques de Steiner auxquelles on est obligé de croire (ou, qu’au dire de Steiner on peut découvrir par une connaissance supra-sensible)29.

La classification de philosophe est alors liée à des critères tels que la rationalité ou le sérieux, qui deviennent, parfois ouvertement, parfois de manière cachée, des consignes de lecture pour l’ensemble de l’œuvre de Steiner. Le rôle de la théosophie s’en trouve alors sous-estimé, à mon avis de façon non-factuelle. La force de conviction de la défense d’un Steiner avant tout « philosophe » souffre en outre souvent du fait que les connaissances de tous ces auteurs sur la théosophie et son environnement sont limitées ou largement absentes – ce qui est toutefois aussi dû au piètre état de la recherche dans ce domaine. L’intérêt de préférer un Steiner rationnel et présentable à un Steiner occultiste, est indéniable – mais il s’agit justement d’une intention à motivation idéologique ; cela permet de relier plus ou moins les publications scientifiques et anthroposophiques30. Nous sommes actuellement bien loin d’une synthèse des différentes perspectives.

Ce qui est surprenant – peut-être – c’est le fait que le rôle de Goethe, que les anthroposophes font planer comme un père supérieur au dessus de la biographie de Steiner et de l’histoire de la Société anthroposophique, a été en partie relativement mal étudié. Certes, la présentation de Goethe est relativement bien accessible dans les éditions Goethe de Steiner, et l’étude approfondie et minutieusement investiguée de Martina Sam sur le Faust de Goethe chez Steiner est une étude fondamentale qui pour une part va bien au-delà du seul thème de Faust31. Mais une étude systématique de la transformation de l’interprétation de Goethe par Steiner avant 1900 de manière épistémologiquement néo-kantienne devenant celle d’un initié théosophe, fait défaut, de même qu’une analyse de la prise de distance de Steiner dans la conception du monde de Goethe (1897), qui, sous certains aspects, s’apparente à une liquidation. Une autre lacune de la recherche est la construction de Goethe comme figure importante d’une anthroposophie « allemande », notamment après 1900. La modélisation de continuité que Paul-Henri Bideau a présentée en 1990 dans un travail également conséquent32 doit en tous cas être partiellement relativisée et, dans de nombreux cas, tout simplement impossible à soutenir.

La plus grande lacune dans les interprétations de la biographie de Steiner concerne, comme nous l’avons déjà indiqué, le rôle de la théosophie. Il est évident que Steiner lisait presque comme un possédé la littérature théosophique depuis 1900/01, qu’il y a emprunté aussi bien des notions que des concepts de sa cosmologie et de son anthropologie, qu’il a appris à connaître et à apprécier existentiellement la doctrine de la réincarnation au contact des théosophes, et qu’il l’a intégrée dans sa vision du monde, qu’il a retravaillé ses écrits préthéosophiques à la lumière de la théosophie et que l’orientation de sa spiritualité après sa phase « existentialiste »33 vers 1900 a été intérieurement imprégnée par la théosophie34. Si tout cela est clair, de nombreux détails restent cependant en suspens : Que s’est-il passé exactement dans les années 1900 et 1901, lorsque, sortant d’un «abîme», comme il l’a lui-même écrit, Steiner devint théosophe ? Comment la conversion à la théosophie a-t-elle modifié la philosophie de Steiner – et inversement ? Comment peut-on décrire en détail les processus de transformation de sa vision du monde ? Pourquoi, depuis l’automne/été 1906, a-t-il placé la figure du Christ à une place centrale dans sa théosophie ? Comment peut-on décrire, dans le cosmos théosophique, les particularités de sa théosophie « allemande » ? Quel étaient le rôle joué par les relations personnelles dans le milieu théosophique ? Qu’en est-il d’Annie Besant, que Steiner vénérait profondément à une époque et qu’il a finalement rejetée avec véhémence ? Quelle est alors la conclusion concernant les points communs et les différences entre la théosophie jusqu’en 1912 et l’anthroposophie depuis lors, qui, tant en ce qui concerne les structures que certains éléments particuliers, devrait pouvoir être décrite ? Pour donner un exemple, comment fonctionnait en détail l’école ésotérique35 ? Il est en tout cas évident – du moins pour moi – que la théosophie était tout sauf une mésalliance, et que si l’on relativise ou minimise son rôle, il faut se rendre à l’évidence que c’est précisément là la directive d’interprétation qu’en a donnée Steiner plus tard après la séparation d’avec la Société théosophique en 1912. Il insiste massivement là-dessus en fin de compte dans son autobiographie. Il se présente fréquemment que la science adopte les critères d’interprétation de son propre domaine et cela ne pose pas de problème dans une perspective heuristique, mais il faut certes le confirmer au cours de l’analyse.

On ne peut finalement pas passer à côté de la biographie de Steiner sans jeter un coup d’œil à ses idées sur la théorie des races. Sur ce point, nous sommes bien informés par les travaux de Staudenmaier, Martins et Sonnenberg36. Mais nous avons besoin de plus de recherches qui intègrent la théorie raciale de manière intersectionnelle dans des contextes plus larges. Car on ne la comprend pas sans la relier à la pensée évolutionniste, à l’ethnologie et à la biologie de l’époque. Sans cela, on ne peut pas comprendre la hiérarchisation des cultures avec son eurocentrisme, ainsi qu’une pensée fortement nationale et germano-nationale chez Steiner. Les hiérarchies culturelles dans la pédagogie Waldorf ne sont cependant pas un « fait » ou un outil analytique, mais un mélange ici ou là toxique de la théorie des races et de l’évolution. En arrière-plan se trouve en outre une conséquence de la séparation d’avec la Société théosophique, qui a conduit après 1912 à une coloration nationale germanique et à une démondialisation partielle de l’anthroposophie, qui n’a finalement été retirée dans une plus large mesure que depuis la fin du XXe siècle. Mais il y a aussi des dimensions qu’au vu de cette théorie des races on ne soupçonnerait pas, notamment le nombre considérable d’anthroposophes juifs37. Le débat sur la théorie des races de Steiner est une never ending story – mais à mon avis surtout parce que trop d’anthroposophes ne sont pas prêts à historiciser les idées de Steiner et à s’en distancer de manière conséquente sur le plan politique.

Sur le plan scientifique, les champs de pratique sont également souvent une terra incognita. C’est peut-être encore une fois un constat plutôt étonnant, au vu de leur importance considérable pour la perception extérieure de l’anthroposophie, mais aussi en ce qui concerne l’image qu’elle a d’elle-même. Il existe bien-sûr de très nombreuses publications anthroposophiques, mais une fois de plus, dans une perspective scientifique, elles sont souvent plus utilisables comme objets de recherche qu’en tant qu’analyses. La pédagogie Waldorf constitue une exception, car elle fait l’objet de recherches scientifiques depuis des années, et pour de nombreux champs de pratique, des études isolées ont vu le jour ces dernières années. Je n’aborde pas ce sujet dans cette introduction, les références aux recherches récentes se trouvent soit dans les articles de ce volume, soit dans les mots-clés de la bibliographie de recherche. De nombreux aspects sont probablement un peu négligés, je pense par exemple à la pratique anthroposophique de la danse et du théâtre, à la pédagogie curative ou encore à la Communauté des Chrétiens. La littérature scientifique publiée jusqu’en 2007 est accessible en tout cas sous forme bibliographique38.

Pour illustrer les problèmes de la recherche : Le traitement historico-critique des sources pour les champs de pratique est une première difficulté, leur contextualisation dans l’historiographie générale en est une deuxième encore bien plus grande. En voici quelques exemples : La tri-articulation de Steiner et les débats théoriques politiques et économiques qui y sont liés dans les années 1920, la pédagogie Waldorf et les concepts évolutionnistes de la pédagogie dans ces mêmes années ou les tentations autoritaires dans la pédagogie réformée depuis la fin du XIXe siècle, les médecins d’orientation alternative et la genèse de la médecine anthroposophique dans les années 1920/21, l’agriculture anthroposophique et la politique d’autarcie après l’hyper-inflation de 1923… Mais la recherche doit intégrer ces champs contextuels si elle ne veut pas tomber dans le piège d’une grande partie de la recherche sur l’ésotérisme, dans laquelle l’ésotérisme se présente comme un solitaire secret, isolé, alternatif39. À mon avis, nous aurions besoin d’adopter une perspective inverse, et de montrer l’ésotérisme comme une partie de l’ensemble de cette histoire : parfois dominée par lui, parfois comme son espace d’innovation, dans des mises en liens et dans des prises de distance, qui s’ajoutent ou qui se superposent – quelles que soient les métaphores et les concepts utilisés. Cette contextualisation est rendue difficile, du moins pour l’anthroposophie (voir ci-dessous chapitre 3), par le fait que l’on rencontre dans l’histoire de Steiner et des anthroposophes non-seulement des traditions aujourd’hui ressenties positivement (comme la réforme pédagogique), mais aussi des dimensions que nous jugeons aujourd’hui plutôt négativement dans une perspective normative : par exemple la prétention autoritaire de Steiner ou le déficit démocratique structurel de l’anthroposophie, voulu par Steiner lui-même. Ces deux aspects ne se fondent pas seulement sur les traits autoritaires de la personnalité de Steiner, mais aussi sur un élément conceptuel fondamental de la théosophie : la vision « suprasensible» qui ne peut être discutée.

Enfin, on ne peut s’essayer à une description de la vie de Steiner sans faire appel à des considérations psychologiques. Cependant, il n’y a peut-être pas de segment plus difficile, ne serait-ce que parce que les doubles qualifications psychologiques et historiographiques sont rares. À cela s’ajoute le fait que les rares tentatives sur ce terrain ont parfois laissé derrière elles un paysage de terre brûlée. Une psycho-histoire comporte toujours le soupçon d’un intérêt voyeuriste. Wolfgang Treher a écrit en 1966 un livre avec des réflexions stimulantes et majoritairement non-inamicales sur le thème de la psycho-biographie de Steiner40, mais sa thèse centrale d’une pathologie en arrière-fond de sa connaissance suprasensible, a été critiquée par les anthroposophes pour des raisons bien compréhensibles ; à ma connaissance, il n’y a pas eu d’autre tentative dans cette direction. Des thèmes psychologiques apparaissent toutefois implicitement dans des questions particulières, par exemple en ce qui concerne la relation de Steiner avec les femmes dans sa vie, comme Cornelia Giese a essayé de le faire41. La religiosité de Steiner fait également partie de ces dimensions psychologiques. On peut, à mon avis, contester avec de bonnes raisons le fait que Steiner aurait vécu dans son enfance une socialisation religieuse intensive, tous les documents qui disent le contraire sont en tout cas issus de directives d’interprétation données par lui-même après coup. Dans ce contexte, sa catholicité – depuis son enfance d’enfant baptisé malgré un père libre penseur jusqu’à la reconfiguration des rites catholiques par Steiner à la fin de sa vie – devrait être soumise à une relecture. Il sera alors passionnant de voir comment on peut interpréter l’orientation vers la spiritualité goethéenne ou théosophique dans l’ensemble de sa biographie, quelles formes de transformation, d’hybridation ou de démarcation deviennent plausibles. Mais nous sommes encore loin d’une perspective complexe.

L’histoire de l’anthroposophie après la mort de Steiner, et donc la sociologie (religieuse) de l’anthroposophie, en tant que mouvement et société, est également très peu étudiée. Pour obtenir des informations de base, il faut s’en remettre aux publications en provenance de l’espace anthroposophique. Bodo von Plato a présenté en 1986 une histoire de la Société anthroposophique qui intègre également des controverses internes42, Robin Schmidt a publié en 2003 une compilation cachée mais solidement documentée de données de base43 dans le volume Anthroposophie im 20. Jahrhundert (2003) édité par Bodo von Plato, qui constitue surtout un outil irremplaçable44. Comme travaux sociologiques, il existe encore une étude ethnographique régionale pour la région du sud-ouest de l’Allemagne de Gudrun Paul (1992)45, pour la pédagogie Waldorf les recherches de Dirk Randoll (voir p. 324 et suivantes) ; le travail sociologique d’organisation de Karen Swartz sur la société anthroposophique suédoise est certes un jalon important pour ces débats (voir ci-dessous). Pour le reste, la recherche détaillée sur l’histoire après 1925 est défaillante à tous les coins de rue46. Pour ne citer que quelques-unes des lacunes sur une liste quasi infinie : Comment s’est déroulée l’émancipation d’avec Steiner et l’institutionnalisation jusque dans les années 1930 dans les différents domaines ? Nous connaissons les grandes lignes des divisions et des conflits de succession, mais nous n’avons pas d’études systématiques. La période du national-socialisme comporte pour la suite plus de lacunes de connaissances que de résultats de recherche, bien que nous ayons l’excellent travail de Peter Staudenmaier (2014) sur l’agriculture anthroposophique à l’époque nazie, ainsi que le travail insuffisamment critique de Uwe Werner (1999)47, qui tente trop souvent, par son interprétation, de « protéger » l’anthroposophie des compromissions les plus graves. Il est également courant de passer sous silence ou du moins de marginaliser une proximité avec le national-socialisme, en mettant en avant le rôle de victime, alors que le rôle de collaborateur est par contre marginalisé, comme c’est le cas de manière exemplaire dans la présentation récente de l’histoire de la pédagogie Waldorf48. Mais nous aimerions, par exemple, en savoir plus sur le comité directeur de Dornach à l’époque nazie, et de manière générale, une biographie de Marie Steiner née von Sivers – pas seulement pour l’époque nazie – fait partie des grands desiderata de la recherche sur l’anthroposophie49.

De même, l’histoire des relations entre l’anthroposophie et la politique après la guerre est encore peu connue. On sait que l’anthroposophie s’est engagée dans certains projets de démocratie directe, que l’anthroposophe Sviad Gamsakhurdia a voulu établir un État tripartite en Géorgie après l’effondrement de l’Union soviétique en recourant à des méthodes autoritaires, que certains anthroposophes ont participé à la fondation des Verts du sud-ouest de l’Allemagne, et on découvre régulièrement la proximité ou les liens d’anthroposophes conservateurs avec des partis comme l’AfD ou le NPD50. Enfin, des anthroposophe se sont fait remarquer en tant qu’opposants aux vaccins et conspirateurs dans la crise du Corona51; on peut supposer que les idées de Steiner sur la médecine alternative ont renforcé le scepticisme vis-à-vis des vaccins et que sa conviction de l’existence de sociétés secrètes ainsi que sa prétention à une connaissance supérieure ont formé un mélange explosif qui a conduit à un syndrome de conspiration. En arrière-plan des tentatives sociologiques de comprendre cette imbrication, Oliver Nachtwey, Nadine Frei et Carolin Amlinger ont mis en discussion la thèse d’un « individualisme libertaire », selon laquelle les intérêts individuels seraient privilégiés face à la responsabilité devant la société52.

Ceci pourrait se recouvrir avec les fortes prétentions à une autonomie de la connaissance que l’on trouve formulées dans l’anthroposophie dans le domaine de la théorie de la connaissance «supérieure». Mais il n’y a rien de plus que des bits and pieces sur ces questions.

Un examen attentif de l’histoire de la réception révélerait d’autres gouffres profonds de connaissances insuffisantes – à quelques exceptions près, par exemple dans le domaine de l’art. Celui-ci ne jouit pas seulement d’une certaine popularité en dehors du milieu anthroposophique, il est aussi relativement bien saisi du côté anthroposophique, en particulier l’architecture53. Reinhold Johann Fäth, qui a travaillé sur le design anthroposophique, en particulier sur la production de meubles, documente la pénétration de l’art dans la vie quotidienne des anthroposophes. En même temps, il documente dans sa thèse les empreintes idéologiques, qu’il étaye avec l’affirmation que Steiner aurait eu accès à des « expériences suprasensibles »54. Mais ces domaines de l’activité de Steiner sont longtemps restés d’un intérêt essentiellement interne à l’anthroposophie. La perception publique de l’esthétique anthroposophique a reçu un coup de pouce grâce à la tournée des musées et des galeries, depuis 1992, des « dessins au tableau » de Steiner, qu’il réalisait par centaines pour illustrer ses conférences.

Dans un domaine apparenté, on rencontre les impulsions dont se sont saisies les artistes plasticiens (non-anthroposophes ou recevant l’anthroposophie de manière pragmatique). Elles ont été rendues visibles dans les années 2000 par une série d’expositions qui, bien que ne poursuivant que des intérêts scientifiques limités, ont tout de même offert une vue d’ensemble de l’œuvre de Steiner et de l’histoire de son impact55. Dans ce domaine, le grand chapitre de la réception de Steiner par Joseph Beuys attend toujours un traitement scientifique solide56. Les ramifications dans le domaine de la littérature ont été traitées de manière moins fouillée. L’influence de Steiner sur Christian Morgenstern (1871-1914)57, qui est finalement mort en anthroposophe convaincu, est relativement bien connue. Un exemple moins connu est celui de Michael Ende (1929-1995), auteur de livres pour enfants (« Momo », « Jim Knopf et Lukas le conducteur de locomotive »), qui a également intégré des éléments anthroposophiques dans sa vision complexe du monde58.

Le domaine des sciences littéraires offre encore une fois un accès différent. Ainsi, Christian Clement, s’appuyant sur les conceptions religieuses de Steiner, a défendu l’idée que la littérature apocalyptique travaille avec « l’imagination historique » pour « des faits et des développements mentaux et physiques » et que « dans la perspective d’un éveil accru à de tels processus intérieurs », elle ouvre « un accès spécifique à l’interprétation des textes littéraires »59, « dans lequel la transformation du monde doit être comprise comme l’image de la transformation de la conscience humaine »60. « La théorie de la conscience de Steiner », associée à une approche de psychologie des profondeurs61, doit offrir la clé de la compréhension des textes apocalyptiques. Du point de vue de la science littéraire, il serait également utile d’étudier le style d’écriture et de conférence de Steiner, ses concepts et leur sémantique. Les particularités de sa rhétorique écrite et orale sautent immédiatement aux yeux et deviennent encore plus étranges qu’elles l’ont toujours été à mesure que le temps passe, de sorte qu’une telle analyse pourrait grandement améliorer la compréhension de Steiner.

De plus, il manque des études scientifiques fondamentales sur les « drames-mystères » de Steiner, qu’il a écrits avant la Première Guerre mondiale et au sujet desquels des anthroposophes ajoutent presque chaque année des publications d’études spirituelles. Mais il faudrait des études sur la genèse et la situation historique du théâtre ainsi que des analyses de la langue de Steiner, truffée de néologismes62. Les œuvres musicales créées pour les Drames-Mystères et dont les partitions sont conservées en grand nombre à Dornach sont à peine connues et pratiquement inexplorées.

Finalement, il s’ouvre depuis quelques années, un manque aux dimensions insondables, c’est la mondialisation de l’anthroposophie. Cette lacune a elle aussi des racines plus anciennes, nous aurions besoin d’études régionales sur l’anthroposophie dans des pays européens importants, en particulier aux Pays-Bas, dans les pays scandinaves, en France, en Angleterre et en Italie, ainsi qu’en Europe de l’Est et en Europe centrale. Les anthroposophes ont rassemblé un matériel considérable, mais la recherche académique est proche de zéro. Avec la mondialisation accélérée depuis les années 1990, l’anthroposophie est en outre de plus en plus active en dehors de l’Europe. Beaucoup plus tardivement que la théosophie, mais, sauf erreur, de manière plus intense et plus large, et probablement aussi plus durable, on trouve des branches et des initiatives anthroposophiques partout dans le monde. Il semble qu’il n’y ait pratiquement pas d’études scientifiques régionales à ce sujet, il n’est guère possible de penser à une vue d’ensemble pour le moment.

3. Perspectives pour des analyses systématiques

En ce qui concerne les options d’interprétation systématique, on pourrait une fois de plus commencer par les sciences de la nature. La pression de l’épistémologie des sciences de la nature en relation avec les découvertes de la recherche et les applications techniques, fut l’un des grands thèmes du 19e et du début du 20e siècle, auquel l’anthroposophie a également contribué. Les influences biographiques de Steiner, qui commencent par des produits techniques haut de gamme du 19e siècle comme le chemin de fer du Semmering, en font partie, tout comme ses modèles d’interprétation empruntés à la biologie, par exemple en ce qui concerne la théorie de l’évolution déjà mentionnée (mot-clé : Ernst Haeckel). Les idées de Steiner sur l’objectivité ou sur l’absence de limite à la connaissance, ainsi que sa conception de la science en général, ne sont pas seulement le fruit de ses réflexions philosophiques, mais également issues de concepts de la physique, tout cela étant finalement en lien avec les idées du 19e siècle. Cependant, dans la biographie de Steiner, il n’y a pas de points fixes stables dans sa prétention à la scientificité, ses évaluations sur la validité du savoir scientifique s’étant déjà modifiées de son vivant. L’idée que cette anthroposophie aurait été l’expression d’une connaissance « objective » est le produit d’une qualification idéologique, autant de la part des anthroposophes que de la part des critiques ; la réalité était et est encore aujourd’hui toute autre.

Un autre contexte culturel central de Steiner et de l’anthroposophie est l’historicisme. On peut entendre par là, en raccourci, la compréhension de la constitution historique de toutes choses. Au XIXe siècle, cette perspective avait gagné en acuité de manière spectaculaire, car l’accessibilité de textes de cultures non-chrétiennes ou extra-européennes (surtout l’hindouisme, le bouddhisme, l’islam), les fouilles archéologiques ou les recherches ethnologiques avaient fait passer la compréhension de la contextualité historique de l’Europe et de l’Occident dans le débat normatif sur le relativisme. Si les sciences de la nature pouvaient être interprétées par Steiner comme une promesse lumineuse, l’historicisme était pour lui la sombre menace. Les sciences de la nature pouvaient être considérées comme les garantes d’une connaissance fiable, car empirique et «objective», alors que la recherche historique pouvait être considérée comme un labyrinthe d’interprétations concurrentes et donc de subjectivisme et de relativisme. Mais bien sûr, les choses ne sont pas aussi simples. Ce qui complique encore les choses, c’est qu’à l’inverse, Steiner, depuis sa phase théosophique, pouvait également rejeter les connaissances empiriques des sciences de la nature comme étant tueuses d’esprit, « ahrimaniennes », et qu’il considérait de fait l’histoire comme la mine de pierres précieuses dans laquelle on creusait pour exhumer les informations sur l’histoire occulte.

On peut en tout cas comprendre beaucoup de choses de l’anthroposophie si on l’interprète comme un mouvement anti-historique. À l’incertitude sur l’identité culturelle et au relativisme souvent ressenti comme humiliant (à l’apogée de l’impérialisme européen), Steiner a opposé l’assurance, en intégrant les exigences empiriques des sciences de la nature : Le savoir au lieu des certitudes, l’absence de limites à la connaissance au lieu des opinions conditionnées par la culture, la philosophie idéaliste au lieu de l’analyse linguistique, l’eurocentrisme évolutionniste au lieu de l’égalitarisme culturel, la prévisibilité scientifique au lieu du terrain fluctuant de l’interprétation, la connaissance suprasensible au lieu de la perception sensorielle particulière, et pour finir : l’absolu du christianisme théosophique de Steiner au lieu du relativisme religieux de la théosophie. L’anti-historisme n’est pas un passe-partout pour l’anthroposophie, mais il vaut pour nombre de ses applications. L’intégration de la pensée de Steiner dans les grands débats sur l’historicisme de l’époque n’a toutefois guère encore été entreprise : Steiner serait à situer entre Dilthey, Rickert, Weber, Troeltsch et Husserl. Cela ne signifie pas que Steiner se soit intéressé de près à tous ces penseurs, mais leurs réflexions font partie des questions auxquelles il a également cherché des réponses.

Dans la recherche, un domaine de Steiner que l’on pourrait qualifier d’esthétique philosophique ou de phénoménologie se trouve un peu en marge des thèmes philosophiques. De larges pans de sa pensée sont caractérisés par l’hypothèse d’une plausibilité eidétique. En médecine, il accepte les analogies esthétiques (qui prennent leurs racines dans la théorie des signatures datant du début de l’époque moderne) comme base de l’efficacité des médicaments ou des thérapies, et dans sa pédagogie, il travaille avec l’évidence des processus manifestés pour expliquer les relations observées dans la nature. Dans ses conceptions biologiques, en disciple de Ernst Haeckel, il privilégie l’explication des relations de parenté entre les êtres vivants par la référence à des similitudes et non par le biais des bases de la biologie cellulaire ou de la génétique (ces dernières ne seront toutefois découvertes qu’en 1900 et il faudra des années pour qu’elles se fassent une place dans les débats en biologique). Jusqu’à aujourd’hui, l’attractivité épistémologique de l’anthroposophie tient sans doute aussi au fait qu’elle explique généralement des relations très complexes à l’aide de modèles relativement simples, c’est-à-dire évidents.

L’histoire de l’institutionnalisation de l’anthroposophie est également largement inexplorée. Il est évident que la Société Anthroposophique Universelle et ses antennes régionales font partie de l’histoire de la liberté d’association et de la liberté religieuse de la deuxième moitié du 19e siècle et donc de l’histoire de la pluralisation des démocraties constitutionnelles. Mais en même temps, décrire l’anthroposophie comme une organisation avec des membres, un comité directeur ou une assemblée générale annuelle, serait insuffisant vu qu’elle est, outre tout cela, un mouvement. Cet élément d’organisation est également un héritage du 19e siècle, par exemple du mouvement ouvrier ou du mouvement germanique de réforme de la vie. Le concept de formation de communautés issu de la théosophie a toutefois revêtu une importance particulière, en accordant de la valeur au fait d’être un mouvement qui intègre, au-delà des membres, un cercle de sympathisants.

Derrière ce concept de mouvement se cachait une image de soi tout à fait élitiste, car le cercle interne des théosophes était censé constituer une espèce humaine hautement développée pour ce mouvement. Mais les effets allaient aussi dans le sens de la démocratie, car la constitution d’un cercle d’arcanes ne pouvait être réalisée que partiellement dans l’École ésotérique de Steiner. La «classe» ésotérique au sein de la Société anthroposophique est aujourd’hui en tout cas bien loin de constituer une élite de pouvoir ; les structures de pouvoir se sont établies davantage dans le cadre de l’organisation associative ordinaire. Jusqu’à aujourd’hui, l’anthroposophie est, de fait autant que dans la conception qu’elle a d’elle même, une société (dans le sens d’une association) et un mouvement au sein duquel les sympathisants représentent une composante à part entière de cette «Anthroposophie». Mais c’est précisément ce qui rend l’analyse sociologique laborieuse, car l’attribution voir le décompte des membres d’un mouvement est méthodologiquement beaucoup plus difficile à faire que de jeter un coup d’œil sur la liste des membres inscrits à une association.

L’étude de l’attractivité et de la stabilité de l’anthroposophie constitue une partie du domaine de cette perspective sociologique. Certains critiques avaient depuis longtemps prédit son déclin ; au vu des compétences juridiques relativement faibles de la Société anthroposophique dans les domaines pratiques, une atomisation de la nébuleuse anthroposophique n’aurait pas été surprenante – et il y a encore bien d’autres raisons pour lesquelles l’anthroposophie ne devrait « en fait » pas exister de manière aussi stable qu’elle le fait. Certes, la Société anthroposophique doit elle aussi faire face à une faible relève parmi les jeunes, le nombre de ses membres n’est pas mirifique car, en règle générale, on ne se réjouit guère d’une association pilotée selon une doctrine et une autorité. Mais les appels de Cassandre n’ont pas été entendus, l’anthroposophie existe de manière assez stable. Les raisons sont une fois de plus très diverses et devraient être analysées séparément pour chacune des directions suivantes. À la base, on sait que personne ne peut vivre de ses faiblesses. L’anthroposophie fournit des prestations à ses membres, par exemple sous forme d’orientation idéologique et de proposition de sens. Les points forts sont encore plus évidents pour les non-anthroposophes dans de nombreux domaines de la pratique actuelle : L’agriculture biodynamique était déjà pratiquée à l’époque où l’Europe rêvait encore d’une solution à tous les problèmes alimentaires grâce à des champs d’engrais artificiels parfaits et un élevage de masse rationalisé et lorsque la pédagogie confondait trop souvent formation et évaluation des performances et que la médecine ne menait des réflexions que très insuffisantes au sujet de l’utilité psychique marginale de ses thérapies de haute technologies.

La stabilisation est un domaine encore peu étudié. On peut penser par exemple à l’effet rassurant qu’apporte l’institutionnalisation d’une conception du monde. L’anthroposophie n’est pas seulement une contemplation des mondes supérieurs, c’est aussi un travail associatif laborieux dans le cadre d’assemblées annuelles. On s’attendrait à trouver ici des formes d’organisation tout à fait actuelles, telles qu’on les rencontre aussi dans le monde de l’économie63. La conception du monde fondamentale dont il est question se caractérise par un large spectre de chemins d’accès : Il y a d’une part des dogmes durs comme du béton et en même temps, avec l’affirmation d’une liberté doctrinale, de vastes champs libres d’interprétations ; ce n’est pas toujours facile au quotidien au sein de la Société anthroposophique, mais cela offre des points d’accroche pour un groupe hétérogène de membres. Enfin, il ne faut pas sous-estimer le consensus minimal sur la personne et l’œuvre de Rudolf Steiner, qui est le point de référence évident de tous les anthroposophes, aussi divergents que puissent être leurs positionnements. Ses textes jouissent d’un statut canonique qui, comme c’est le cas dans de tels processus de stabilisation, ne peuvent que par l’interprétation être rendus pertinents pour des questionnements multiples. C’est précisément cette sacralisation structurelle de son œuvre qui explique que l’on ait eu tant de mal pendant des années (et que l’on ait encore du mal à le faire dans certains milieux anthroposophiques) à lui concéder des erreurs, à accepter calmement ses contradictions ou, comme pour sa théorie des races, à explicitement évacuer certaines parties jugées inacceptables. Il existe tout de même l’étude de Karen Swartz (voir chapitre 4), qui nous éclaire de manière exemplaire sur ces régions en grande partie non-encore cartographiées.

Dans son pouvoir de séduction, les champs d’application pratique jouent finalement un rôle majeur. Comme le montrent de nombreuses biographies, beaucoup d’anthroposophes entrent dans l’anthroposophie par la plausibilité et l’attractivité d’une application pratique, puis rejoignent pas à pas son centre ésotérique64. Cela va certes à l’encontre du discours théorique de nombreux anthroposophes très engagés, pour lesquels la proposition de conception du monde, la démarche de connaissance supérieure suprasensible, doit jouer un rôle décisif, et qui parfois jettent de ce fait sur la pratique un regard un peu distant. Mais cela est bien compréhensible au vu de la difficulté importante qu’il y a à entrer dans la conception du monde de Steiner. Les champs d’application pratiques ont finalement une importance considérable pour le cercle des sympathisants et pour les anthroposophes qui se tiennent à distance de l’anthroposophie organisée. Pour eux, cet héritage visant à réformer la vie est attrayant, car il sert des valeurs post-matérielles, et il peut par exemple être facilement associé aux idées actuelles sur l’écologie, la durabilité, et la [bonne] gouvernance. Ce n’est en tout cas pas un hasard si la conjoncture de la pratique culturelle alternative et l’anthroposophie se trouvent fréquemment sur des voies parallèles (avec bien souvent un temps d’avance pour les champs d’application pratiques anthroposophiques).

Il faudrait également examiner l’anthroposophie en tant qu’agent d’innovation (comprise comme une transformation culturelle accélérée ou intensifiée). Les anthroposophes ont souvent accompagné ou mis en route de tels changements innovants. On en trouve de nombreux exemples dans le lancement et la stabilisation des champs d’applications pratiques. Certains sont nés d’activités modestes et bien souvent menacées de disparition, d’autres en revanche, tels que les idées de Steiner sur la tripartition, n’ont, à bien des égards, pas survécu à leur créateur. D’autres encore, après parfois de longues traversées du désert, ont commencé à fleurir et à devenir socialement agissants, tels que la pédagogie anthroposophique, l’eurythmie et l’agriculture. C’est fréquemment la structuration associative qui a permis de franchir la longue période allant de la mort de Steiner jusqu’aux années soixante-dix ou quatre-vingt du XXe siècle. C’est alors que les mentalités ont changé et que les choses qui était considérées comme des produits de niche un peu farfelus sont devenues des alternatives socialement recherchées.

Un autre thème peut être décrit par le mot-clé ambivalence. L’anthroposophie n’est pas (seulement) cet univers d’une société secrète opaque s’opposant aux Lumières et faisant tout pour échapper au débat public, telle que les autoproclamés « chasseurs de sectes » la présentent, ni le refuge dans les nuages d’une société qui comprend et sait tout mieux que tout le monde grâce à son savoir spirituel. Mais elle n’est pas non-plus seulement l’avant-garde d’une société transformée dans le sens de l’écologie, avec une vision holistique de l’être humain, une pédagogie sans stress et un monde respiritualisé. L’anthroposophie n’est ni tout à fait l’un ni tout à fait l’autre, on trouve souvent côte à côte des dimensions diverses, hétérogènes, voire antagonistes. J’aimerais, à titre d’exemple, attirer l’attention sur l’une de ces dimensions ambivalentes. D’un côté, on se heurte massivement à des structures d’autorité : à l’enseignant initié dans la pédagogie Waldorf, à la prêtresse qui règne sur le culte dans la Communauté des Chrétiens, à la personne politiquement engagée qui sait que la connaissance des réalités politiques doit provenir « d’au-delà du seuil », et surtout à cette anthroposophe pour qui la connaissance des mondes supérieurs coupe court à toute discussion. D’un autre côté (et en même temps), on rencontre cette grande promesse d’autonomie et d’individualisation dans de nombreuses écoles Waldorf, cette revendication d’une spiritualité individuelle, cette participation à des mouvements favorables à la démocratie de base plaidant pour une démocratie directe – et toujours ce pathos de supériorité de l’individualité libre. On peut se poser la question de savoir si tout cela peut être pensé en toute cohérence. Ce ne l’est évidemment pas, mais du point de vue de l’épistémologie, il est clair que le postulat d’une cohérence non contradictoire fait partie des terribles simplificateurs qui joue la carte d’une réalité complexe face à une exigence de simplicité et de clarté. Il serait sans doute plus passionnant d’analyser comment les processus se déroulent dans l’une ou l’autre direction au sein de l’anthroposophie, comment on interprète Steiner (avec le mainstream et souvent contre lui-même) de manière égalitaire et anti-hiérarchique ou, à l’inverse, comment on trouve le courage d’introduire dans les débats les formes autoritaires de la pensée de Steiner (allant souvent contre l’esprit du temps).

Steiner serait – c’est l’avant-dernier thème – à insérer dans l’historiographie de l’ésotérisme. Il s’agit là d’un problème particulier dans la mesure où la confrontation au sujet de sa conceptualisation fait actuellement l’objet d’une vaste controverse : est-il question du fond ou de la forme65, ou s’agit-il d’un objet à interpréter dans une perspective spécifiquement occidentale ou dans une perspective globale66 On peut ici emprunter deux voies : en premier, il nous faut faire encore des recherches sur les sources de la pensée de Steiner et sur les traditions que l’on peut classer dans la rubrique occultisme ou ésotérisme auxquelles il s’est confronté. Le fait que l’on ne peut qu’exceptionnellement aller au-delà du 19e siècle et que souvent on doive compter avec l’utilisation de littérature secondaire plutôt que des sources primaires, lorsque Steiner se réfère à des traditions allant du début de l’époque moderne jusqu’à l’Égypte ancienne, voilà qui est relativement clair. Il a principalement lu des publications datant du 19e siècle, beaucoup de traductions, beaucoup de traités littéraires, mais très peu de textes originaux anciens. C’est en s’appuyant là-dessus que l’on peut étudier la conception personnelle de Steiner de l’ésotérisme. Son utilisation (relativement rare) de ce terme relève de sa vulgarisation dans le dernier quart du XIXe siècle ; les preuves des utilisations du concept d’ésotérisme depuis la fin du XVIIIe siècle67 sont pour l’histoire de son impact jusqu’à la fin du XIXe siècle, d’une importance purement homéopathique. C’est sur cette base que l’on peut analyser l’utilisation linguistique objective pratique de ce concept par Steiner et que l’on peut déterminer les conséquences pour la conceptualisation scientifique de l’ésotérisme et la position de l’anthroposophie. Cela permettrait de voir plus précisément quelle était la relation entre sa propre vision du monde et les grands récits de l’hermétisme et de l’ésotérisme : comment décrire son rapport à la Philosophia perennis68, y a t-il des continuités avec l’exclusion de l’hermétisme69 (par la théologique protestante), quel rôle joue la natur-philosophie romantique avec laquelle les relations sont bien établies sur des questions particulières, sans que l’on dispose d’une vue d’ensemble de la chose ? Nous devrons probablement attendre encore longtemps une réponse sur la façon dont il faut décrire le rapport entre l’anthroposophie et les traditions néoplatoniciennes – on manque de travaux fondamentaux sur cet ensemble, bien que la communauté scientifique en charge de la recherche sur l’ésotérisme admet que l’importance du néoplatonisme pour l’ensemble de ce champ soit fondamentalement incontestable.

Enfin, il valait la peine de discuter de la manière dont nous, les chercheurs, conceptualisons l’étude de l’anthroposophie sur le plan épistémologique. Une grande partie de la recherche en anthroposophie (et les auto-interprétations anthroposophiques à plus forte raison), souffre de présupposés idéalistes profondément ancrés, parmi lesquels figure avant tout l’idée qu’il existe une origine. L’hypothèse selon laquelle les religions possèdent une telle origine, par exemple que le bouddhisme commence avec Bouddha, le christianisme avec Jésus, l’islam avec Mahomet – et justement l’anthroposophie avec Steiner – est établie comme une évidence et possède une grande plausibilité : Sans Steiner, il n’y aurait en effet pas d’anthroposophie, il a posé les jalons décisifs, son corpus de textes, ses « révélations », comme il l’a parfois lui-même proclamé, constituent, comme nous l’avons dit, le fondement conceptuel et factuel « absolu » de la théorie et de la pratique anthroposophiques. Et pourtant, les problèmes que posent une telle conception l’emportent trop souvent sur les bénéfices qu’elle apporte. Car ce qui s’est passé après la mort de Steiner n’a pas été un simple « développement » (pour utiliser un concept de l’orthodoxie Steinérienne) de son héritage, mais un processus de sélections, de ratures, d’élargissements, de réinterprétations, de superpositions, de nouvelles mises en relations et contestations, de lignes de dépendance soit factuelles ou soit seulement supposées, de constructions dogmatiques sur la tradition et d’exploitations anarchiques, de l’utilisation de Steiner en tant que formulaire jusqu’à une dogmatisation de ses empreintes digitales sur la maquette en plastiline du Goetheanum. Mais de tels processus ne peuvent pas être interprétés si le théorème de l’origine – sans contester en totalité les conséquences qui ouvrent des voies ou un point de départ établissant des dépendances – se voit attribuer une importance excessive voire démesurée. Au lieu de cela, nous avons besoin de mettre en œuvre les techniques historiographiques d’une généalogie rétrospective70 , dans lesquelles la priorité est donnée au présent et aux points d’intérêts qui y sont incorporés dans la prise en compte de l’histoire. Pourquoi les anthroposophes et les chercheurs interprètent-ils Steiner et l’anthroposophie de la façon dont ils le font ? Quels sont les critères de sélection, les concepts d’interprétation (implicites) ou les intérêts dans l’utilisation de ce matériau ? Une telle perspective signifie aussi, encore une fois, que nous devons réfléchir aux empreintes de nos recherches scientifiques à travers les données du champ sur lequel nous effectuons nos recherches (ce qui n’a pas forcément pour conséquence de les rejeter, mais de les refigurer de manière critique en tant qu’options heuristiques) et à réfléchir à notre interconnexion avec le champ religieux, qui est inévitable et influence les deux aspects. Selon Paula Schrode, nous sommes « tenus » de « rendre transparents de manière autocritique nos propres transferts dans le champ religieux» et de nous positionner face à notre tendance à « conserver un aveuglement confortable – et qui nous légitime- en escamotant superbement le champ religieux »71.

4. Conférences oubliées (ou pas)

Pour finir, un regard en flânant sur la littérature anthroposophique, qui va peut-être éveiller une fascination scientifique – les mots-clés bibliographiques apporteront encore des informations systématisées (✶) – et qui semble parfois s’assoupir comme dans un sommeil de la Belle au bois dormant. Il y a des livres, des livres superbes, qui n’ont injustement pas reçu l’attention qu’ils méritent, et qui ont même été oubliés – je pense que c’est le cas notamment parce qu’il n’existe pas de communauté scientifique fonctionnelle pour l’étude de l’anthroposophie. La plupart des œuvres de valeurs ont été reconnues et il en est beaucoup question dans ce livre, mais certaines passent à travers les mailles du filet de la réception. Je voudrais donc présenter trois livres que je considère – dans une perspective subjective, bien sûr – comme sous-exploités en raison du manque d’attention qu’on leur porte.

Jan Stottmeister: Der George-Kreis und Theosophie.72. Stottmeister ne se contente pas d’analyser les penchants théosophiques ou du moins l’ouverture d’esprit de personnes importantes du cercle George, mais il écrit en même temps l’histoire de l’intronisation de Steiner. Non pas une des nombreuses histoires de haine ou de vénération, mais une histoire dans laquelle deux personnes charismatiques, Stefan George et Rudolf Steiner, ayant le même but qui est d’atteindre une connaissance plus profonde ou supérieure, se mettent en concurrence. Stottmeister traite des questions centrales de la théosophie avec une connaissance précise du sujet, notamment la question des conditions et des possibilités de cette connaissance (supérieure), qui n’a justement pas été soulevée uniquement par les théosophes, ou les conflits qui surgissent lorsque l’on doit choisir entre ces deux personnages, ainsi qu’il le documente sur l’aide d’Alexander von Bernus ou d’Ernst Bloch.

Robin Schmidt: Glossar. Stichworte zur Geschichte des anthroposophischen Kulturimpulses73. Comme nous l’avons dit, nous ne disposons pas d’histoire du mouvement anthroposophique et de la société anthroposophique après la mort de Steiner, nous n’avons qu’un gigantesque fonds d’archives et des textes épars tels des fragments de rochers après une éruption volcanique. Mais il y a Robin Schmidt, longtemps collaborateur de la fondation anthroposophique « Stiftung Kulturimpuls » à Dornach, qui est responsable d’un glossaire qui y remédie, mais qui dès le titre vise déjà trop bas : ce ne sont certes que des mots-clés, mais ils tiennent la route: solidement recherchés, exhaustifs, à ce jour dénués d’alternative. Mais le texte porte en même temps à sa propre marginalisation, car il est publié caché dans une publication de biographies courtes, où on ne l’attend pas et dans laquelle personne ne le trouve. Mais avant de disposer d’une histoire plus large de ce champ anthroposophique, il faut recourir à Schmidt si l’on veut en savoir plus sur les structures de la Société anthroposophique, ses comités, les champs d’applications pratiques, les initiatives, les associations anthroposophiques, les sociétés nationales, les maisons d’édition, les branches…

Ansgar Martins: Rassismus und Geschichtsmetaphysik74. Nous avons beaucoup de littérature sur le thème du racisme, certains anthroposophes disent beaucoup trop – alors que les critiques polémiques de l’anthroposophie estiment (et de nombreux anthroposophes leur donnent raison) que nous en avons encore beaucoup trop peu. Ce que nous n’avons en tous cas effectivement pas encore, c’est une étude minutieuse historico-critique, non seulement des passages où Steiner parle d’« Indiens dégénérés » et de la « race blanche » qui travaille pour l’avenir, mais aussi – par exemple – des hypothèses de la théorie de l’évolution qui se trouvent en arrière-plan, ou de cette alternance de relativisation et d’insistance que l’on rencontre dans l’œuvre de Steiner. Pour autant qu’on le puisse, Martins le démontre dans sa tentative de traiter par petites touches les contextes macro et micro-historiques, et les intérêts et les contraintes qu’ils font surgir. C’est ce que l’on pourrait faire si l’on abordait le sujet à grande échelle. En attendant, avec Martins, on est entre de bonnes mains.

Karen Swartz: Management Matters. Organizational Storytelling within the Anthroposophical Society in Sweden75, tel est le titre d’une étude de sociologie organisationnelle sur l’antenne nationale suédoise de la Société anthroposophique. Derrière cette présentation du sujet dans un anglais scientifique impeccable se cache la plus grosse surprise que j’ai rencontrée dans l’étude de l’anthroposophie. La plus petite partie de la surprise est le sujet de ce travail : une analyse du discours des récits d’auto-perception au sein de l’anthroposophie qui racontent l’histoire d’une fondation dorée, un présent difficile et un avenir incertain en Suède, tout ceci focalisé sur la personnalité de Rudolf Steiner. Sur la base d’interviews de qualités, on apprend à quel point le groupe des personnes interrogées est hétérogène, certaines désorientées, certaines frustrées, mais toutes fermement convaincues de l’avenir de l’anthroposophie au sein des institutions anthroposophiques suédoises (les points communs fondamentaux demeurant peut-être insuffisamment mis en lumière). Ce qui est définitivement la surprise majeure, c’est que l’auteur elle-même ne fait aucun mystère de son empreinte anthroposophique. Mais elle fait table rase de l’apologie de Steiner et de la prétention à la vérité, presque toujours présentes dans le milieu anthroposophique. Sans s’embarrasser, elle propose simplement de la science. Le fait qu’elle prend position relève d’une dynamique normale de connaissance et d’intérêt, mais elle n’instrumentalise pas prioritairement son interprétation en fonction d’interprétations normatives. La recherche sociale empirique, l’intégration d’un cadre néolibéral pour les activités anthroposophiques, l’analyse narrative des médias… – ce genre de travail sur les arrière-plans anthroposophiques était depuis longtemps resté carrément banni. Si un tel travail devenait la référence pour la recherche anthroposophique issue du milieu anthroposophique, une nouvelle ère s’ouvrirait.

5. Les contributions de cet ouvrage

Presque toutes les contributions de cet ouvrage sont caractérisées par une perspective stéréoscopique : la référence aux sources est la base des réflexions, mais elles sont intégrées dans des réflexions théoriques constituant le deuxième pilier de cette analyse scientifique. C’est une tentative de ne pas se perdre dans l’approche scientifique : ni s’enfoncer comme un chasseur -cueilleur dans la vaste jungle sauvage de l’anthroposophie, ni éluder les difficultés du service historique critique dans les hautes sphères éthérées de la pensée pure. Au moins en arrière-plan, il y a un autre intérêt à extraire l’étude de l’anthroposophie (comme l’ésotérisme en général) hors du ghetto d’une discipline séparée, c’est de démontrer l’intersectionnalité avec les autres champs culturels. Il va de soi que tous ces auteurs s’aventurent dans un territoire neuf.

Ansgar Martins ouvre avec des réflexions sur l’apocalyptique, la réforme sociale et la philosophie du moi. Sur quelques développements et nouvelles approches dans l’anthroposophie de langue allemande depuis 1925, qui permettent de mettre en parallèle l’histoire de la recherche avec certaines évolutions dans l’anthroposophie. Dans ses réflexions, il esquisse des phases avec différents paradigmes d’interprétation anthroposophique dans la vie et l’œuvre de Rudolf Steiner, dans lesquelles il apparaît clairement que non-seulement Steiner doit être lu en fonction du contexte, mais que son interprétation est également battue en brèche par différentes lectures. Cette double rupture implique non seulement d’historiciser Steiner et sa réception anthroposophique, mais aussi la nécessité d’une auto-réflexion scientifique et historique de la recherche anthroposophique : en effet, elle aussi suit plus souvent qu’elle ne le souhaite ou qu’elle n’en a conscience les directives d’interprétation de Steiner et de ses adeptes.

Ann-Kathrin Hoffmann, dans son article Vom Kopf auf die Füße stellen : La pédagogie Waldorf comme nécessité culturelle à l’époque de l’intellectualisme ? analyse l’utilisation du terme intellectualisme dans l’œuvre de Steiner et son application dans la pédagogie Waldorf. Ce qui semble être la mise en œuvre d’un concept très particulier conduit de facto au cœur de l’auto-compréhension intellectuelle de Steiner : dans la mesure où l’anthroposophie devait être une science, lui et ses adeptes devaient revendiquer une position d’égal à égal avec les débats intellectuels de leur époque. En même temps, Steiner considérait l’intellectualisme comme une menace, en particulier pour les enfants, car il voyait dans cet intellectualisme une compréhension figée, pour ainsi dire dogmatique, du savoir. Cependant le prix à payer pour la transmission d’un savoir « vivant » allant dans l’autre sens était une prise de distance par rapport à une science critique.

Stephanie Majerus étudie un deuxième champ de pratique anthroposophique, l’agriculture, et suit en même temps l’interprétation de concepts fondamentaux de Steiner : dans ses réflexions sur le «moi» comme partie d’un courant de vie cosmique – une classification anthropologique culturelle des agriculteurs Demeter. Elle fait appel pour cela à des méthodes de recherche sociale qualitative, et thématise une tension fondamentale dans les réflexions de Steiner, qui traverse toutes les phases de sa vie : Comment les interprètes de Steiner se comportent-ils face aux tendances panthéisantes-enthéisantes dans l’œuvre de Steiner, qui peuvent aller jusqu’à la dissolution de l’individu, d’une part, et, d’autre part, face à la conception d’une individualité au centre de laquelle Steiner situe un «Je» doué d’une aspiration à l’autonomie ? Majerus refuse l’ambiguïté de ces positions en faveur de l’un ou l’autre côté et demande de ne pas dissoudre la complexité et les variations de Steiner selon les diverses situations de vie.

L’étude de Ionuț Daniel Băncilă ouvre un autre champ encore peu arpenté, celui des profils régionaux de l’anthroposophie, et ce sur une partie de l’Europe décidément mal investiguée : l’anthroposophie en Roumanie : instantanés de l‘histoire de sa réception. Comme dans un microcosme, on rencontre de l’anthroposophie en Roumanie tout au long des cent dernières années : le jeune Steiner avec des conférences en Transylvanie, les tentatives d’anthroposophes intellectuellement ambitieux de s’accommoder de différentes expressions de l’esprit du temps en Roumanie entre la mort de Steiner et la fin du régime communiste ou les tentatives d’établir l’agriculture anthroposophique dans des structures villageoises. Après 1989, enfin, il en vient à rechercher des liens avec la spiritualité orthodoxe, qui, dans le complexe idéologique anthroposophique, se caractérise par la dignité particulière de sa profondeur spirituelle.

Viktoria Vitanova-Kerber a également contribué à une étude régionale sur l’anthroposophie en Bulgarie. La situation y est doublement complexe : d’une part, l’anthroposophie a survécu sous différentes formes dans l’entre-deux-guerres, durant la Première Guerre mondiale, durant la phase communiste et après le tournant de 1989, comme en Roumanie ; d’autre part, des processus d’échange peuvent être mis en évidence avec des groupes apparentés, notamment la Fraternité blanche fondée par Peter Dunov, mais aussi avec des représentants de l’Église orthodoxe. Elle a en outre analysé ce champ idéologique sous l’angle de la mise en œuvre de l’anthroposophie dans les champs pratiques.

Un double essai de Marty Bax et Helmut Zander est consacré à la relation complexe entre la spiritualité et l’art : Hilma af Klint et les racines piétistes de l’ésotérisme et de l’anthroposophie. Le point de départ est l’œuvre artistique de Hilma af Klint, considérée – avant même Wassily Kandinsky – comme une « découvreuse » de l’abstraction artistique. Marty Bax peut maintenant démontrer que la thèse propagée jusqu’à présent, notamment par les anthroposophes, selon laquelle la théosophie ou l’anthroposophie de Rudolf Steiner serait responsable de cette étape décisive, n’est pas pertinente. Sa thèse est plutôt que les racines se trouvent dans le piétisme radical du protestantisme suédois – avant qu’af Klint ne trouve l’anthroposophie de Steiner.

Dans ses réflexions sur le piétisme et l’« ésotérisme », Helmut Zander s’efforce démontrer que ce cheminement du spiritualisme et de sa branche piétiste vers des conceptions « ésotériques » est fréquent. Les exemples d’Augustin Bader, de Johann Wolfgang von Goethe et de Rudolf Steiner permettent de démontrer de manière exemplaire de tels transferts depuis le début des temps modernes. Dans ce contexte, af Klint peut être placée dans une longue tradition d’interférences («ésotériques») chrétiennes et hermétiques.

Marty Bax apporte la preuve de sa thèse de façon détaillée sous le titre Hilma af Klint. Vom radikalen Pietismus zur Anthroposophie. Mythos und Wahrheit (Alternative : Abschied vom Mythos und Annäherung an die Wahrheit). En s’appuyant sur des documents en partie inédits, elle documente la spiritualité initiale d’af Klint, entre piétisme et spiritisme protestant, tout en relativisant son importance au profit d’autres membres de l’association d’artistes féminines De Fem, marquée par la religion, notamment en ce qui concerne Anna Cassel. En interprétant de manière exemplaire les œuvres d’art d’af Klint, elle peut fnalement montrer que des motifs interprétés jusqu’à présent de manière théosophique/anthroposophique proviennent en réalité de sa tradition protestante et que la genèse de ses tableaux abstraits doit être attribuée à cet enracinement culturel.

Le volume se termine par des réflexions de Hartmut Traub sur la classification de la pensée de Rudolf Steiner du point de vue de l’épistémologie et de la méthodologie. Il défend la thèse selon laquelle le manque d’intérêt scientifique pour l’œuvre (philosophique) de Steiner est lié à des processus d’exclusion académique qui se fondent sur des conceptions différentes de ce qu’est la science. Il demande donc que l’on distingue dans l’œuvre de Steiner, différents genres de textes (par exemple des textes métaphoriques, thérapeutiques ou philosophiques) qui appartiennent à des contextes sociaux différents, en ce qui concerne leurs approches d’interprétation.

Pour finir, nous remercions le Schweizerischen Nationalfonds, qui a soutenu le projet La genèse de la science universitaire des religions face aux traditions non hégémoniques, en particulier théosophiques, dans le contexte duquel l’ouvrage suivant a été rédigé, et qui a également permis l’impression grâce à un financement généreux avec un open access non-limité. La Faculté catholique de l’Université de Fribourg a cofinancé le colloque au cours duquel les présentes contributions ont été discutées. Je remercie Moritz Bauer pour les travaux préparatoires à cette publication. Ansgar Martins et Peter Staudenmaier ont été d’une grande aide pour toutes les questions. Mais un merci tout particulier va à Viktoria Vitanova-Kerber, qui a accompagné l’orientation intellectuelle et assumé la responsabilité principale du travail éditorial de cet ouvrage.

Sans sa supervision, la fiabilité et les actions de sauvegarde de cet ouvrage ne seraient encore qu’au stade d’une promesse occulte.

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— Evangelische Kirche und anthroposophische Christengemeinschaft – quo vaditis? Überlegungen zur gegenwärtigen Situation ihres Dialoges anlässlich der Studie ‚Zur Frage der Christlichkeit der Christengemeinschaft‘, in: Materialdienst des Konfessionskundlichen Instituts Bensheim 56/2005, 116–119

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— Rudolf Steiner, Schriften zur Anthropologie. Theosophie – Anthroposophie. Ein Fragment (= Schriften. Kritische Ausgabe [SKA] 6), hg. und kommentiert von Christian Clement, Stuttgart-Bad Cannstatt: Frommann-Holzboog 2016, in: Schweizerische Zeitschrift für Religions- und Kulturgeschichte 111/2017, 463–468

— Rudolf Steiner. Die Biographie ( 1 2011), München: Piper 3 2016

— What Is Esotericism? Does It Exist? How Can It Be Understood?, in: The Occult Roots of Religious Studies. The Origins of the Academic Study of Religion and its Relation to Non-Hegemonic Currents, Berlin / Boston: de Gruyter 2021, 14–43

Zur Frage der Christlichkeit der Christengemeinschaft. Beiträge zur Diskussion, hg. v. Evangelischen Oberkirchenrat Stuttgart, Filderstadt: Markstein 2004

Notes

  1. Les modèles de justification idéologique explicites ou implicites dans les thèses de Reinhold Johann Fäth (voir ci-dessous note 54) et de Christian Clement (voir ci-dessous p. 10 et suivantes et note 62) sont exemplaires pour cette problématique. Fäth oscille entre des prises de positions au sujet de Steiner qui sont tantôt visiblement celles d’un adepte et tantôt intentionnellement neutres ; Clement laisse ouverte cette question et n’aborde pas ainsi le sujet des implications épistémologiques.
  2. Pour la plupart des thèmes discutés ci-dessous, la littérature publiée avant 2007 est répertoriée dans Zander, Helmut : Anthroposophie in Deutschland. Theosophische Milieus und gesellschaftliche Praxis, 1884 bis 1945 (12007), 2 volumes, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht 2008. – Je ne renvoie qu’exceptionnellement à la littérature mentionnée dans les bibliographies de recherche (voir ci-dessous p. 257 et suivantes). – Je cite mes propres publications dans un excès dans lequel un auteur ne devrait effectivement pas se présenter lui-même ; mais j’espère que l’objectivité de la justification sera claire. – J’ai parfois fait référence à des ouvrages actuels d’inspiration anthroposophique, même s’ils n’ont pas d’orientation scientifique au sens strict, car ils sont néanmoins utiles pour les débats actuels. – Je remercie les contributeurs de ce volume pour leur aide et leurs critiques au sujet de cette introduction.
  3. Leese, Kurt : Théosophie moderne. Une contribution à la compréhension des courants spirituels du présent (1918) , Berlin : Furche-Verlag 1921; Frohnmeyer, Johannes Leonhard : Le mouvement théosophique, son histoire, sa présentation et son évaluation, Stuttgart : Calwer Vereinsbuchhandlung 1920; Frick, Heinrich : Regard anthroposophique et foi religieuse. Un examen comparatif, Stuttgart : Strecker et Schröder 1923.
  4. La vaste littérature, principalement orientée sur la controverse théologique jusqu’aux années 1950 est compilée par Stieglitz, Klaus von : La christosophie de Rudolf Steiner. Présupposés, contenu, limites, Witten a.de Ruhr : Luther-Verlag 1955, dont 335-342. Von Stieglitz, pasteur protestant et longtemps surintendant à Dortmund, a présenté avec son œuvre la première grande tentative de systématiser les idées de Steiner sur le Christ et le christianisme. Une vue d’ensemble des publications du début des années 1990 avec un intérêt généralement théologique chez Zander, Helmut : Nouvelle publication sur les relations entre l’anthroposophie et le christianisme, in : Theologische Revue 90/1994, 445-454 et 92/1996, 361-372. Ce domaine comprend également la littérature sur la détermination du rapport de l’anthroposophie et du christianisme avec un regard sur la communauté des chrétiens, par exemple : Sur la question du caractère chrétien de la communauté des chrétiens. Contributions à la discussion, vol. Evangelischer Oberkirchenrat Stuttgart, Filderstadt : Markstein 2004; à ce sujet : Zander, Helmut : L’église évangélique et la communauté chrétienne anthroposophique – quo vaditis? Réflexions sur la situation actuelle de leur dialogue à l’occasion de l’étude « Sur la question du caractère chrétien de la communauté des chrétiens », in: Materialdienst des konfessionskundlichen Instituts Bensheim 56/2005, 116-119
  5. Hauer, Jakob Wilhelm: Werden und Wesen der Anthroposophie. Eine Wertung und eine Kritik (Évaluation et critique). Quatre conférences, Stuttgart: Kohlhammer 1922.
  6. Bock, Emil: Rudolf Steiner. Studien zu seinem Lebensgang und Lebenswerk (étude sur sa vie et sur son oeuvre)1, Stuttgart: Freies Geistesleben 961.
  7. Voir par exemple Archivmagazin, contributions des archives Rudolf-Steiner, édité par l’administration des archives de Rudolf Steiner, Bâle : Rudolf-Steiner-Verlag 2012 ff. : No 5 : L’édition complète de Rudolf Steiner : état actuel et plan de clôture (2016); No. 6 : Au sujet la qualité des transcriptions sténographiques des conférences de Rudolf Steiner (2017).
  8. Lindenberg, Christoph: Rudolf Steiner. Eine Chronik 1861–1925 ( 1 1988), Stuttgart: Freies Geistesleben (édition revue) 2010.
  9. En font partie aussi des publications issues de la mouvance du « Forschungsstelle Kulturimpuls », comme par exemple celles de Bodo von Plato et Robin Schmidt (voir ci-dessous) ou de Uwe Werner.
  10. Au bout de 15 ans, ce travail est bien sûr devenu un peu poussiéreux, par exemple en ce qui concerne la discussion sur la définition du concept d’ésotérisme et de connaissance du contexte ;Sont parues entre-temps des études complémentaires ou correctives sur de nombreux thèmes anthroposophiques (mais pas sur la majorité d’entre-eux). De tels prolongements et corrections sont documentés en de nombreux endroits dans ce volume – il en faudrait toutefois beaucoup plus.
  11. Absolventen von Waldorfschulen. Eine empirische Studie zu Bildung und Lebensgestaltung (Anciens des écoles Waldorf. Une étude empirique sur la formation et les modes de vie), ed. Heiner Barz / Dirk Randoll, Wiesbaden: Verlag für Sozialwissenschaften 2007
  12. L’apport de Christoph Lindenberg est significatif, : Individualismus und offenbare Religion. Rudolf Steiner Zugang zum Christentum (Individualisme et religion manifestée. Accéder au christianisme) ( 1 1970), Stuttgart 2 1995 ; voir à ce sujet, Zander : Anthroposophie in Deutschland, 783.
  13. Les innombrables réactions provenant du milieu anthroposophique conduisent dans un monde particulier. Il y est souvent question, implicitement ou explicitement, de savoir si la méthode historico-critique n’est pas inadéquate pour les intuitions suprasensibles de Steiner – et que celles-ci ne pourraient pas faire l’objet d’une approche scientifique. La revendication qui en découle, d’une science « alternative » conduit cependant la plupart du temps à sortir du consensus de la science académique, en particulier lorsque la prise en compte de l’état de la recherche et la réflexion méthodologique sont absentes ou marginalisées. Il est également important de corriger les erreurs qui se trouvent dans de nombreuses publications anthroposophiques, en raison de la connaissance intime des détails qu’ont les anthroposophes, ; je renvoie en particulier aux travaux bien informés de Martina Sam et de Roland Halfen. Il s’agit cependant presque toujours d’un mélange de corrections factuelles et d’interprétations alternatives qui sont considérées comme des faits. Je citerai des ouvrages dans lesquels une critique méthodiquement fondée et importante d’une part et la réfutation d’informations considérées comme fausses d’autre part ont été mélangées de façon un peu inextricable : Osterrieder, Markus : Welt im Umbruch. Nationalitätenfrage, Ordnungspläne und Rudolf Steiner Haltung im Ersten Weltkrieg, (Un monde en basculement. Questions des nationalités, plan d’organisation et position de Rudolf Steiner lors de la première guerre mondiale) Stuttgart : Freies Geistesleben 2014 ; Sam, Martina Maria : Rudolph Steiner. Enfance et jeunesse, 1861-1884, Dornach : Verlag am Goetheanum 2018 ; même auteur : Rudolf Steiner. Die Wiener Jahre (Les années viennoises), 1884–1890, Dornach: Verlag am Goetheanum 2021; Roland Halfens „close reading“.
  14. Liste de publications et version pdf de la plupart des articles et recensions accessibles sur https://www.unifr.ch/screl/de/pub/ (11.3.2023).
  15. Deux exemples seulement : La compilation de Martina Sam de la bibliothèque de Rudolf Steiner, dans la mesure où elle a été conservée à Dornach, est une recherche fondamentale soigneusement élaborée, tout à fait excellente, qui constitue une œuvre de référence pour toute étude ultérieure de l’œuvre intellectuelle de Steiner (Sam, Martina Maria : Rudolf Steiner’s Bibliothek. Verzeichnis einer Büchersammlung, Dornach : Rudolf Steiner Verlag 2019). En revanche, ses réflexions sur la vie de Steiner sont, dans une mesure déconcertante, marquées par des préjugés de conception du monde, au mépris de la littérature scientifique (dies. : Rudolph Steiner. Kindheit und Jugend, 1861-1884, Dornach : Verlag am Goetheanum 2018 ; dies. : Rudolf Steiner. Die Wiener Jahre, 1884-1890, Dornach : Verlag am Goetheanum 2021). Dans la publication Die philosophischen Quellen der Anthroposophie, édité par. v. Jost Schieren, Frankfurt am Main : Info3 2022, issue d’un cycle de conférences à l’université anthroposophique Alanus à Alfter, ce sont presque exclusivement des auteurs d’origine anthroposophique qui écrivent, avec une intégration généralement très limitée de littérature non anthroposophique. Dans certains articles, la littérature secondaire se limite aux publications de l’auteur concerné.
  16. Steiner, Rudolf : Écrits. Édition critique, éditée et commentée par Christian Clement, Stuttgart-Bad Cannstatt : Frommann-Holzboog 2013 et suiv. Une présentation de la conception et son examen équitable de la critique dans : Clement, Christian : A New Paradigm in the Academic Study of Anthroposophy ?, in : Steiner Studies, 14.4.2021, https://steiner-studies.org/articles/10. 12857/STS.951000140-5/.
  17. Mes recensions de tous les volumes parus jusqu’à présent sous https://www.unifr.ch/screl/de/ pub/ (11.3.2023), dont notamment Rudolf Steiner, Schriften zur Anthropologie. Théosophie – Anthroposophie. Un fragment (= Schriften. Kritische Ausgabe [SKA] 6), édité et commenté par Christian Clement, Stuttgart-Bad Cannstatt : Frommann-Holzboog 2016, dans : Revue suisse d’histoire des religions et de la culture 111/2017, 463-468.
  18. Steiner Studies. Internationale Zeitschrift für kritische Steiner-Forschung / International Journal for Critical Steiner Research; https://steiner-studies.org [13.6.2022]
  19. Cf. deux articles exemplaires pour ces contributions teintées d’idéologie. (a) Code, Jonathan Michael : Considering Waldorf Education’s Contributions to Global Citizenship Education, in : Steiner Studies. Internationale Zeitschrift für kritische Steiner-Forschung 2020 ; DOI : http://doi.org/10.12857/STS.951000140-2. Code a écrit : « Periodically these accusations [of racism, hz] show up in articles in the press, which invariably demonstrate a lack of rigorous engagement with either theoretical foundations of WE [Waldorf Education] or with existing responses to such accusations ». Les accusations correspondantes sont « infondées ». Code écrit sans aucun examen de la littérature disponible, se limite aux publications anthroposophiques et exonère Steiner de toute responsabilité. (b) Kiersch, Johannes : Über den Begriff der Bewusstseinsseele bei Rudolf Steiner, in : Steiner-Studies 2021 ; DOI : http://doi.org/10.12857/STS.951000240-7. Avec une critique justifiée de la recherche existante, il tente de relativiser l’importance de la réception de la théosophie dans l’anthropologie de Steiner après 1900, en ancrant son concept d’« âme de conscience » dans la tradition aristotélicienne. Cette idée heuristiquement intéressante (« Steiner fait partie de ce courant de tradition », selon Kiersch) n’est toutefois étayée ni par une interprétation des textes aristotéliciens ni par la tradition de réception aristotélicienne dans la tradition philosophique occidentale/européenne.
  20. Wehr, Gerhard: Rudolf Steiner. Leben, Erkenntnis, Kulturimpuls München: Kösel (11982), 2 1987, Freiburg i. Br.: Aurum 11982, München: Kösel 21987.
  21. Lindenberg, Christoph: Rudolf Steiner. Eine Biographie, 2 volumes Stuttgart: Verlag Freies Geistesleben 1997.
  22. Zander, Helmut: Rudolf Steiner. Die Biographie (12011), München: Piper 32016.
  23. Ont parus à ce jour: Sam, Martina Maria: Rudolph Steiner. Kindheit und Jugend, 1861–1884, Dornach: Verlag am Goetheanum 2018; dies.: Rudolf Steiner. Die Wiener Jahre, 1884–1890, Dornach: Verlag am Goetheanum 2021; s. voir à ce sujet la bibliographie de recherche p. 314.
  24. Arenson, Adolf: Leitfaden durch 50 Vortragszyklen Rudolf Steiners (11930), Stuttgart: Freies Geistesleben 91991; Karl, Christian: Handbuch zum Vortragswerk Rudolf Steiners, 2 volumes., Schaffhausen: Novalis 1991/1993.
  25. Traub, Hartmut: Philosophie und Anthroposophie. Die philosophische Weltanschauung Rudolf Steiners – Grundlegung und Kritik, Stuttgart: Kohlhammer 2011.
  26. Hoffmann, David Marc: Zur Geschichte des Nietzsche-Archivs. Elisabeth Förster-Nietzsche, Fritz Koegel, Rudolf Steiner, Gustav Naumann, Josef Hofmiller. Chronik, Studien, Dokumente, Berlin / New York: de Gruyter 1991.
  27. Martins, Ansgar: Philosophie fast nur noch als Erlebnis des Einzelnen. Steiners intellektuelle Biographie(n) mit besonderer Rücksicht auf Max Stirner, in: Rudolf Steiner: Intellektuelle Biographien. Friedrich Nietzsche. Ein Kämpfer gegen seine Zeit; Goethes Weltanschauung; Haeckel und seine Gegner (= Schriften. Kritische Ausgabe [SKA] 3), hg. v. Christian Clement, Stuttgart-Bad Cannstatt: Frommann-Holzboog 2019, S. VII-XXXIII.
  28. French, Aaron : Disenchanting and Re-Enchanting German Modernity with Max Weber and Rudolf Steiner, Diss. UC Davis 2021 ; https://escholarship.org/uc/item/2059q49x ; Brandt, Katharina Revenda : Marie von Sivers. Ihr emanzipativer Lebensentwurf und ihre Verbindung mit Rudolf Steiner vor dem Hintergrund des Modells der Kameradschaftsehe, PhD Thesis, University of Groningen, Groningen 2014. Les deux travaux rassemblent du matériel biographique sur Steiner (chez French), respectivement Marie von Sievers (chez Brandt), qui n’est pas à la pointe de la recherche. Il y manque des questionnements méthodologiques et comparatifs sur la manière dont ces informations doivent être mises en relation les unes avec les autres. Chez French s’ajoutent des erreurs désastreuses dans la réception des textes en langue allemande, et chez lui, plus encore que chez Brandt, on ne voit pas comment les nombreux faits qui se recoupent, donnent lieu à des différences.
  29. Sur le rôle de Schieren et de l’université d’Alfter voi Zander, Helmut : Die Anthroposophie. Rudolf Steiners Ideen zwischen Esoterik, Weleda, Demeter et la pédagogie Waldorf, Paderborn : Schöningh 2019, 226. 260 f.
  30. Voir à e sujet la contribution de Ansgar Martins dans cet ouvrage.
  31. Sam, Martina Maria: Rudolf Steiners Faust-Rezeption. Interpretationen und Inszenierungen als Vorbereitung der Welturaufführung des gesamten Goetheschen Faust, 1938, Basel: Schwabe 2011.
  32. Bideau, Paul-Henri: Rudolf Steiner et les fondements goethéens de l’anthroposophie, Diss. Paris 1990 (Lille: Atelier national de reproduction des thèses de l’Université de Lille III, 1989).  Martins: Philosophie fast nur noch als Erlebnis, S. XVII.
  33. Martins: Philosophie fast nur noch als Erlebnis, S. XVII.
  34. Il existe des études partielles importantes sur la théosophie, par exemple sur sa diffusion, sa conception idéologique ou la biographie de ses protagonistes ; voir la littérature correspondante en annexe, p. 319 et suivantes. Des présentations exhaustives de la théosophie font cependant défaut ; On a à titre d’exemple négatif le Handbook of the Theosophical Current, édité par Olav Hammer / Mikael Rothstein, Leiden u. a.: Brill 2013 (recueil de textes mal coordonnés, études théosophiques régionales sans connaissance de la langue du pays, etc.) ; compte rendu de ma part dans HSozKult, http://hsozkult.geschichte.hu-berlin.de/rezensionen/2013-4-132 (29.12.2022). Recherches sur les théosophies régionales avec seulement un court article sur l’Allemagne dans : Theosophy Across Boundaries. Transcultural and Interdisciplinary Perspectives on a Modern Esoteric Movement, éd. par Hans Martin Krämer / Ju lian Strube, Albany : Suny 2020. La formation de la critique théosophique des conceptions chrétiennes occidentales, importante pour l’anthroposophie, chez Harlass, Ulrich : Die orientalische Wende der Theosophischen Gesellschaft. Eine Untersuchung der theosophischen Lehrentwicklungen in der Zeit zwischen den Hauptwerken Alfred Percy Sinnett, Berlin/Boston : De Gruyter 2021, avec seulement quelques références à l’anthroposophie (p. 237, 239, 243). La mise à jour de la scène théosophique dans l’environnement immédiat de Steiner dans les régions germanophones d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse par Zander : Anthroposophie in Deutschland, 75-346.
  35. Le matériel contenu dans l’édition complète et dans la littérature des mémoires constitue toujours la base des recherches. À ce propos, les supports de formation et les cours de Steiner donnés à ses élèves ainsi que ses activités maçonniques constituent deux champs lacunaires distincts. Après 2007, je n’ai pas eu connaissance de recherches approfondies. Il faudrait par exemple suivre les traces qu’Erik Dilloo-Heidger a interprétées sur le rôle du Yoga-Sutra de Patanjali en ce qui concerne les influences sur le chemin de développement proposé par Steiner (« L’initiation ou Comment acquérir des connaissances sur les mondes supérieurs ? » de Rudolf Steiner et le Yoga Sutra du Pantañjali, Norderstedt : Books on Demand 2018). Une étude de l’adaptation par Steiner du rite maçonnique du Misraïm fait largement défaut, des connaissances précises sur les influences possibles d’Alois Mailänder seraient également utiles ; Dilloo-Heidger, ibid. pp. 138-148. Matériel concernant le contexte par Kiersch, Johannes : Zur Entwicklung der Freien Hochschule für Geisteswissenschaft. Die Erste Klasse, Dornach : Verlag am Goetheanum 2005 ; le même : Rudolf Steiner’s Weg zur freien Esoterik. Das Werden der Freien Hochschule für Geisteswissenschaft, Dornach : Verlag am Goetheanum 3ème édition (abrégée et augmentée par rapport à la première édition) 2019. L’évolution après la mort de Steiner n’a pas été étudiée scientifiquement.
  36. Martins, Ansgar : Racisme, réincarnation et la théorie des époques de culture dans la pédagogie Waldorf. -La science raciale anthroposophique sur le chemin du XXIe siècle, dans : Rassismus. Von der frühen Bundesrepublik bis in der Gegenwart, éd. par Vojin Sasa Vukadinovic, Berlin : de Gruyter (en préparation) ; Staudenmaier, Peter : Between Occultism and Nazism. Anthroposophy and the Politics of Race in the Fascist Era, Leiden : Brill 2014 ; Martins, Ansgar : Rassismus und Geschichtsmetaphysik. Esoterischer Darwinismus und Freiheitsphilosophie bei Rudolf Steiner, Frankfurt a. M. Info3 2012 ; Sonnenberg, Ralf : « Keine Berechtigung innerhalb des modernen Völkerlebens ». Judentum, Zionismus und Antisemitismus aus der Sicht Rudolf Steiner, in : Jahrbuch für Antisemitismusforschung 12/2003, 185-209.
  37. Anthroposophie und Judentum. Perspektiven einer Beziehung, édité par. Ralf Sonnenberg, Frankfurt a. M.: Info3 2009; Büchenbacher, Hans: Erinnerungen 1933–1949. Également une étude sur l’histoire de l’Anthroposophie sous le Nationalsocialisme, édité par Ansgar Martins, Frankfurt am Main 2014: Info3, Anhang 5. Boaz Huss prépare une publication sur l’Anthroposophie en Israel.
  38. S. Anm. 1.
  39. En tan que grand naratif d’une contextualisation, voir Hanegraaff, Wouter Jacobus: Esotericism and the Academy. Rejected Knowledge in Western Culture, Cambridge: Cambridge University Press 2012.
  40. Treher, Wolfgang: Hitler, Steiner, Schreber. Ein Beitrag zur Phänomenologie des kranken Geistes, Emmendingen: Selbstverlag 1966.
  41. Giese, Cornelia (sous le pseudonyme de Juliane Weibring): Frauen um Rudolf Steiner. Im Zentrum seines Lebens. Im Schatten seines Wirkens, Oberhausen: Athena 1997
  42. Plato, Bodo von: Zur Entwicklung der Anthroposophischen Gesellschaft. Ein historischer Überblick, Stuttgart: Freies Geistesleben 1986.
  43. Schmidt, Robin: Glossar. Stichworte zur Geschichte des anthroposophischen Kulturimpulses, in: Anthroposophie im 20. Jahrhundert. Ein Kulturimpuls in biographischen Portraits, édité par B. von Plato, Dornach: Verlag am Goetheanum 2003, 963–1054.
  44. Anthroposophie im 20. Jahrhundert. Ein Kulturimpuls in biographischen Portraits, édité par B. von Plato, Dornach: Verlag am Goetheanum 2003. les biographies figurant ici sont publiées en ligne ; http://biographien.kulturimpuls.org/ [11.6.2022]
  45. Paul, Gudrun: Spirituelle Alltagskultur. Formationsprozeß anthroposophischer Kultur – un- tersucht am Beispiel von Baden-Württemberg, Diss. Tübingen 1992. sans débats systématiquement plus intenses Zander: Die Anthroposophie. Rudolf Steiners Ideen.
  46. L’une des possibilités de s’orienter au moins sur quelques débats actuels est le Waldorfblog (https://waldorfblog.wordpress.com/, disponible sur Facebook), qui n’a cependant pas la prétention d’être un forum scientifique. Le présent ouvrage devrait combler quelques lacunes – mais surtout attirer l’attention sur un riche champ de recherche ; les meilleures pépites ne sont général pas encore découvertes.
  47. Staudenmaier: Between Occultism and Nazism; Werner, Uwe (unter Mitwirkung von Christoph Lindenberg): Anthroposophen in der Zeit des Nationalsozialismus (1933–1945), München: Oldenbourg 1999.
  48. Frielingsdorf, Volker: Geschichte der Waldorfpädagogik. Von ihrem Ursprung bis zur Gegenwart, Weinheim/Basel 2019; voir à ce sujet la recension que j’en ai faite dans : Zeitschrift für Pädagogik 67/2021, 624–626.
  49. Voir à ce sujet la bibliographie dans l’index des biographies p.292.
  50. Sur l’engagement pour la démocratie directe Zander, Helmut : Konfliktlösung durch Plebiszite ? L’anthroposophie et les racines de la démocratie directe en Allemagne, dans : Religiöse Minderheiten. Potentiale für Konflikt und Frieden, édité par Hans-Martin Barth / Christoph Elsas, Hamburg : EB-Verlag 2004, 295-303. – À propos de Gamsachurdia Zander : Anthroposophie in Deutschland, 1712-1714. – au sujet des anthroposophes et des Verts Mende, Silke : « Nicht rechts, nicht links, sondern vorn ». Eine Geschichte der Gründungsgrünen, Munich : Oldenbourg 2011, 135-166 – Quelques évolutions actuelles chez Zander : Die Anthroposophie. Les idées de Rudolf Steiner, 175-186. 196-206.
  51. Nachtwey, Oliver / Frei, Nadine: Quellen des „Querdenkertums“. Eine politische Soziologie der Corona-Proteste in Baden-Württemberg, édité par Fachbereich Soziologie, Universität Basel, o. O. [Basel] 2021; DOI: 10.31235/osf.io/8f4pb.
  52. Nachtwey/Frei, ebd.; Amlinger, Carolin / Nachtwey, Oliver: Gekränkte Freiheit. Aspekte des libertären Autoritarismus, Berlin: Suhrkamp 2022, 282–285.
  53. À ce sujet, Zander: Anthroposophie in Deutschland, 1063–1065 f.; in wissenschaftlicher Außenperspektive avant tout Pehnt, Wolfgang: Die Architektur des Expressionismus (1973), Stuttgart: Hatje 1998; le même.: Rudolf Steiner. Goetheanum, Dornach, Berlin: Ernst & Sohn 1991; Ohlenschläger, Sonja Maria Brigitta: Rudolf Steiner (1861–1925). Das architektonische Werk (Diss. Bonn 1991), Petersberg: Imhof 1999.
  54. Reinhold Johann Fäth: Rudolf Steiner Design. Spiritueller Funktionalismus (Diss. Konstanz 2004), Dornach: Rudolf Steiner Verlag 2005, 177. De telles allusions à un monde suprasensible réel se trouvent également dans d’autres passages – à côté de ceux dans lesquels ces conceptions de Steiner sont caractérisées comme un objet éthique. Des problèmes similaires se posent d’un point de vue scientifique dans la plupart des contributions au catalogue Ænigma – 100 ans d’arts anthroposophiques, édité par. Andreas Albert (Ausstellungskatalog Olmütz, Schloss Moritzburg, Schloss Ostrau), Řevnice: Arbor Vitae 2015.
  55. Rudolf Steiner – die Alchemie des Alltags (catalogue de l’exposition du même nom à Wolfsburg 2010, Stuttgart 2011, Weil am Rhein 2011/12), édité par Mateo Kries / Alexander von Vegesack, Weil am Rhein: Vitra Design Museum 2010; Rudolf Steiner und die Kunst der Gegenwart (catalogue de l’exposition du même nom à Wolfsburg 2010, Stuttgart 2011), édité par. Markus Brüderlin u. a., Köln: DuMont 2010
  56. Kursorisch Ursprung, Philip: Joseph Beuys. Kunst, Kapital, Revolution, München: Beck 2021; mit neuem Material Beuys im Goetheanum, édité par. Walter Kugler / Christiane Haid, Dornach: Verlag am Goetheanum 2021; kritisch Riegel, Hans Peter: Beuys. Die Biographie, Bd. 4: Verborgenes Reden, Zürich: Riverside 2021, ici p. 213-220 la liste des livres anthroposophiques de Beuys qui contiennent des annotations. En ce qui concerne les questions de vision du monde, la réception de Beuys – et pas seulement celle de l’anthroposophie – a tendance à se fixer sur l’importante dimension anthroposophique, alors que les autres aspects religieux n’entrent guère en ligne de compte. Voir à ce sujet Zander, Helmut: Rez. Ursprung: Joseph Beuys (2021); https://www.hsozkult.de/publicationreview/id/reb96716 (10.3.2023).
  57. Voda Eschgfäller, Sabine: Galgenbruder und Pfadsucher. Anmerkungen zu Christian Morgenstern als anthroposophischem Autor, in: Brücken. Germanistisches Jahrbuch Tschechien-Slowakei, Berlin u. a.: Brücken-Verlag N. F. 2012, 261–270.
  58. Oberleitner, Alexander: Michael Endes Philosophie im Spiegel von ‚Momo‘ und ‚Die unendliche Geschichte‘, Hamburg: Meiner 2020, 25–29; Le débat scinetifique au sujet du contexte anthroposophique est en tous cas complètement absent.
  59. Clement, Christian: Literatur und Apokalypse. Perspektiven einer anthroposophisch orientierten Hermeneutik, Königshausen & Neumann 2020, 9.
  60. Ebd., 23.
  61. Ebd. 10 (Zitat). 15 f.
  62. . Pour la préhistoire, le volume esthétiquement très exigeant : Anthroposophie wird Kunst. Der Münchner Kongreß 1907 und die Gegenwart, éd. par Karl Lierl / Florian Roder, Dürnau, Kooperative Dürnau 2008. Christian Clement : Die Geburt des modernen Mysteriendramas aus dem Geiste Weimar. Au sujet de l’importance de Goethe et Schiller pour la théorie de la connaissance, l’esthétique et la dramaturgie de Rudolf Steiner, Diss. University of Utah 2005 (imprimé sous le titre Die Geburt des modernen Mysteriendramas aus dem Geiste Weimars. Zur Aktualität Goethes und Schiller in der Dramaturgie Rudolf Steiner, Berlin : Logos 2007) tente de déterminer les origines de ces drames chez Goethe (par exemple dans son « Conte » de 1795). Son approche fait largement l’impasse sur l’infiltration de la dimension théosophique et a pour but, comme dans d’autres publications de Clement, de présenter Steiner comme un philosophe malgré sa forte empreinte par la théosophie. En faisant cela, Clement donne la preuve de ses convictions marquées par Steiner lorsqu’il écrit que l’être humain peut découvrir « qu’il est dans son noyau le plus intime … l“”absolu“, ”Dieu“, le ”fondement originel du monde’ ». « Les drames-mystères de Rudolf Steiner attribuent à l’être humain la capacité de ne pas seulement penser cela, cet inouï, mais aussi de l’observer et de le vivre ». (ibid., thèse 2005, p. 4 et s.)
  63. Swartz, Karen / Hammer, Olaf: The Show Must Go On. Corporate Narratives in the Anthroposophical Society, in: International Journal for the Study of New Religions 20/2021, 91–117.
  64. À titre d’exemple Zander: Die Anthroposophie. Rudolf Steiners Ideen, 33–34. 232.
  65. Les débats qui ont eu lieu tournent autour des œuvres de Antoine Faivre (L’ésotérisme [Que sais-je? 1031], Paris: Presses universitaires de France, 1992); Kocku von Stuckrad (Was ist Esoterik? Kleine Geschichte des geheimen Wissens, München: Beck 2004; même auteur.: Locations of Knowledge in Medieval and Early Modern Europe. Esoteric Discourse and Western Identities, Leiden / Boston: Brill 2010) und Hanegraaff (Esotericism and the Academy); voir à ce sujet Zander, Helmut: What Is Esotericism? Does It Exist? How Can It Be Understood?, in: The Occult Roots of Religious Studies. The Origins of the Academic Study of Religion and its Relation to Non-Hegemonic Currents, Berlin / Boston: de Gruyter 2021, 14–43.
  66. Voir à titre d’exemple : Correspondences. Journal for the Study of Esotericism, 2018, vol 6.2., das Editorial: Time to Drop the „Western“ https://correspondencesjournal.com/volume-6/issue-2/).
  67. Neugebauer-Wölk, Monika: Historische Esoterikforschung, ou bien : Der lange Weg der Esoterik zur Moderne, in: Aufklärung und Esoterik. Wege in die Moderne, édité par M. Neugebauer-Wölk u. a., Berlin / Boston: de Gruyter 2013, 37–72, S. 41.
  68. Schmidt-Biggemann, Wilhelm: Philosophia perennis. Historische Umrisse abendländischer Spiritualität in Antike, Mittelalter und Früher Neuzeit, Frankfurt a. M.: Suhrkamp 1998.
  69. Hanegraaff: Esotericism and the Academy, 77–152.
  70. Classiquement Foucault, Michel: Nietzsche, la généalogie, l’histoire, in: Hommage à Jean Hyppolite, Paris: Presses universitaires de France 1971, 145–172; systématiquement : Krech, Volkhard: Wer β sagt, kann auch α sagen. À propos de l’article de Reinhard Schulz sur ‚retrospektiven Genealogie‘, in: Islam in der oderne, Moderne im Islam. Eine Festschrift für Reinhard Schulze zum 65. Geburtstag, éditeur. F. Zemmin u. a., Leiden/Boston: Brill 2018, 85–110.
  71. Schrode, Paula: Grenzen, Schwellen, Transfers – Konstituierung islamischer Felder im Kontext, in: Zeitschrift für Religionswissenschaft 27/2019, 3–26, S. 23.
  72. Stottmeister, Jan: Der George-Kreis und Theosophie, Göttingen: Wallstein 2014
  73. Schmidt: Glossar.
  74. Martins: Rassismus und Geschichtsmetaphysik.
  75. Swartz, Karen: Management Matters. Organizational Storytelling within the Anthroposophical Society in Sweden (Diss. Åbo 2022), Åbo: Akademis förlag / Åbo Akademi University Press 2022; https://www.doria.fi/bitstream/handle/10024/185670/swartz_karen.pdf?sequence=1&isAllowed=y (28.12.2022).