Tout le monde a déjà mangé une pomme, mais peu de personne ont conscience que cette action nous conduit à ingérer de nombreux micro-organismes (bactéries, virus, parasites et champignons non pathogènes) qui vont rejoindre notre microbiote1 intestinal (Inserm, 2021). Le concept de One Health2 a permis de prendre conscience que la santé humaine est inextricablement liée à la santé, à la vitalité des aliments (Leff and Fierer, 2013 ; Berg et al., 2014 ; Wassermann et al., 2017). Il a également été démontré que les pratiques agricoles ont une influence cruciale sur la composition, la diversité et la fonctionnalité du microbiote (Philippot et al, 2013).
Dans un article scientifique, publié en 2019 dans la revue Frontiers Microbiology, intitulé Une pomme par jour : quelles bactéries mangeons-nous avec des pommes biologiques ou conventionnelles ?, Birgit Wassermann et son équipe ont étudié la composition du microbiome de la pomme. Cette analyse est construite autour de deux axes : l’identification des différences entre les tissus du fruit (tige, peau, pulpe, pépins et calice), et l’impact des pratiques agricoles biologiques (qui était en réalité biodynamiques) et conventionnelles sur l’abondance et la composition des micro-organismes présents.
Existe-t-il une différence entre le microbiome du pépin et celui de la peau d’une pomme ?
Le décryptage du microbiote bactérien des pommes autrichiennes « Arlet » a révélé une différence en termes d’abondance, de diversité et de composition entre les cinq tissus. Chaque tissu a été colonisé par des communautés bactériennes distinctes. La pulpe et la peau des fruits présentent les valeurs les plus élevées en termes de diversité, mais les plus faibles en termes d’abondance. Les bactéries des pépins, en revanche, étaient moins diversifiées que les autres tissus, mais plus nombreuses. Ces différences étaient pressenties, étant donné que les conditions métaboliques et nutritives varient d’une partie à l’autre.
Les pommes cultivées en bio ont-elles un microbiote différent de celui des pommes conventionnelles ?
Le mode de culture influence de manière significative le microbiote de tous les tissus de la pomme. Par rapport aux autres tissus, celui des pépins a été le moins affecté par les pratiques agricoles.
Les calculs ont révélé des différences significatives, en termes d’abondance de bactéries, entre les tissus, mais pas entre les pratiques agricoles. Cela suggère qu’il y a autant de bactéries dans une pomme bio que dans une pomme conventionnelle, mais que les pratiques déterminent leur composition et leur diversité.
La diversité était significativement plus élevée dans tous les tissus cultivés en bio (à l’exception de l’extrémité du calice). Le microbiote des pommes conventionnelles s’est en outre révélé fortement dominé par les Burkholderiales, qui représentent près de 43 % de la population.
Manger des pommes cultivées en biodynamie, est-ce meilleur pour la santé ?
Les pommes sont des sources alimentaires importantes de divers flavonoïdes, et ont un impact bénéfique sur la santé humaine grâce aux procyanidines et à la pectine ; cela a été fréquemment décrit (Shoji et Miura, 2014 ; Sanz et al., 2015 ; Shtriker et al., 2018). Des études suggèrent que la consommation de pommes peut induire des changements substantiels dans la composition du microbiote et l’activité métabolique in vitro, ce qui pourrait être associé à des avantages potentiels pour la santé humaine (Koutsos et al., 2017; Garcia-Mazcorro et al., 2019). Cependant, les travaux antérieurs se sont largement concentrés sur les agents pathogènes des plantes et sur la phyllosphère (communauté de micro-organismes présents sur les feuilles) (Burr et al., 1996; Pusey et al., 2009; Stockwell et al., 2010; Yashiro et al., 2011; He et al., 2012; Liu et al., 2018).
Cette étude, en s’intéressant aux fruits, permet d’aller un pas plus loin. Le microbiome très diversifié des pommes en bio pourrait probablement limiter ou entraver l’abondance des pathogènes humains, simplement en les surpassant (Cooley et al, 2006). Le microbiome indigène des pommes en bio pourrait contribuer à prévenir les maladies allergiques (Kalliomäki et al, 2010). Methylobacterium, connue pour améliorer la biosynthèse des composés aromatiques des fraises (Verginer et al., 2010), était significativement plus abondante dans les pommes en bio, en particulier dans les échantillons de peau et de pulpe de fruit. En revanche, Ralstonia et Erwinia, fréquemment décrites pour leur impact négatif sur la santé des plantes (Denny, 2007 ; Pirhonen et al., 2018), prédominent dans les pommes conventionnelles.
Conclusion
La consommation d’une pomme entière conduit à l’absorption d’environ 100 millions de bactéries. Cependant, les pommes fraîchement récoltées et cultivées en bio (ici en biodynamie) abritent un microbiote nettement plus diversifié que les pommes conventionnelles ; cela tendrait donc à prouver que la pratique de la biodynamie peut avoir des effets favorables sur la santé des plantes et des consommateurs.
Références
- Le microbiote est l’ensemble des micro-organismes — bactéries, micro-champignons, protistes — vivant dans un environnement spécifique (appelé microbiome).
- One Health, « une seule santé ». Ce concept, initié au début des années 2000, fait suite à la recrudescence et à l’émergence de maladies infectieuses, en raison notamment de la mondialisation des échanges. Il repose sur un principe simple, selon lequel la protection de la santé de l’Homme passe par celle de l’animal et de leurs interactions avec l’environnement (source : INRAe)