Le tout et ses parties : retour sur le 3e congrès international de recherche biodynamique à Cirencester (UK)

Royal Agriculture University in Cirencester (UK)

Jean-Michel Florin s’est rendu au 3e congrès international de recherche biodynamique qui s’est tenu du 31 août au 4 septembre 2025 à l’Université Royale d’Agriculture (RAU) de Cirencester (UK). Il nous livre ici ses impressions.

Cette troisième édition a été coorganisée par la Fédération Biodynamique Demeter International, la Section d’agriculture du Goetheanum et le Cercle de recherche biodynamique allemand en partenariat avec l’Association biodynamique anglaise. Il fait suite à deux précédents congrès, le premier qui s’était tenu en 2018 à l’Université Libre du Goetheanum, et le second en ligne pour cause de covid. C’est dire à quel point cet évènement était attendu et les participants se réjouissaient d’enfin se revoir. En présentiel comme on dit aujourd’hui.

Environ 160 participants de plus de 25 pays de tous les continents ont convergé vers la vénérable Université Royale d’agriculture, dans la campagne anglaise. Malheureusement, la plupart des Africains qui souhaitaient venir se sont vu refuser leur visa, à l’exception de 2 personnes, une Égyptienne et un jeune Africain du sud. La fermeture des frontières fait rage et limite les possibilités d’échange de façon dramatique.

Ce congrès a été un éloge de la diversité, un des concepts clés de la biodynamie : diversité des participants – de tous âge, de tous pays, de professions, chercheurs, paysans-chercheurs, étudiants, conseillers agricoles et formateurs –, diversité des disciplines, diversité des approches, diversité de la vie. Et cela comme un acte de résistance à un moment où le terme de diversité est désormais exclus des thématiques de recherche et même supprimé des documents par le gouvernement des USA.

Le principal de l’Université a fait un accueil chaleureux, suivi d’une contribution de Jonathan Code, professeur à la RAU, lui-même passionné de biodynamie. Avec l’ancien principal, ils se sont tous trois largement impliqués dans l’organisation du congrès. Des échanges avec les collègues de différents pays ont montré à quel point ce lieu était propice. Ni la France, ni l’Allemagne, encore moins les États-Unis n’auraient pu accueillir une telle conférence en toute sérénité et ouverture d’esprit.

Chaque jour était introduit par une double conférence introductive, donnée par un chercheur suivi d’un praticien. Le premier jour, Julia Wright, chercheuse à l’université de Coventry, non loin de Cirencester, a réfuté les allégations de pseudoscientificité adressée de manière récurrente à la biodynamie (lire son interview ici).

Le lendemain était sous le signe de la pluridisciplinarité. Eduardo Rincón, codirecteur de la Section d’Agriculture a partagé sa biographie montrant la diversité des formes prises par la recherche (scientifique, artistique etc.). David Martin, pédiatre et Professeur à l’Université allemande de Witten/Herdecke, a terminé son exposé par un vibrant plaidoyer montrant l’importance du lien à la nature et à l’agriculture pour la santé humaine, en particulier celle des enfants. Il montre lui-même l’exemple en coanimant une formation agrimédicale sur la ferme biodynamique du Dottenfelderhof près de Francfort.

Le dernier jour, Cyrille Rigollot, chercheur français, a brillamment développé le concept de transdisciplinarité, dont il a montré l’émergence récente et l’importance pour une recherche agricole décloisonnée et porteuse d’avenir. Pour le dire simplement, il s’agit de réaliser que le chercheur fait partie du système qu’il étudie. Adieu l’idéal de l’observateur externe. Sa collègue indienne Regina S. Dass de l’Université de Pondicherry a présenté ses travaux soutenant la production de café biodynamique par des intouchables dans les forêts indiennes. En tant que microbiologiste, elle fait des essais pour trouver des plantes et de nouvelles enveloppes pour adapter les préparations biodynamique au contexte de l’Inde. Ainsi, elle put montrer que, loin des clichés évoquant une méthode figée, la biodynamie est en pleine expansion en Inde, évolue toujours activement et s’adapte à de nouveaux contextes.

Les trois jours ont également offert une large gamme d’ateliers et de contributions qui, de par leur diversité d’approches et de thèmes, révélèrent la vitalité et la capacité d’innovation du mouvement biodynamique. Comparé aux précédentes rencontres où les confrontations de points de vue étaient parfois virulentes, il a soufflé sur ce congrès une attitude globale très ouverte et respectueuse des différences. Une marque de maturité et surtout une qualité essentielle à une époque où les oppositions et polarités se radicalisent de tous côtés.

Dans mon discours de clôture, j’ai insisté sur l’importance fondamentale de préserver la liberté des chercheurs, menacée dans de nombreux pays, y compris en France et en Allemagne. En effet : comment chercher, innover, trouver du neuf sans liberté ?

Quelques évènements ont enrichi le programme. La visite de Ruskin Mill, qui soutient l’intégration des jeunes par le travail avec la terre et l’artisanat, a impressionné tous les participants par sa pertinence et son ampleur. Plus de 550 jeunes sont reçus chaque année, avec environ 1300 salariés dans 16 centres répartis dans toute la Grande-Bretagne. Les soirées musicales animées avec brio par des groupes locaux ont fait de ce congrès une fête de la terre comme les biodynamistes savent bien le faire.

Ce congrès a aussi été l’occasion d’annoncer le prix remis à Jürgen Fritz, chercheur allemand qui a consacré sa vie à étudier les effets des préparations biodynamiques avec des méthodes analytiques et qualitatives. Son travail a été remarqué par sa récente publication (parue dans une revue de haut niveau) expliquant l’effet des préparations comme une sorte d’inoculation enrichissant le microbiome du sol.

Le Dr Jürgen Fritz a reçu le prix Rudolf Steiner et Ita Wegman pour ses recherches sur les principes de la biodynamie, pour ses études sur les modifications du microbiome du sol provoquées par les préparations biodynamiques à pulvériser et pour sa participation à des études sur le potentiel de régénération des concombres. Ces recherches n’ont pas seulement abouti à des résultats significatifs et d’une grande portée. Elles contribuent également à développer et à affiner la méthodologie de la recherche biodynamique dans son ensemble.

Pour en savoir plus

Visitez le site du Congrès : https://www.biodynamic-research.org/

Les Actes de ce Congrès seront disponibles au printemps 2026.