Article de Julia Wright, professeure associée au Centre pour l’Agroécologie, l’Eau et la Résilience de l’Université de Coventry (UK). Traduction autorisée du premier chapitre de l’ouvrage Agroécologies Subtiles, cultiver avec la face cachée de la nature paru en 2021 chez Taylor & Francis Group.
Prélude : ça s’est passé sous une tente dans l’état du Télangana (Inde)
Il semblait peu probable que quelqu’un vienne à la rencontre. Nous avions quitté le centre de conférence d’Hyderabad en bus pour nous rendre dans une ferme de l’arrière-pays du Telangana, sur une terre sèche et poussiéreuse en ce mois de novembre, à proximité d’une rivière où des panneaux indiquaient « attention aux crocodiles ». Tout le monde était occupé à planter sa tente et à faire la queue pour un déjeuner tardif en cet après-midi brûlant. Ainsi s’opérait la transition entre la partie formelle de la 13e conférence internationale de permaculture, en Inde, au cours de laquelle des ministres du gouvernement et des conférenciers d’honneur s’étaient exprimés, et la manifestation sous tente, plus informelle et interactive. Nous étions tous fatigués et assoupis. Un bénévole m’a conduit à la tente où je devais donner l’atelier, l’une des sept structures rectangulaires disposées en demi-cercle sur un côté du campement et ornées de rubans dorés et violets. La chaleur et la fatigue n’étaient pas les seuls facteurs de dissuasion potentiels. L’atelier s’intitulait « Agriculture d’inspiration quantique : est-il temps pour les permaculteurs d’embrasser l’invisible ? » et je gardais également à l’esprit que le (regretté) Bill Mollison, cofondateur de la permaculture, avait souligné à maintes reprises, de manière très véhémente, que les systèmes de croyance devaient être tenus à l’écart de la permaculture.
Comme on m’a souvent reproché de ne pas avoir cet ensemble de croyances, de mystifications, de mythes modernes et de foutaises qui passent aujourd’hui pour la spiritualité du Nouvel Âge, je plaide allègrement coupable. Une croyance sans réserve, quelle qu’elle soit, prive les individus de leur autonomie en limitant leurs informations. Ainsi, la permaculture n’est pas la biodynamie, et elle ne traite pas des fées, des dévas, des elfes, de la vie après la mort, des apparitions ou des phénomènes qui ne peuvent pas être vérifiés par chaque personne à partir de sa propre expérience, ou en faisant ses propres expérimentations. En tant qu’enseignants en permaculture, nous cherchons à donner du pouvoir à toute personne par le biais de modèles pratiques et de travaux appliqués, ou de données basées sur des investigations vérifiables. Mon scepticisme s’étend aux idéologies religieuses et aux partis politiques.
Bill Mollison
Quelques personnes sont entrées dans la tente, puis un peu plus, jusqu’à ce que tous les sièges soient occupés. Soulagé par cette affluence, j’ai commencé. J’ai invité les gens à remplir les espaces à l’avant, où ils se sont assis à mes pieds jusqu’à ce que je sois confiné à un seul endroit. Puis d’autres ont formé un cercle extérieur, et d’autres encore qui ne pouvaient pas entrer dans la tente et se sont regroupés autour de l’entrée ou ont regardé à travers les espaces entre les murs fragiles de la tente et le toit. Plongé dans une mer de visages pleins d’espoir, ma présentation a commencé par une question, inspirée par les avancées de la science quantique au cours du siècle dernier et la nature ondulatoire sous-jacente à la réalité. Que pourrait-il y avoir d’autre en jeu en dehors du petit pourcentage du spectre électromagnétique visible par l’œil humain ? Les cultures indigènes, majoritaires dans le monde, se caractérisent par leur vision holistique de la nature et du réel, laquelle se reflète dans leurs pratiques agricoles. Leurs relations avec les dimensions invisibles reconnaissent l’existence de l’esprit, de la conscience et de ce qui n’est pas humain. Pourtant, même si les pères fondateurs de la science quantique ont été ouvertement influencés et inspirés par ces visions du monde, notamment celles de la tradition védique, la science moderne est mal équipée pour explorer correctement ces dimensions dans l’agriculture, étant limitée par sa propre adhésion à un système de croyances particulier, basé sur le réductionnisme et le physicalisme.
L’attention de l’auditoire étant encore forte et, compte tenu de la réticence habituelle à partager ce sujet en public, chaque personne a été invitée à se tourner vers son voisin et à partager une histoire ou une expérience personnelle concernant la partie cachée de la nature. A quelques exceptions près, une multitude de conversations ont démarré, si animées que l’intervenant de l’atelier (plutôt vide) de la tente voisine est venu voir. Et puis, une fois que les gens ont réalisé qu’ils étaient dans un espace sûr et qu’ils ne seraient pas moqués ou ridiculisés, et qu’ils n’étaient pas seuls dans leurs expériences, les histoires ont commencé à être partagées avec le groupe. L’atmosphère était celle d’un soulagement intense ; quelque chose d’important s’était produit en cet après-midi déjà éprouvant, sous cette tente chaude du Télangana.
Introduction : la mainmise de la vision industrielle du monde
Les systèmes agricoles contemporains basés sur l’écologie (c’est-à-dire l’agroécologie et ce que l’on peut considérer comme des sous-catégories – la permaculture, l’agriculture biologique et biodynamique) ont rencontré une forte opposition depuis qu’ils sont apparus au cours du siècle dernier, avec pour objectif de s’écarter de la voie tracée par les modèles industriels et de la révolution verte (Conford, 2002). Pourquoi une chose aussi simple que le désir de produire avec soin des aliments de qualité touche-t-elle un nerf aussi sensible ? Dans le cadre de ses études doctorales à Cuba à la fin des années 1990, l’autrice a demandé à plus de 400 agriculteurs, chercheurs et fonctionnaires du pays pourquoi ils n’avaient pas adopté une agriculture plus écologique à grande échelle. Après tout, pendant cette période de fortes sanctions américaines et d’instabilité économique, plusieurs facteurs favorables étaient en place : l’accès limité aux produits agrochimiques et au carburant pour faire fonctionner les grosses machines, une main-d’œuvre abondante, une connaissance plutôt répandue de l’agriculture écologique et une politique pro-sociale en faveur de la santé humaine. Curieusement, la majorité des réponses à cette question appartenaient à l’une ou l’autre des deux catégories suivantes : ceux qui n’avaient pas adopté une agriculture plus écologique parce qu’ils craignaient de perdre le contrôle – que ce soit sur les petits producteurs, sur certains ravageurs et maladies ou sur la nature en général ; et ceux qui n’avaient pas adopté cette agriculture parce qu’ils craignaient de ne pas en avoir assez, qu’il s’agisse d’intrants chimiques, de rendement des cultures, de carburant ou de nourriture (Wright, 2009).
Ces craintes n’étaient pas surprenantes étant donné la vulnérabilité économique de Cuba après l’effondrement de l’Union Soviétique, mais elles se sont révélées infondées lorsqu’elles ont été évaluées par rapport aux données scientifiques et pratiques disponibles, et reposaient plutôt sur des mythes ou des perceptions erronées concernant les performances de l’agriculture écologique. Par exemple, pour chaque agriculteur qui était convaincu que la seule façon de lutter contre la pyrale du maïs était d’appliquer un produit chimique, un autre agriculteur, un peu plus loin, utilisait avec succès une méthode de lutte biologique pour le même problème, ce qui était confirmé par des données de recherche. L’étude a conclu que la peur, plutôt que les preuves, était le principal moteur de la stratégie agricole cubaine, et ce dans un pays où le secteur privé et les entreprises n’ont pas d’intérêts à défendre l’approche agricole industrialisée qui prévaut. Ce que le pays avait, hérité de sa période coloniale prérévolutionnaire et importé par la suite de ses camarades soviétiques dans les années 1960 à 1980, c’était une vision du monde agricole fortement industrialisée, basée sur la croyance en l’expertise technologique qui se manifeste par la conception de monocultures à grande échelle, des niveaux élevés de spécialisation et de mécanisation, et la dépendance aux intrants chimiques (Mesa-Lago, 1998 ; Sinclair et Thompson, 2001 ; Wright, 2009).
Dans les régimes non socialistes, des insécurités similaires, fondées sur la peur et liées à un manque de contrôle perçu ou aux nécessités de la survie, sont identifiées comme contribuant à la dynamique implacable de l’agrobusiness (Clunies-Ross et Hildyard, 2013). Qu’il s’agisse de reconstituer les réserves alimentaires dans l’Europe de l’après-Seconde Guerre Mondiale (Conford, 2001) ou d’éviter l’insécurité alimentaire dans le Sud en déployant les paquets technologiques de la révolution verte (Sonnenfeld, 1992), cette forme d’agriculture, avec son approche descendante, sa focalisation obsessionnelle sur des objectifs étroits, ses résultats rapides et son manque de prise en compte des impacts plus larges, pourrait au mieux être considérée comme une stratégie d’urgence à court terme. Ainsi, 70 ans plus tard, pourquoi continuons-nous à cultiver comme dans une situation d’urgence ? Vorley (2003) et d’autres (par exemple Elder et Dauvergne, 2015 ; IPES-Food, 2016 ; Lang, 2004) attribuent cette stagnation ou cette emprise au pouvoir politique persistant de l’agrobusiness, qui souhaite maintenir des systèmes de production industrialisés afin de continuer à développer les ventes, à réduire les coûts de production et à augmenter les profits.
Pourtant, l’expérience de Cuba décrite précédemment indique que nous devons regarder par-delà l’agrobusiness et la vision du monde industrialisé à partir desquels ces comportements se manifestent. Car c’est à partir de cette vision du monde que l’on nous rappelle fréquemment l’urgence de « nourrir le monde » au détriment de l’intégration d’approches agricoles plus durables et écologiques (par exemple, par AGRA (2016), Goulding et al. (2011) et Rickard (2019)). Cette perspective continue d’être propagée alors qu’il y a des preuves toujours plus nombreuses que les systèmes agricoles agroécologiques permettent » aux peuples du monde de se nourrir eux-mêmes », ainsi que de garantir la santé des systèmes écologiques (Ponisio et Erlich, 2016). Comme l’explique succinctement Callicott (1990 : 270), pionnier de la philosophie environnementale, à propos de la vision du monde scientifico-industrielle :
Il est évident que cela ne fonctionne pas, du moins pas de manière durable, et que cela repose sur une métaphysique en faillite, une vision du monde qui n’a pas résisté à l’examen critique et qui est en réalité morte pour la science pure, même si elle survit dans la science appliquée… le compactage des sols, l’érosion et la perte de fertilité, l’épuisement imprévisible des combustibles et des eaux fossiles, la pollution agrochimique de l’air, des eaux de surface et des eaux souterraines, ainsi que des aliments eux-mêmes ; l’apparition cyclique de parasites et la dialectique qui en découle, à savoir l’utilisation de pesticides toujours plus toxiques ; la perte de la diversité génétique et la disparition des ancêtres sauvages de nos cultivars ; l’exode rural et la perturbation des modes de vie ruraux ; la perte de siècles d’expérience et de connaissances agricoles transmises, la dessiccation, en bref, de la culture de l’agriculture ; la concentration de la propriété foncière et la prolétarisation de la main-d’œuvre agricole… tout cela est de mauvais augure pour la durabilité de l’agriculture moderne.
Callicott (1990 : 270)
Vers la compréhension des facteurs cognitifs à l’origine de la vision industrielle du monde
Quelles autres espèces vivantes souillent leurs espaces de vie, leurs réserves de nourriture et leurs écosystèmes ? L’environnementaliste David Orr, qui a définit le terme « alphabétisation écologique » comme étant la capacité de comprendre les systèmes naturels qui rendent la vie possible sur terre, explique la nécessité de reconnaître la relation entre le désordre des écosystèmes et un désordre préalable de l’esprit (Orr, 1991). De même, Roszak (1992) estime que la crise environnementale trouve son origine dans la perturbation extrême d’une partie de la conscience humaine. Pourtant, les points de vue d’Orr, de Roszak et d’autres écopsychologues qui relient la façon dont nous traitons la nature à une réflexion sur nos propres états mentaux ont été plus largement acceptés par les spécialistes de l’environnement (voir par exemple le « Work That Reconnects » de Joanna Macy (Macy et Brown, 2014)) que par ceux des disciplines agricoles. L’une des premières exceptions est l’écologiste social Stuart Hill qui, en se référant à l’agriculture dans les prairies canadiennes, a établi un lien entre les prérequis écologiques et les conditions psychologiques, et a identifié les « états humains en détresse » comme étant à l’origine d’une agriculture non durable (1991 : 34). L’acte même de séparer l’agriculture de l’environnement est sans doute une manifestation d’un tel trouble. Ce trouble avait été repéré bien avant par des personnes issues de cultures non occidentales. Les peuples indigènes américains utilisaient le terme « wetiko » (issu du peuple Cris) pour décrire la mentalité des colonisateurs qui arrivaient. Ce terme désignait une sorte de maladie cannibale ou de virus de l’esprit infectant les gens avec des symptômes tels que l’avidité, l’ambition, le matérialisme, l’arrogance ou un dédoublement de la personnalité (Forbes, 2011). Dans son livre sur le même sujet, le journaliste Paul Levy (2013) s’appuie sur des travaux de psychologie jungienne et des traditions de sagesse spirituelle pour expliquer comment ce virus de l’esprit opère à un niveau caché par le biais de notre inconscient, nous rendant aveugles à notre propre folie et nous obligeant à agir contre nos intérêts.
Une compréhension plus approfondie de cet état a été fournie par le célèbre universitaire et psychiatre Iain McGilchrist. Le traité de McGilchrist (The Master and his Emissary : the Divided Brain and the Making of the Western World, 2019) concerne la structure bihémisphérique du cerveau, avec l’approche visionnaire et holistique de l’hémisphère droit qui modère le réductionnisme de l’hémisphère gauche. Chez un individu sain, explique-t-il, les hémisphères gauche et droit du cerveau travaillent ensemble, le droit (« le maître ») prenant les grandes décisions que le gauche (« l’émissaire ») exécute ensuite. Le problème est que, au lieu de coopérer, ces hémisphères se sont engagés dans une lutte de pouvoir, ce qui, selon McGilchrist, a donné naissance à de nombreux aspects de la culture occidentale contemporaine.
Le Maître se rend compte qu’il est nécessaire qu’un émissaire fasse certains travaux en son nom (dont lui, le Maître, ne doit pas s’occuper) et lui rende compte. Mais l’émissaire, qui en sait moins que le Maître, croit tout savoir et se considère comme le vrai Maître, manquant ainsi à son devoir de rendre compte. La vision de l’hémisphère droit est inclusive, « à la fois/et », synthétique, intégrative, elle réalise la nécessité des deux. La vision de l’hémisphère gauche est exclusive, « soit/soit », analytique et fragmentaire – mais, surtout, elle n’est pas consciente de ce qui manque. Elle pense donc pouvoir faire cavalier seul.
McGilchrist (2019 : xxiv)
Avec la domination de l’hémisphère gauche et l’impact de sa vision et de ses priorités sur l’action humaine, l’hémisphère droit est incapable d’assumer son rôle de contrepoids avec le monde réel, car ce dernier est désormais une manifestation de l’hémisphère gauche. En même temps, le gauche est incapable d’opérer un changement de paradigme pour résoudre un problème : « Il y a comme une galerie des glaces autoréflexive à l’œuvre, où la logique semble ramener à une solution au sein du système lui-même, plutôt qu’à un besoin d’en sortir » (2019 : xxiv). De manière cruciale, bien que l’hémisphère gauche aime à croire qu’il est plus rationnel et donc plus évolué, c’est en fait l’hémisphère droit qui est en contact à la fois avec le corps et les émotions, et qui est également plus représenté dans le cortex préfrontal qui est la partie la plus évoluée du cerveau. Depuis sa première publication, le traité de McGilchrist a fait l’objet de quelques critiques, principalement parce qu’il extrapole sur les implications pour la société qui ne relèvent pas de son domaine d’expertise. Du point de vue du système alimentaire et agricole, il pourrait bien avoir raison. Son explication « l’hémisphère gauche n’est pas impressionné par l’empathie ; sa préoccupation est de maximiser le gain pour lui-même, et sa valeur motrice est l’utilité » (2019 : 145) pourrait bien décrire un moteur de l’agriculture industrielle, où les priorités de l’hémisphère droit, telles que la nature, la culture, le corps, les arts, la spiritualité et l’âme, ont été déconstruites et dévitalisées. McGilchrist conclut : « Je crois que le réductionnisme est devenu une maladie, un point de vue manquant à la fois de sophistication intellectuelle et de profondeur émotionnelle, qui nuit à notre capacité à comprendre ce qui se passe et ce que nous devons faire » (2019 : xxv).
Si cette théorie peut nous aider à comprendre la nature du trouble sous-jacent ou du virus de l’esprit qui se manifeste à travers la vision industrielle du monde, l’ouvrage par ailleurs très complet de McGilchrist omet toute discussion sur le genre et le féminin. Cette absence se fait remarquer non seulement parce que les visions du monde de nombreuses cultures non contemporaines auxquelles McGilchrist fait référence étaient enracinées dans le féminin, mais aussi en raison des parallèles évidents entre son travail et celui des chercheurs féministes. L’une d’entre elles est la psychologue Anne Baring, avec son ouvrage classique The Dream of the Cosmos : a Quest for the Soul (2020). Dans cet ouvrage, Baring tente d’aborder les racines de la crise multiforme de la culture occidentale en explorant ses causes historiques et psychologiques. Faisant écho à la perspective de McGilchrist sur l’incapacité de l’hémisphère gauche dominant à maintenir la conscience au-delà de lui-même, elle pose la question suivante :
Que nous arrive-t-il si nous existons sans relation avec autre chose que notre propre conscience ? Nous sommes privés de toute relation avec le Cosmos.L’énergie psychique qui n’a nulle part où aller implose sur elle-même… Ne reconnaissant rien au-delà de nous-mêmes, nous devenons à la fois hypertrophiés et diminués.
Baring (2020 : xvii)
Baring parle également d’une pathologie maligne et de la nécessité de se libérer de notre vision défectueuse du monde. Alors que McGilchrist identifie le déclin historique de civilisations clés (les Grecs, les Romains et l’Occident post-Lumières) comme un déclencheur de l’enracinement croissant de l’hémisphère gauche, Baring pointe le doigt sur deux croyances erronées des trois cultures religieuses abrahamiques (judaïsme, christianisme et islam) : le mythe selon lequel une femme a causé l’expulsion des humains de l’Eden, et la croyance que les humains sont séparés de Dieu et de la nature. Baring note qu’auparavant, des cultures datant de 40 000 ans avant J.-C. mettaient l’accent sur le féminin (voir par exemple Marshack, 1972), et elle explique que « l’idée que le cosmos tout entier est une entité dotée d’une conscience ou d’une âme à laquelle toute vie participe dérive directement de l’image de la Mère Originelle » (2020 : 30).
Le passage de l’imagerie lunaire à l’imagerie solaire, et des divinités féminines aux divinités masculines, s’est produit vers 2000 avant J.-C., période à partir de laquelle l’imagerie du divin féminin a été largement réprimée, ou est devenue « presque exclusivement associée à la nature en tant que force chaotique à maîtriser, tandis que le Dieu assumait le rôle de créer ou d’ordonner la nature depuis un « lieu » qui était à l’extérieur ou au-delà d’elle » (Baring, 2020 : 31). Les manifestations les plus misogynes de cette croyance, souligne Baring, sont sans doute les procès des sorcières, instaurés en 1485 par le pape Innocent VIII et qui se sont déroulés du 15e au 18e siècle. Plusieurs milliers de femmes, souvent des herboristes, ont été torturées et tuées (et au Royaume-Uni, ce n’est qu’en 1944 que la dernière femme a été condamnée en vertu de la loi sur la sorcellerie de 1735 (Morton, 2014)). En fin de compte, selon Baring, la perte de respect pour la nature et pour la femme, ainsi que la crise écologique actuelle, peuvent toutes être attribuées à ce dénigrement du féminin au cours des quatre derniers millénaires.
McGilchrist et Baring s’accordent sur la manifestation problématique d’un certain type de science, un rationalisme critique qui se concentre sur la dimension physique et ne se contente pas d’ignorer – mais ridiculise de manière proactive – tout ce qui se trouve en dehors de cette réalité perçue. Baring déclare :
Nous n’avons plus accès à d’autres niveaux ou modes de conscience parce que notre esprit « rationnel » a, au cours des quatre derniers siècles, de plus en plus ridiculisé, dénigré et réprimé ce qu’il n’a pas pu, jusqu’à présent, accepter, prouver ou comprendre.
Baring (2020 : 491)
Selon McGilchrist, pour l’hémisphère gauche, la croyance, ou l’absence de certitude, est considérée comme une « forme de savoir faible », alors que pour l’hémisphère droit, la croyance est une question de soin ou de relation. En d’autres termes, le droit croit que l’on ne peut pas savoir, tandis que le gauche sait que l’on ne peut pas croire. Il partage l’avis de Baring selon lequel « la véhémence même avec laquelle l’hémisphère droit a été écarté par les représentants de l’hémisphère gauche, malgré sa pertinence écrasante, suggère une possible rivalité » (2019 : 129).
Pour sortir de cette impasse, les deux auteurs proposent de nouveaux paradigmes conceptuels. Baring associe les récents développements des études sur la conscience à la physique quantique et aux philosophies védiques, pour aboutir à une nouvelle cosmologie qui unifie la vie, la conscience et le cosmos (2020 : 340, 350). De même, McGilchrist suggère de voir la vie non pas comme un processus linéaire avec des stratégies fragmentaires (la vision de gauche) mais comme des systèmes holistiques et circulaires (la vision de droite), et s’inspire des perspectives cycliques d’autres cultures sur l’histoire et l’univers. Se référant aux cultures d’Asie de l’Est qui continuent d’être ancrées dans l’hémisphère droit, il conclut : « Nous devrions peut-être revoir l’hypothèse dominante selon laquelle nous comprenons mieux le monde que nos ancêtres, et adopter une vision plus réaliste selon laquelle nous le voyons simplement différemment – et il se peut en effet que nous voyions moins bien qu’eux » (2019 : 461).
Ce déséquilibre bi-hémisphérique de l’esprit occidental, et la vision du monde laïque et matérialiste qui lui correspond, est bien sûr un stéréotype généralisé. Baring prend soin de noter que le patriarcat et la déconnexion de la nature qui lui est associée étaient présents dans certaines régions du monde avant la colonisation, et que l’Occident lui-même contient une pluralité de visions du monde. Cependant, il y a tout lieu de penser que la vision matérialiste et laïque du monde et la science qui en découle ont façonné l’approche de l’agriculture en Occident. Considérer la vision industrielle du monde comme une forme de virus ou de trouble de l’esprit est utile dans la mesure où, si le diagnostic est ne serait-ce qu’à moitié vrai, nous sommes plus à même de prendre des mesures efficaces et réparatrices à un niveau systémique, comme une sorte d’automédication. Pour une fois, l’esprit peut prendre conscience de lui-même plutôt que de continuer à suivre la voie bien tracée qui consiste à identifier le problème comme étant extérieur à lui-même.
L’angle mort des systèmes agricoles écologiques contemporains
Ce chapitre a commencé par attirer l’attention sur la forte opposition du secteur agricole industrialisé à l’agriculture durable et écologique. Dans un sens, il existe un parallèle évident entre, d’une part, l’hémisphère gauche réductionniste et déconnecté de la nature et la vision industrielle du monde et, d’autre part, l’hémisphère droit holistique et la vision écologique et systémique du monde. Divers auteurs opposent l’approche de l’agriculture industrielle – maximisation du rendement, utilisation d’intrants chimiques, suppression et contrôle de l’écosystème – à l’approche écologique – optimisation du rendement, diversification des cultures et intégration synergique des processus naturels (par exemple, IPES-Food, 2016 ; van der Ploeg et al., 2019 ; Röling et Jiggins, 1998).
Une analyse des textes fondamentaux des mouvements de l’agriculture biologique, de la permaculture, de la biodynamie et de l’agroécologie révèle le type d’approche cyclique (des systèmes de production) suggéré par McGilchrist comme moyen de retrouver l’équilibre. Pour le mouvement de l’agriculture biologique, l’un des principes les plus importants est la « loi du retour » ou le recyclage de tous les déchets organiques, préconisé par le pionnier Albert Howard (1943) ; l’accent mis par la permaculture sur l’imitation des phénomènes cycliques de la nature est présent dans tout son programme (Mollison et Slay, 2013) ; de même, pour l’agriculture biodynamique, les cycles et les rythmes sont toujours présents, des cycles de croissance aux cycles cosmiques (Steiner, 1993). Pourtant, en plus de prendre en compte les cycles de la vie, le changement fondamental préconisé par McGilchrist et Baring devrait également impliquer un renouveau des cosmologies et ontologies indigènes, notamment autour de la nature de la conscience et de l’esprit. Pour comprendre ce que cela signifie par rapport à l’agriculture, il faut examiner de plus près ces perspectives indigènes.
Harmonie et équilibre : la relation indigène entre les humains, la terre et la nature
Les visions du monde indigènes, quel que soit le continent, accordent une plus grande valeur aux facteurs spirituels et non matériels que les cultures occidentales contemporaines (Kohler et al., 2019 ; Pierotti, 2011), et cette relation spirituelle distinctive est inscrite dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (article 15, UNDRIP, 2007). Dans une critique des impacts du colonialisme sur les systèmes de savoirs autochtones africains, Mashingaidze (2016 : 25) écrit : « Pour les peuples autochtones, la terre est au cœur de toute spiritualité et cette relation à l’esprit de la terre est au centre de toutes les questions qui sont importantes pour les peuples autochtones aujourd’hui ». De même, dans une étude comparative des systèmes de connaissances écologiques traditionnels des peuples Māori et Quechua, Huambachano explique que « Pour les peuples indigènes, la terre est à la fois un espace agricole et sacré où les relations humaines et non humaines collaborent comme des intendants » (2019 : 1). Marsden (1988) décrit l’ensemble des connaissances que les peuples Māori désignent sous le nom de « mātauranga », comme étant « la connaissance ou la compréhension de tout ce qui est visible ou invisible et qui existe à travers l’univers ; cela inclut tous les systèmes de connaissances Māori ou les manières de savoir et de faire ».
Les travaux de Huambachano et d’autres (par exemple, Haverkort et al., 2002 ; Tchombe et Lukong, 2018) fournissent une image générique des relations dynamiques et de renforcement mutuel entre les mondes humain, spirituel et naturel. Ces traditions animistes ou panpsychiques partagent trois caractéristiques ontologiques pertinentes : (1) la vie a une dimension invisible, spirituelle ou énergétique ; (2) tout ce qui existe dans la nature est sensible ou conscient ; et (3) il existe une interaction communicative quotidienne entre les humains et ce qui n’est pas humain. Ils partagent également des préoccupations axiologiques liées à la nécessité de maintenir l’harmonie et l’équilibre, à la relation juste, au caractère sacré et à la collaboration avec les êtres non humains. Dans son essai sur les connaissances indigènes, Posey (1998) explique que la connaissance de l’environnement dépend non seulement de la relation entre les humains et la nature, mais aussi entre le monde visible et le monde spirituel. Dans ce contexte, l’agriculture assure l’équilibre à travers les relations entre les personnes, la nature et les divinités, de sorte que, par exemple, la bénédiction d’un nouveau champ n’est pas un simple spectacle, mais plutôt une activité inséparable de la vie où la valeur la plus élevée est l’harmonie avec la terre. Dans cette perspective, le tableau 1.1 compare les principales caractéristiques d’une vision moderniste de l’agriculture et de la nature avec une vision indigène générique du monde.
Il n’est pas surprenant que cette dimension invisible de l’agriculture indigène ait été peu explorée dans le monde universitaire, alors que la science a mis en évidence les connaissances hautement sophistiquées des cultures indigènes dans des domaines tels que l’écologie et la génétique appliquées, la psychogéographie, la géomancie, l’astronomie, la psychologie transpersonnelle, la géométrie et la chronobiologie (Critchlow, 1979 ; Peat, 2005).
Tableau 1.1 Comparaison des visions du monde et de l’agriculture Moderne et Indigène
Caractéristiques principales | Vision du monde moderniste (occidentale) | Vision du monde indigène |
Objectif | Recherche de la productivité maximale | Recherche de l’équilibre et de l’harmonie |
Approche des processus de vie (temps, flux nutritionnels, etc.) | Répétitif et linéaire | Rythmique et cyclique |
Relation avec la nature | Domination sur la nature | Union et communication avec la nature |
Compréhension du fonctionnement de la nature | La nature est composée de parties et fonctionne comme une machine | La nature est complexe et holistique |
Méthode de gestion | Centré sur la maladie | Centré sur la santé et le bien-être |
Compréhension de la nature du vivant | Laïque-matérialiste | Panpsychisme, animisme, porteur de conscience, esprit. |
Les systèmes agricoles écologiques intègrent-il pleinement la praxis indigène ?
Les mouvements de l’agroécologie, de l’agriculture biologique et de la permaculture sont fiers d’être fondés sur une intégration des connaissances locales et indigènes avec la science moderne. Albert Howard et d’autres membres du mouvement biologique ont été fortement influencés par les pratiques agricoles durables utilisées dans d’autres parties du monde (voir par exemple King, 2004). Miguel Altieri décrit l’agroécologie comme une « approche culturellement acceptable car elle s’appuie sur les connaissances traditionnelles et favorise un dialogue des sagesses avec des approches scientifiques plus occidentales » (Altieri et Toledo, 2011 : 599). Le cofondateur de la permaculture, Bill Mollison, a attribué une grande partie de son contenu à ce qu’il a appris des autochtones de Tasmanie et d’autres régions du monde (Fox, 2009). En revanche, dans le cas de l’agriculture biodynamique, plutôt que de prétendre s’inspirer des cultures indigènes, sa base de connaissances –essentiellement un ensemble de conférences – a été transmise par une seule personne, Rudolf Steiner, un philosophe, scientifique et mystique germano-autrichien polymathe qui a vécu de 1861 à 1925. Steiner était fortement influencé par le mysticisme allemand, la théosophie, le christianisme gnostique, les Cathares, les alchimistes, le bouddhisme et l’hindouisme, entre autres traditions (McKanan, 2018), et en particulier par les œuvres de Johann Wolfgang von Goethe.Cependant, Steiner a surtout exploré les mondes spirituels, ce qu’il a fait méticuleusement (Courtney, 2005), et ses conférences étaient basées sur ses intuitions et visions intérieures. « Je portais en moi un contenu d’impressions spirituelles. Je leur ai donné forme dans des conférences, des articles et des livres. Ce que j’ai fait, je l’ai fait à partir d’impulsions spirituelles » (Steiner, 1928 : 316). En ce qui concerne l’adoption de concepts indigènes, certains pionniers de l’agriculture biologique ont reconnu publiquement les dimensions énergétiques et spirituelles, comme en témoigne le discours de Eve Balfour lors d’une conférence de l’IFOAM en 1977, en partie influencée, reconnaît-elle, par la Société anthroposophique inspirée par Steiner (paragraphes 41, 62) :
Une chaîne alimentaire n’est pas seulement un circuit matériel, mais aussi un circuit énergétique. La fertilité du sol a été définie comme la capacité du sol à recevoir, stocker et transmettre de l’énergie. Une substance peut être chimiquement la même mais très différente en tant que conducteur d’énergie vivante… Nous ne pouvons pas échapper aux valeurs éthiques et spirituelles de la vie car elles font partie de la totalité. Les ignorer, ainsi que leurs implications, reviendrait à poursuivre une autre forme de fragmentation.
Néanmoins, et quelles que soient les croyances personnelles des membres, le mouvement biologique dans son ensemble semble avoir pris très tôt la décision consciente d’éviter d’introduire le spirituel dans l’agriculture, sans doute influencé au Royaume-Uni par le principal protagoniste de l’époque, Albert Howard. Ceci est assez curieux dans la mesure où Howard a passé trois décennies en Inde et reconnaît avoir appris plus des agriculteurs indiens qu’il ne pouvait leur enseigner (Howard, 1953). Il a donc dû rencontrer la vision du monde védique et les pratiques agricoles rituelles, spirituelles qui y sont associées. Nous pouvons supposer que Howard, connu pour son scepticisme à l’égard des enseignements de Steiner (Barton, 2018 ; Clunies-Ross, 1990), n’était pas convaincu ou qu’il protégeait sa propre réputation en tant que figure crédible au sein de l’establishment scientifique, intervenant régulièrement dans les débats scientifiques nationaux (Conford, 2001).
En ce qui concerne la permaculture, Mollison a stratégiquement distancé le mouvement de ce qu’il considérait comme des systèmes de croyance personnels et non validés (comme décrit dans le prélude de ce chapitre). Il se peut qu’il ait lui-même eu des croyances non-conformistes, laissant échapper dans l’une de ses conférences enregistrées que :
La grande préoccupation des Aborigènes australiens est la dimension… et ils peuvent manipuler le temps, ils peuvent aller ailleurs… Il y a 5 personnes vivantes qui… peuvent gérer 7 dimensions facilement… et ils disent que ce n’est pas drôle qu’au moment où nous sommes décimés, quelques uns d’entre nous aient vraiment une prise sur les choses.
En ce qui concerne le mouvement de l’agroécologie, il s’est d’une part positionné comme le plus ouvertement politique parmi ses camarades écologiques et comme celui qui défend le plus explicitement les petits agriculteurs autochtones – et leurs systèmes de connaissances – dans le monde entier (Gonzalez-De Molina, 2013 ; van der Ploeg et al., 2019 ; Rosset et Altieri, 2017 ; Sevilla-Guzman et Woodgate, 2013). Pourtant, bien que le mouvement comprenne de nombreuses organisations paysannes dont les membres vivent selon leurs visions du monde traditionnelles (voir, par exemple, les membres de La Via Campesina : https://viacampesina.org/en), sa recherche et son enseignement, comme les mouvements de permaculture et d’agriculture biologique, sont plus caractéristiques des cadres matériels séculiers (voir, par exemple, Altieri, 1995 ; Gliessman, 1998). En plaidant pour la démocratisation des connaissances et des modes de connaissance pour l’agroécologie, Pimbert (2018) appelle à un changement social profond pour que de nouveaux systèmes de connaissance émergent et identifie la démocratie participative comme fournissant les moyens d’y parvenir. Pourtant, selon le traité de McGilchrist, tant que l’hémisphère gauche, l’émissaire, facilite un tel changement en partant de la vision du monde et des structures qu’il a lui-même créées, l’impact au niveau systémique peut ne pas être garanti sans un engagement conscient à développer de nouveaux cadres cosmologiques et ontologiques.
Cette analyse des textes clés des mouvements agricoles susmentionnés suggère que seule l’agriculture biodynamique embrasse la dimension invisible comme une composante fondamentale de ses cadres cosmologiques et ontologiques et, par conséquent, de sa recherche et de ses enseignements. Steiner a intitulé son cours d’agriculture « Fondements spirituels pour un renouveau de l’agriculture : Une série de conférences » (Steiner, 1993). Ces conférences n’étaient pas destinées à ceux qui débutaient dans l’agriculture ; elles étaient données à titre de conseils ou d’indications aux agriculteurs, vétérinaires et autres personnes liées à la terre et/ou intéressées par les questions spirituelles. Nombreux sont les membres de l’auditoire qui sont également anthroposophes – c’est-à-dire qui pratiquent la science de l’esprit – et qui ont invité Steiner à apporter un éclairage spirituel et scientifique aux problèmes qu’ils rencontrent dans l’agriculture, notamment en matière de santé des plantes et des animaux. Steiner avait auparavant développé la science de l’esprit comme étant à la fois une voie spirituelle et une méthode scientifique, soulignant qu’il existe une base spirituelle objective et compréhensible pour la réalité qui peut être directement expérimentée par le développement de l’imagination et de l’intuition, et vérifiée par la pensée rationnelle (McKanan, 2018).Courtney (2005) explique que cette dimension spirituelle permet à l’agriculture biodynamique de fournir une guérison de la terre en développant une compréhension humaine des forces de croissance et de vie qui proviennent du soleil, de la lune et du système zodiacal (qui, en biodynamie, est appelé « forces formatrices du cosmos » (2005 : 15)). Les normes de production biodynamiques reflètent cette compréhension, en déclarant par exemple que « dans les processus de vie, de nombreuses forces différentes, qui ne proviennent pas uniquement d’interactions matérielles, agissent ensemble. Toutes les mesures agricoles reposent sur des processus d’activation qui renforcent et animent ces liens naturels » (BDCert, 2012 : 7).
Contrairement à la (mauvaise) compréhension de la biodynamie par Mollison, Steiner a insisté sur le fait que chaque agriculteur devait expérimenter avant de faire des déclarations sur les pratiques. Il expliquait : « Le but de ces conférences était d’arriver à des idées pratiques concernant l’agriculture qui devraient combiner ce qui a déjà été acquis par la compréhension pratique et l’expérience scientifique moderne, avec les considérations scientifiques spirituelles du sujet » (Steiner, 1924 : 9). Ainsi, paradoxalement, alors que l’agriculture biodynamique ne prétend pas, comme les autres mouvements, s’inspirer directement des savoirs autochtones, sa vision du monde est en réalité plus compatible, et il est prouvé que, pour cette raison, ses pratiques peuvent être synergiques avec celles des communautés agricoles autochtones (Klocek, 2013 ; Ramprasad, 2012 ; Wright, 2019). Sprunt, un acteur du développement durable, décrit sa collaboration fructueuse avec des communautés agricoles du nord-est de l’Inde : « … avant l’arrivée des missionnaires chrétiens, ils avaient également utilisé la lune comme guide pour diverses pratiques agricoles, ils pouvaient facilement avoir accès à de la bouse de vache et à des cornes – cela a enthousiasmé les groupes qui ont réalisé que la biodynamie était appropriée dans ce contexte » (Sprunt, 2006 : 86).
Cet angle mort des mouvements agroécologiques, biologiques et de la permaculture sur la dimension invisible de l’agriculture peut être illustré par les différents cadres de la figure 1.1. Dans ce chapitre, nous avons vu que l’agriculture industrielle se concentre sur la dimension visible et matérielle, et sur la réduction du tout à ses composants (également appelée réductionnisme), comme le montre la figure 1a. L’agroécologie (au sens large) prend en compte non seulement les parties mais aussi l’ensemble du système, toujours dans une perspective matérielle visible, comme le montre la figure 1b. Ce chapitre introduit le concept d' »agroécologie subtile », c’est-à-dire la contrepartie invisible de l’agroécologie physique, qui peut adopter une approche réductionniste et/ou systémique. Ainsi, si nous prenons ensemble l’agroécologie et les agroécologies subtiles, nous arrivons à un cadre plus holistique comme le montre la figure 1c. A partir de cette figure, nous pouvons voir que, en ne reconnaissant pas l’invisible, l’hémisphère gauche définit le holisme comme étant l’opposé du réductionnisme, alors que ce chapitre pose le holisme comme embrassant nécessairement l’intégralité des dimensions visibles et invisibles. Sur la base de ce qui précède, ce chapitre soutient qu’aussi longtemps que la recherche et les enseignements des organisations agricoles écologiques resteront immergés dans la dimension séculaire et matérielle, elles ne feront qu’un hommage de façade aux visions du monde indigènes et au concept d’holisme (comme le montre la figure 1.1). Bien que les chercheurs et les praticiens qui prennent les phénomènes invisibles au sérieux aient été, au pire, ridiculisés et, au mieux, pour reprendre les termes de McGilchrist, « écartés et considérés comme sans importance » alors qu’il semblait y avoir des questions matérielles plus pressantes à traiter (comme le récit classique du « nourrir le monde »), il s’agit peut-être d’un piège dû à l’incapacité de l’hémisphère gauche à se référer à l’ensemble, et nous ne pourrons véritablement résoudre les défis physiques auxquels l’humanité et l’environnement mondial sont confrontés que lorsque nous nous impliquerons dans les dimensions invisibles et subtiles. Le fait d’embrasser la moitié cachée de la nature à travers l’agriculture pourrait-il nous permettre de faire l’expérience d’une réalité plus authentique et donc de mieux comprendre la nature et d’interagir avec elle de manière plus significative ? Comme Einstein et Infeld (1938 : 262-263) ont écrit à propos de la nature de la dualité onde-particule :
Mais qu’est-ce que la lumière en réalité ? S’agit-il d’une onde ou d’une pluie de photons ? Il semble qu’il n’y ait aucune probabilité de former une description cohérente des phénomènes de la lumière en choisissant un seul des deux langages. Il semble que nous devions utiliser tantôt l’une, tantôt l’autre théorie, et même parfois les deux. Nous sommes confrontés à une difficulté d’un nouveau genre. Nous avons deux images contradictoires de la réalité ; séparément, aucune d’entre elles n’explique pleinement les phénomènes de la lumière, mais ensemble elles le font.
Introduction aux agroécologies subtiles : cultiver avec la face cachée de la nature
Dans leur livre sur la nouvelle science de la conscience, Pfeiffer et al. (2007 : xxviii) posent la question suivante : A quoi ressemblerait un monde basé sur un état d’esprit qui comprendrait que tout est Un et interconnecté ? Ensuite, à quoi ressemblerait l’agriculture ? Ce chapitre a été construit pour introduire le concept d’agroécologies subtiles. Le terme est adapté de la référence de David Spangler au monde subtil de l’esprit qu’il appelle notre « deuxième écologie » (Spangler, 2010). Pour les agriculteurs biodynamiques, les forces subtiles sont celles qui peuvent être perçues par des organes sensoriels bien exercés (Courtney, 2005). Contrairement à l’approche industrielle, nous cultivons avec la nature au lieu de nous imposer à la nature. Comme le corroborent McGilchrist et Baring, l’exploration des visions du monde indigènes constitue un point de départ solide pour conceptualiser la moitié invisible ou cachée de la nature, de manière à développer une cosmologie élargie qui englobe les dimensions de l’énergie vibratoire, de la conscience et de l’esprit. Pour les sociétés modernes, on pourrait également considérer les enseignements de Steiner comme un cadre cosmologique « original », tel que décrit par Edmunds (2005). En accord avec les croyances indigènes autour de l’animisme ou du panpsychisme, Steiner fait référence à une dimension éthérique, un corps de forces subtiles, un champ énergétique de lumière ou un « souffle » de vie, qui est présent dans toutes les formes de vie, y compris le règne végétal (Marti, 2017).
État de l’art des agroécologies subtiles
Le peu de littérature sur les pratiques agricoles subtiles peut être attribué à plusieurs facteurs. Dans les cultures indigènes contemporaines, les connaissances intergénérationnelles sur ces pratiques ont tendance à être transmises par la communication orale plutôt que par écrit, et sont donc souvent intangibles ou tacites (Smith, 2008). De plus, dans ces contextes, ces pratiques ont des fonctions multiples et ne sont pas nécessairement identifiées comme étant uniquement liées à l’agriculture, comme le montre l’encadré 1.1 qui fournit deux exemples de pratiques agricoles basées sur de telles ontologies. De plus, dans les cultures indigènes, la recherche de nourriture ne dépend pas uniquement de l’agriculture sédentaire et de ses pratiques associées (Barucha et Pretty, 2010). Ainsi, alors que les travaux d’auteurs indigènes explorent les cosmologies et les épistémologies en relation avec la nature et l’environnement (notamment Katerere et al. (2020), Kimmerer (2013), Liljeblad et Verschuuren (2019), Tuhiwai Smith (2012) et Yunkaporta (2020)), il y a moins d’écrits qui décrivent spécifiquement des pratiques subtiles de production alimentaire.
Encadré 1.1 Deux exemples de pratiques agricoles fondées sur des ontologies indigènes Dans le sous-continent indien, Ramprasad (2012) analyse l’utilisation du fumier dans l’agriculture traditionnelle indienne et sa relation avec la littérature védique, expliquant que les approches spirituelles et agricoles convergent dans les pratiques agricoles, où l’objectif est de maintenir l’équilibre entre les éléments existentiels de la vie, ce qui inclut l’utilisation de produits physiques (de la vache) en lien avec les positions planétaires et l’interaction des cinq éléments (terre, eau, air, feu et éther). La vision du monde hindouiste, selon laquelle une force spirituelle relie tout, est sous-jacente. Ramprasad explique comment la pratique ancienne de l’application du Panchakavya, une préparation de cinq produits issus de la vache (sacrée), a non seulement des avantages avérés en tant que biofertilisant, biopesticide et pour restaurer la fertilité des sols, mais a également des applications médicinales et est utilisée dans les cérémonies et les rituels, par exemple pour établir un lien entre « les vivants et les morts, le visible et l’invisible, le physique et le paraphysique, les forces terrestres et célestes » (2012 : 179). Sur la base d’une étude mondiale, Burke et Halberg (2005) ont proposé des théories sur la nature des anciens mégalithes en Amérique du Sud et du Nord, en Europe et en Égypte. Ils ont identifié que ces structures étaient construites non pas lorsque les temps étaient favorables, mais pendant les périodes de famine, et que les vestiges archéologiques mettaient systématiquement au jour des offrandes de graines sur ces sites. Intéressés par les surcharges anormales de courant électrique au sol et les charges électriques aériennes que ces structures, conçues et situées avec précision, semblaient amplifier à des moments précis de la journée, ils ont entrepris des essais sur la germination et la croissance des graines sur ces structures ainsi que dans d’anciennes cavités rocheuses, de même qu’en laboratoire dans des conditions similaires. Ils ont constaté qu’une forte activité électrique permettait une meilleure germination et croissance des graines, et concluent que ces structures ont été conçues pour améliorer la fertilité des cultures. Ils expliquent : « Traditionnellement, les anciens ne séparaient pas le physique du non-physique, l’âme de la terre… … des efforts considérables ont été déployés à de nombreuses reprises pour créer un édifice qui nous semble aujourd’hui imprégné d’une aura de rituel, et pourtant nos expériences montrent qu’il exploite l’énergie naturelle d’une manière qui peut augmenter la production alimentaire ».Burke et Halberg (2005 : 171). |
Certaines approches agricoles actuelles, ré-imaginées, incluent des techniques subtiles, comme l’agriculture naturelle Shumei du Japon, qui vise à aider les individus à comprendre les lois et principes naturels de l’univers (Jerkins, 2012), ou encore l’Agriculture Yogique, issue de la communauté spirituelle Brahma Kumaris en Inde, qui entend exploiter le pouvoir de l’esprit humain (Pandey et al., 2015).
En termes de recherche, et même en tenant compte de celle du mouvement biodynamique, la base de connaissances scientifiques sur les agroécologies subtiles est encore relativement faible. Presque totalement ignorées au sein de la recherche agricole, d’autres disciplines s’approchent de plus près pour faire la lumière sur les concepts et les mécanismes sous-jacents des agroécologies subtiles. Chacune d’entre elles apporte une petite pièce d’un puzzle dont l’image complète n’a pas encore été révélée. La chimie du son, par exemple, explore l’utilisation de l’énergie sonore comme force motrice pour les transformations chimiques, et a été appliquée pour améliorer la germination des graines (Pour et al., 2016). De même, dans le domaine de la biologie structurelle et moléculaire, des recherches ont porté sur les effets des enveloppes magnétiques sur la germination, la croissance, le développement et le rendement des plantes (Teixeira da Silva et Dobránszki, 2016). Du côté de la physique théorique, David Peat examine l’interface entre la science quantique et les cosmologies et épistémologies indigènes (2012). Le psychologue transpersonnel Travis Cox explore les fondements idéologiques et métaphysiques des philosophies agricoles alternatives et invente le terme « agroécologies transpersonnelles » pour inclure les processus et les expériences d’interaction avec des êtres non humains sur la ferme (Cox, 2014). De même, la synthèse de Jack Hunter, Greening the Paranormal (2019), traite directement des questions fondamentales des systèmes de croyance, de l’écologie, de la conscience, de la communication inter-espèces et de la reconnexion au lieu. En particulier, Hunter attire l’attention sur le concept de réenchantement en relation avec le monde universitaire comme antidote à la vision matérialiste du monde, citant Voss et Wilson (2017 : 13),
Se sentir enchanté, c’est franchir un portail caché vers une autre façon de voir, vers une nouvelle réalité, où le raisonnable, le certain, le mesurable et le prévisible cèdent la place à l’impressionnant, au merveilleux, au délicieux, au paradoxal et à l’incertain – et peut-être même à l’aspiration de l’âme à un autre type de vie au-delà des exigences du quotidien.
Hunter (2019 : 39)
En dehors de la recherche académique formelle, des individus et des groupes de praticiens-chercheurs explorent depuis longtemps ce domaine. Certains sont basés dans des communautés intentionnelles qui, depuis plusieurs décennies, explorent le lien profond entre les humains et la nature en relation avec la production alimentaire (par exemple Caddy, 1978 ; Small-Wright, 1993). D’autres ont formé des groupes d’apprentissage d’agriculteurs à la pointe de l’agroécologie et de l’agriculture régénérative. Par exemple, un prestataire australien d’enseignement agricole propose une formation « où vous apprenez à gérer efficacement l’énergie subtile pour améliorer votre rentabilité » (RCS, 2020). Dans un autre exemple, une sélection de conseillers agricoles des États-Unis et d’Australie ont été interrogés sur les dimensions énergétiques de l’agriculture nutritionnelle (Sait, 2003). L’une des personnes interrogées, le professeur Philip Callahan (1923-2017), a accumulé un important corpus de connaissances sur l’utilisation du rayonnement infrarouge lointain non linéaire pour le contrôle des insectes, ainsi que sur l’application du paramagnétisme en agriculture (2003 : 142). Une autre personne interrogée, Hugh Lovel (1947-2020), parle de son ouvrage fondamental, Quantum Agriculture, dans lequel il explique comment cette nouvelle méthode d’agriculture en pleine évolution applique les découvertes de la physique et de la biologie quantiques pour produire scientifiquement des aliments de haute qualité. Dans son propre livre, Lovel (2014) explore des techniques spécifiques, notamment le calendrier de plantation astronomique, l’homéopathie agricole, la radiesthésie et la radionique, la modération météorologique, l’équilibrage énergétique et l’alchimie.
Henk Kieft (2019), ingénieur agronome, s’est également inspiré des concepts quantiques. Sa curiosité a été piquée lorsqu’il a rencontré un groupe d’agriculteurs néerlandais qui avaient expérimenté des techniques agricoles « non conventionnelles », telles que l’écoute de la musique par les vaches laitières, mais qui ne parvenaient pas à trouver plus d’informations, de soutien ou d’intérêt auprès des vulgarisateurs agricoles ou des chercheurs. Conscient de faire appel à la vision du monde matérialiste et laïque, Kieft a synthétisé un éventail de techniques en trois catégories séquentielles :
1. Techniques basées sur l’énergie et les ondes – qui considèrent la dualité onde-particule, les applications de l’électromagnétisme dans les soins de santé et l’agriculture et leur influence sur les processus physiologiques dans le sol, les plantes, les animaux et les personnes ;
2. Les techniques basées sur les champs d’information, les modèles et le langage de la lumière – qui considèrent les aspects énergétiques et informatifs de la nature, et les mesures de la vitalité ;
3. Les techniques basées sur l’intention, l’intuition et la conscience – qui considèrent les énergies subtiles et la manière de les percevoir et de travailler avec elles.
Pour Kieft, le concept sous-jacent est la relation entre la masse, l’énergie et l’information, et il invite les chercheurs en sciences quantiques à relever le défi d’explorer ce domaine d’application.
Vers une définition des agroécologies subtiles
Plutôt qu’un système agricole en soi, ce chapitre considère que les agroécologies subtiles superposent une dimension non matérielle aux systèmes agricoles agroécologiques existants, qui reposent sur des bases matérielles. De manière cruciale, elle est ancrée dans les expériences vécues par les humains travaillant sur et avec la terre depuis plusieurs milliers d’années jusqu’à aujourd’hui. Il est utile ici de revenir sur le concept de réenchantement, utilisé à l’origine par Max Weber pour critiquer la société occidentale moderniste et sécularisée (Jenkins, 2000). L’historien Morris Berman avance l’idée de réenchanter le monde en proposant que, plutôt qu’un retour aux traditions animistes qui existaient avant l’ère cartésienne, la société occidentale a maintenant besoin d’une conscience plus appropriée qu’il suggère comme étant écologique, une conscience qui est fondée sur la connexion réelle et intime entre l’homme et la nature (Berman, 1981). Dans ce sens, nous pouvons concevoir le réenchantement de l’agriculture comme un moyen pour les gens des sociétés modernes de reconquérir une relation native avec le paysage vivant dans lequel ils se trouvent, une relation en temps réel, basée sur le lieu, qui peut donc être accessible et ravivée par n’importe qui, n’importe où.
Sur la base de la littérature prédominante (Kieft, 2019 ; Lovel, 2014 ; Moore, 2011), voici une collection de techniques, de méthodes, d’arts et de sciences associés aux agroécologies subtiles, présentés simplement par ordre alphabétique. Cette collection n’est pas exhaustive, et de nombreux termes partagent des similitudes et peuvent être utilisés simultanément.
Agro-homéopathie, astronomie, préparations biodynamiques, bio-électromagnétisme, radiesthésie, éco-alchimie, feng shui/géomancie, communication inter-espèces, intuition/connaissance directe, amour, mantras/chant, paramagnétisme, calendriers de plantation, prière/intention, radionique, rituel, géométrie sacrée, résonances de Schumann, son/ultrasons, plantes enseignantes/psychoactives, dynamisation de l’eau.
Kieft (2019) suggère que l’esprit laïque et matérialiste peut être davantage attiré par les techniques basées sur les énergies et les ondes qui utilisent la « technologie » comme interface entre le sujet perçu et l’objet, que par les techniques qui dépendent uniquement des facultés de conscience de l’individu ou du groupe humain, qui sont encore peu développées et plus difficiles à valider scientifiquement. On pourrait bien sûr rétorquer que toute technique entreprise par un être humain a une influence inhérente de l’intention ou de la conscience, qu’elle fasse appel ou non à un « kit ».
En outre, bien que l’Agroécologie subtile se concentre sur les pratiques agricoles, dans une optique indigène, cette approche peut être considérée comme une forme de séparation de l’inextricable complexe relationnel entre l’homme et la nature. Huambachano (2019) fait référence à l’inclusion d’activités supplémentaires qui célèbrent, révèrent, remercient, demandent la permission ou posent une question, sous forme de danse ou d’autres mouvements, rituels ou prières.
Sur la base de cette définition de la pratique des agroécologies subtiles, la science ou la recherche qui en découle est l’étude systématique de la nature du monde invisible en relation avec la pratique de l’agriculture. Selon la situation, cela peut prendre la forme d’une focalisation réductionniste axée sur un objectif, par exemple l’augmentation des rendements des cultures et du bétail ou la réduction de l’incidence des parasites et des maladies, ou bien d’une vision élargie consistant à travailler simultanément avec de multiples facteurs et préoccupations, le tout basé sur une éthique du soin et dans le but général d’apporter et de maintenir l’équilibre et l’harmonie sur la ferme (et pour l’agriculteur), pour la société et pour le monde.
Conclusion
Ce chapitre a abordé l’application des pratiques subtiles de l’agriculture agroécologique comme un moyen non seulement d’améliorer la durabilité de l’agriculture mais aussi de changer fondamentalement la façon dont nous traitons la nature dans son ensemble. Si l’agriculture écologique doit être véritablement holistique dans sa pratique et se montrer à la hauteur de ses prétentions à embrasser les connaissances et les visions du monde indigènes, alors il est grand temps de considérer sérieusement les agroécologies subtiles. En travaillant sur la dimension vibratoire-énergétique, en devenant plus adepte des pratiques incarnées qui permettent une interaction plus consciente avec la nature, et en réévaluant notre compréhension de notre place dans le monde, nous pourrions progresser vers la guérison de la faille ou du déséquilibre hémisphérique que McGilchrist, Baring et d’autres ont décrit. En réenchantant l’agriculture, nous pourrions faire un grand pas vers l’équilibre et l’harmonie que les mouvements agricoles contemporains, fondés sur l’écologie, cherchent à atteindre.