Effets de la préparation biodynamique “bouse de corne” sur la croissance du cresson (Lepidium sativum L.) dans un essai biologique

Test du cresson avec la bouse de corne
Application d’une dose de bouse de corne

Résumé et extraits d’un article de Alain Morau et al. publié dans la revue Biological Agriculture & Horticulture, 36:1, 16-34.

Titre original : Growth responses of garden cress (Lepidium sativum L.) to biodynamic cow manure preparation in a bioassay.

Résumé

Les substances naturelles sont largement utilisées comme biostimulants dans l’agriculture. Ainsi la préparation de bouse de corne (BDC) consiste-t-elle à pulvériser de la bouse de vache fermentée à faible concentration sur les champs cultivés en biodynamie. La présente étude a examiné l’effet de la BDC sur la croissance du cresson de jardin (Lepidium sativum L.) cultivé dans le cadre d’un essai biologique (plan expérimental en blocs aléatoires, n = 20). Les semis ont été cultivés dans un milieu aqueux. Des traitements d’une goutte de suspension de BDC (1 µl ou 0,1 µl) ou d’eau (témoin) ont été ajoutés au milieu. Des séries d’essais à long terme, avec deux BDC différentes, ont été menées sur 18 et 9 mois, avec respectivement 76 et 38 essais. Dans la première série, l’effet d’une goutte de 1 µl de suspension de BDC sur la croissance des racines était globalement significatif (-2,4 %, p = 0,004, test de Tukey-Kramer) ainsi que dans 35,5 % des essais individuels (p < 0,05). Cependant, les effets ont fortement fluctué entre les essais (de -25,7 % à +19,1 %). L’effet d’une goutte de 0,1 µl était similaire, mais d’une ampleur moindre. Les résultats de la deuxième série étaient analogues. La comparaison de modèles statistiques a indiqué l’existence d’un effet statistiquement significatif qui est stabilisateur de la croissance. Une série supplémentaire de 22 essais de contrôle négatifs a indiqué un taux de faux positifs acceptable. Il a été conclu que la BDC, à faibles doses, influençait de manière significative le premier stade de lacroissance des racines, avec un schéma d’action stabilisant. A l’avanir, l’essai biologique devrait être développé pour améliorer sa puissance et sa stabilité au fil du temps. Un effet stabilisateur peut induire une résilience accrue du système agricole.

Introduction

Le développement des pratiques agricoles tend actuellement à se focaliser de plus en plus sur la durabilité et la qualité des produits plutôt que sur une productivité constante et un rendement accru. Ces nouveaux défis nécessitent des méthodes innovantes comme l’utilisation de biostimulants appliqués à faibles doses pour activer les processus physiologiques (Sharma et al. 2014 ; Brown et Saa 2015 ; Bulgari et al. 2015 ; Nardi et al. 2016 ; Yakhin et al. 2017). Ils peuvent stimuler le développement des plantes, améliorer la qualité des cultures ou réduire les effets du stress (Calvo et al. 2014 ; Bulgari et al. 2015 ; Du Jardin 2015).

L’utilisation de biostimulants est une pratique caractéristique de l’agriculture biodynamique (BD) avec huit préparations à base d’ingrédients minéraux, végétaux ou d’origine animale (Koepf et al. 1979). Ces préparations BD sont appliquées avec du fumier agricole ou pulvérisées sur les champs en petites quantités. Dans l’Union européenne, l’utilisation de préparations à base de BD pour la production biologique est autorisée par le règlement (CE) n° 834/2007 (Conseil de l’Union européenne 2007).

L’influence de l’application de préparations BD sur la quantité et la qualité des cultures ainsi que sur les sols a été indiquée dans certaines études (par exemple Carpenter-Boggs et al. 2000 ; Zaller et Köpke 2004 ; Jariene et al. 2015), mais a également été contestée (Berner et al. 2008 ; Döring et al. 2015). Dans leurs articles de synthèse, Turinek et al. (2009) et Geier et al. (2016) ont noté que les préparations BD montraient des effets sur le rendement, la qualité des sols et la biodiversité. En revanche, Chalker-Scott (2013) a souligné que de nombreuses études ne montraient pas de résultats significatifs et que les données convaincantes étayant l’efficacité des préparations biodynamiques étaient rares.

Le manque de données claires et concluantes peut s’expliquer en partie par un biais méthodologique. En effet, les études menées jusqu’à présent consistaient en grande majorité en des essais pratiques sur le terrain. Le contrôle limité des facteurs environnementaux a entraîné néanmoins une fluctuation des conditions d’essai. Contrairement à cette approche sur le terrain, les essais en laboratoire ont rarement été menés, bien que les essais biologiques constituent un instrument majeur en physiologie végétale (Audus 1972), en écotoxicologie (OCDE 2009) et en médecine (Agarwal et al. 2014 ; Butterweck et Nahrstedt 2012 ; Jäger et al. 2015) pour étudier l’activité biologique de substances à faible dose. En agriculture, les essais biologiques ont également été largement utilisés pour étudier l’activité biologique des biostimulants de type hormonal (Ertani et al. 2011 ; Colla et al. 2014).

Cette étude présente les premiers résultats de la phase de développement d’un essai biologique spécifique pour tester l’activité biologique d’une préparation BD, la préparation de bouse de corne (BDC). La BDC est constituée d’un mélange d’humus obtenu à partir de fumier de vache fermenté. Dans la pratique BD, une suspension de BDC dans l’eau avec une concentration de 3 g /l est appliquée sur les champs à 40-100 l/ha. Sur la base des principes fondamentaux et pratiques du BD, l’hypothèse de travail est que le BDC affecte le développement des racines au cours du processus de germination précoce. Cette hypothèse a guidé le choix d’un essai biologique mis au point par Baumgartner et al. (2014) en utilisant des semis de cresson (Lepidiumsativum L.) comme organisme de test, offrant un moyen simple de tester le développement précoce des racines avec une reproductibilité et une précision élevées.

Les objectifs de la présente étude étaient de déterminer (1) la sensibilité de la croissance du cresson à de faibles doses de BDC, (2) la stabilité dans le temps de cette activité biologique, (3) son mode d’action et (4) sa relation dose-réponse. Ces objectifs correspondaient à la suggestion de Yakhin et al. (2017) d’axer la recherche sur les biostimulants sur l’efficacité et sur la détermination d’un large schéma d’action.

Conclusions

Les conclusions sont les suivantes :

  1. La croissance des racines de cresson, au stade précoce de la croissance, était très sensible aux effets de la bouse de corne.
  2. L’effet de la bouse de corne dépendait fortement du temps, mais il était stable sur des périodes de plusieurs mois.
  3. Un mode d’action stabilisateur était statistiquement significatif, indiquant la possibilité d’accroître la résilience du système agricole dans la pratique.
  4. L’effet n’a pas été affecté par la dispersion non uniforme de la suspension de bouse de corne, mais des différences entre les deux faibles doses étudiées ont été observées.

Par conséquent, l’hypothèse de travail selon laquelle la BDC affecte le développement des racines au cours du processus de germination précoce a été vérifiée et de nouvelles connaissances sur l’activité biologique de la BDC ont été acquises. La conception de l’essai biologique s’est avérée prometteuse pour l’étude de cette activité biologique. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour standardiser les conditions d’essai et pour améliorer la stabilité et la fiabilité de l’essai biologique.