Étude : les vins certifiés bio et biodynamiques sont-ils meilleurs ?

Synthèse d’un article de Magali A. Delmas et Olivier Gergaud publié dans la revue Ecological Economics (fév 2021). DOI:10.1016/j.ecolecon.2021.106953.

Titre original : Sustainable practices and product quality: Is there value in eco-label certification? The case of wine.

Introduction

Les écolabels sont largement utilisés dans le monde agricole pour informer les consommateurs sur les caractéristiques écologiques d’un produit. Leur objectif est de fournir des informations crédibles et non ambiguës sur la réduction de l’impact environnemental d’une production. La plupart des éco-labels consistent en l’adoption de pratiques durables normalisées, la certification de ces pratiques par un organisme indépendant et la communication de la certification par le biais d’un label apposé sur le produit.

Dans cette étude, les chercheurs se basent sur l’éco-étiquetage dans le monde du vin pour comparer l’impact des certifications écologiques, ainsi que des pratiques qui se disent durables mais non certifiées, sur la qualité des produits. L’industrie viticole est un cas particulièrement intéressant pour étudier la pertinence des écolabels pour trois raisons.

Premièrement, le secteur est marqué par une confusion notoire quant à la valeur des écolabels, tant de la part des scientifiques que des viticulteurs et des consommateurs.

Deuxièmement, le secteur vitivinicole se prête particulièrement bien à une étude du lien entre l’écocertification et la qualité car, contrairement à de nombreux produits agricoles, le vin est un bien très différencié pour lequel les experts publient fréquemment des évaluations qualitatives. Cela permet de contrôler un large éventail de caractéristiques des produits, telles que le millésime, le cépage, la région d’origine et le prix, afin d’isoler l’effet de l’écocertification sur la qualité.

Troisièmement, l’industrie a adopté différents types d’éco-labels, y compris des labels ne faisant pas appel à des procédures de certification par des tiers, ce qui nous permet d’isoler l’effet de la certification par rapport à l’étiquetage.

Un échantillon important pour des résultats robustes

L’objectif de ce travail est d’évaluer l’impact des éco-labels sur l’évaluation de la qualité des produits par les experts. Le vin est étudié en France, l’un des principaux pays producteurs de vin. Les données proviennent de 128 182 vins noté par des experts français de la dégustation, et permettent de comparer les notes des vins écolabellisés avec ou sans certification aux vins conventionnels. Des recherches précédentes estiment que l’écocertification par une tierce partie améliore la qualité. Toutefois, on ne sait pas si c’est le cas pour tous les types de certification (biodynamique ou biologique), ni si les pratiques durables non certifiées sont également associées à des améliorations de la qualité.

Les chercheurs se sont basés sur les notes d’experts et les descriptions des vins publiées dans trois des principaux guides des vins en France : le Gaud & Millaud (GM), le Gilbert & Gaillard (GG) et le Bettane+Desseauve (BD), sur la période allant de 2008 à 2015. Les grilles de notation des différents guides ont été harmonisées afin d’établir une grille commune allant de 0 à 100.

Les informations relatives aux certifications ont été recueillies dans ces mêmes publications spécialisées et, le cas échéant, complétées par des données officielles provenant des organismes de certification biologique et biodynamiques (Demeter). Dans l’ensemble, les données portent sur 8 % de vins biologiques et biodynamiques. En outre, chaque revue de vin fournit des informations sur le vignoble, le millésime, la région, l’appellation, le(s) cépage(s) et la couleur du vin. Notons que dans le GG, il n’y a pas de distinction entre les certifications AB et Demeter. Ainsi, tous les vins de ce guide sont classés en bio.

Ensuite, les données ont été agrégées au sein de six modèles (1) à (6) par des méthodes statistiques spécifiques afin d’évaluer l’effet causal des écolabels sur les caractéristiques observables des vins.

Des résultats favorables à la biodynamie

Les résultats de l’étude montrent une différence significative entre la qualité des vins produits avec des pratiques écolabellisées et ceux produits avec des pratiques conventionnelles. Les experts ont une opinion positive de la qualité des vins biologiques et biodynamiques.

Cela contraste fortement avec les observations antérieures sur la préférence des consommateurs pour ces vins.
Il est intéressant de noter qu’en moyenne, les vins biodynamiques sont mieux notés que les vins biologiques. Les vins biodynamiques ont acquis une réputation de qualité particulière malgré une certification difficile à comprendre pour de nombreux consommateurs.

Dans le modèle (1), le modèle le moins contraignant basé sur 108 977 notes issues de GM, BD et GG, les chercheurs observent un effet conjugué des pratiques biologiques et biodynamiques de l’ordre de +7,1 points de pourcentage (pp ci-après) par rapport au groupe de référence composé de vins conventionnels et raisonnés. Dans le modèle (2), basé sur 108 977 notes tirées de GG et BD, l’impact marginal des pratiques biologiques sur la qualité du vin est positif avec environ +3,3 pp. alors que les experts semblent être encore plus enthousiastes à l’égard des pratiques biodynamiques : 7,3 pp supplémentaires (10,6 moins 3,3). En effet, on peut rappeler que tous les vins biodynamiques sont, par définition, biologiques par essence, car les pratiques biodynamiques sont plus contraignantes que les pratiques biologiques. Ces résultats sont conformes à ceux obtenus avec les modèles (3) et (4) en utilisant un sous-ensemble de vins qui, selon le millésime, sont soit biologiques/biodynamiques, soit conventionnels dans les données. Avec le modèle (3), nous obtenons un effet combiné de l’agriculture biologique et de la biodynamie avec une augmentation de 3,7 pp. Dans le modèle (4), l’impact des pratiques biologiques n’est pas significatif, tandis que les pratiques biodynamiques apportent une qualité supplémentaire de 5,4 pp (5,4 moins 0).

Dans l’ensemble, nous n’avons pas trouvé de preuves empiriques convaincantes de l’impact positif des pratiques durables non certifiées sur la qualité du vin.

Les résultats montrent qu’un producteur type pratiquant l’agriculture conventionnelle pourrait gagner en qualité en adoptant des pratiques biologiques (gain marginal = +6,2 pp) et encore davantage avec des pratiques biodynamiques (gain marginal = +5,6 pp). Le passage direct des pratiques conventionnelles aux pratiques biodynamiques se traduirait par une augmentation de la qualité de 11,8 pp. Toutefois, le passage à l’agriculture raisonnée ne modifierait pas la qualité de manière significative (gain marginal = 0 pp).

Conclusion

Ces résultats, basés sur un échantillon étendu de vins français, sont conformes à ceux obtenus par M. A. Delmas et al. en 2016 à partir d’un échantillon de 74 000 vins californiens. Cependant, l’étude de 2016 n’avait pas permis de distinguer les vins biologiques des vins biodynamiques en raison du faible nombre de vins dans chacune de ces catégories, ni d’évaluer les pratiques non certifiées. La grande quantité de vins biologiques et biodynamiques évalués par GM, GG et BD permet cette importante distinction tout en s’appuyant sur des modèles statistiques plus robuste. Un autre résultat important est la performance relativement faible des pratiques raisonnées auto-déclarées par rapport aux pratiques conventionnelles.