
En 2022, l’association Biodynamie Recherche s’est associée à l’INRAE de Colmar dans le cadre d’un projet de recherche action participative d’envergure nationale pour mieux connaître et valoriser les savoirs d’expériences vignerons sur l’utilisation des PNPP (Préparations Naturelles Peu Préoccupantes), cet acronyme barbare qui désigne officiellement les plantes et péparations utilisées comme substances de base ou comme biostimulants (voir définitions sur le site de l’ITAB), parmi lesquelles figurent les préparations biodynamiques.
Ce projet a été lauréat de l’appel à projet national Ecophyto 2021-2022 et bénéficie d’un financement de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) pour une durée de 3 ans.
Présentation du projet
Les études sur les interactions entre les PNPP et les systèmes de défenses de la vigne suggèrent une signalisation précise au niveau moléculaire. Mais ces études sont conduites en milieu confiné et contrôlé, et de nombreuses questions se posent quant à la déclinaison de tels résultats dans la réalité du vignoble (1). De nombreux facteurs liés à la complexité du terrain, dont les conditions d’application de ces PNPP, suggèrent qu’il y a encore du chemin à parcourir entre une efficience des PNPP montrée en laboratoire, et la réalité en vignoble (2, 3, 4). Des études de plus en plus nombreuses s’intéressant au vignoble suggèrent que les pratiques viticoles ont une influence sur le microbiome de la vigne. Ce même microbiome influencerait les défenses de la vigne, ou/et l’aiderait à mieux résister aux stress abiotiques (5-9). L’ensemble de ces informations encourage donc à évaluer le rôle des PNPP dans la stimulation des défenses de la vigne, avec une intention de baisser les quantités de fongicides, dans la complexité d’un écosystème, et avec une vision holistique, prenant aussi en compte les pratiques.
Les pratiques viticoles conventionnelles, biologiques et biodynamiques, sont-elles égales face aux questions sur l’efficacité des PNPP ?
Un système agricole intensif a des caractéristiques microbiologiques et fonctionnelles des sols, des interactions sol-plantes, et des réponses des défenses de la vigne qui sont très différentes de ce qu’on observe en pratiques biologiques et biodynamiques (10-12). Pour la santé de la vigne, la comparaison de pratiques conventionnelles et biodynamiques montre qu’il y a une régulation des défenses de la vigne face aux stress abiotiques et biotiques très différente (13) et le système biologique semble peu différent du conventionnel. Les résultats sur la santé de la vigne sont similaires à ce qui est trouvé pour les sols (10). Ces données scientifiques nous encouragent donc à choisir le système de culture biodynamique pour étudier l’impact des PNPP, aussi parce que ce système fait largement appel à des PNPP, et ce depuis longtemps.
En rassemblant et mettant en valeur la complexité du terrain et des acteurs, nous pensons pouvoir valoriser les différences de raisonnement, comme mettre à jour les leviers externes influant sur les usages des pesticides. Il s’agira de produire des fiches de synthèse, co-écrites, et prenant en compte des données biologiques, agronomiques, mais aussi en sciences humaines, pour préciser et assurer une meilleure reproductibilité d’un système viticole reconçu faisant largement appel aux PNPP. Dans ce projet, les 3 communautés de pratiques viticoles seront associées (conventionnel, bio et biodynamie), à l’instar de ce qui a été réalisé depuis 2014 et a motivé les viticulteurs pour changer de pratiques (17-19). Il est également vraisemblable que le projet mette en évidence des besoins d’expérimentations de recherche situées, pour consolider certains savoirs d’expériences sur des PNPP, voire détecter des signaux faibles d’une innovation située.
Si la régulation des défenses de la vigne est si différente entre système conventionnel et système
biodynamique, combien de temps met celle-ci pour changer lorsque le viticulteur change de
pratiques ? Quand les PNPP deviennent-elles efficaces au point d’avoir un effet sur la santé des vignes
permettant une réduction des fongicides (ici, cuivre et soufre) ? A-t-on des connaissances en sciences
biologiques comme humaines sur cette phase de transition/reconception si difficile ?
Un des atouts du projet est que les collectifs sont en large partie déjà constitués et animés, mais un
travail de mobilisation plus large fera aussi partie du projet, pour participer aux plénières locales, et
pour s’engager dans l’usage de PNPP. Nous avons prévu d’être auprès des viticulteurs, à l’échelle
individuelle, mais aussi dans les moments collectifs, notamment parce que nos méthodes de conduite
de projet nécessiteront aussi un accompagnement pour les animateurs déjà existants. Avec eux, aux
termes du projet, nous reformulerons une fiche méthode d’animation de projets, permettant
d’appuyer leurs animations, au-delà du projet PNPP.
Recherche Action Participative
Lors des projets de Recherche Action Participative (RAP), les acteurs souvent en dissensus, élaborent des consensus sur des questions et participent, avec les chercheurs, à la production de résultats. A partir de ceux-ci, des ateliers participatifs permettent d’élaborer des énoncés consensus, qui sont ensuite légitimés sous forme de connaissance scientifique lors de leur publication (17). Chacune de ces étapes transforme les acteurs (20) et fait d’eux des diffuseurs de connaissances, mais aussi des porteurs qui mobilisent largement autour d’eux, jusqu’à fonder des groupes, à leur initiative pour mobiliser les viticulteurs pour des pratiques biologiques, HVE, etc… (17, 18). Une analyse de discours permettra de préciser les raisonnements associés à l’usage des PNPP et de mettre ces corpus de discours en perspective entre les différents groupes. Ainsi, en imaginant des leviers pour les ateliers de RAP, nous consoliderons les raisonnements et les rendrons plus résilients aux influences socioéconomiques qui altèrent trop souvent les savoirs d’expérience des viticulteurs (17).
Ici, cette méthode de RAP fera des acteurs des différents groupes des diffuseurs de savoirs précisés et explicités sur les PNPP, leurs usages, et en fera des porteurs à même de mobiliser d’autres viticulteurs pour l’utilisation de PNPP. Cette mobilisation sera suivie au cours du projet. A la différence des régimes de diffusion standard, les fiches agro-techniques ayant pris en compte un registre interdisciplinaire pour la mise en œuvre des pratiques, et ayant associé les viticulteurs dans leur création, donneront envie d’agir aux personnes nouvellement mobilisées.
Pour en savoir plus…
Télécharger la plaquette de présentation du projet.
Références
- Heloir MC, Adrian M, Brulé D, Claverie J, Cordelier S, Daire X, Dorey S, Gauthier A, Lemaître-Guillier C, Negrel J, Trdá L, Trouvelot S, Vandelle E, Poinssot B. Recognition of Elicitors in Grapevine: From MAMP and DAMP Perception to Induced Resistance. Front Plant Sci. 2019 Sep 18;10:1117. doi: 10.3389/fpls.2019.01117.
- Delaunois B, Farace G, Jeandet P, Clément C, Baillieul F, Dorey S, Cordelier S. Elicitors as alternative strategy to pesticides in grapevine? Current knowledge on their mode of action from controlled conditions to vineyard. Environ Sci Pollut Res Int. 2014 Apr;21(7):4837-46. doi: 10.1007/s11356-013-1841-4. Epub 2013 May 30. Review.
- Boubakri H, Wahab MA, Chong J, Bertsch C, Mliki A, Soustre-Gacougnolle I. Plant Physiol Biochem. 2012 Aug;57:120-33. Thiamine induced resistance to Plasmopara viticola in grapevine and elicited host-defense responses, including HR like-cell death. doi:10.1016/j.plaphy.2012.05.016. Epub 2012 May 24. PMID: 22698755.
- https://ecophytopic.fr/sites/default/files/2021-10/Fiche%20Pratique%20-%20Pr%C3%A9parations%20biodynamiques.pdf).
- Campisano A., L. Antonielli , M. Pancher , S. Yousaf , M. Pindo , I. Pertot , Bacterial endophytic communities in the grapevine depend on pest management. PLoS One 9 (2014) e112763. doi10.1371/journal.pone.0112763.
- Pinto C., D. Pinho, S. Sousa, M. Pinheiro, C. Egas, A. C. Gomes, Unravelling the diversity of grapevine microbiome. PLoS One. 9, (2014). doi10.1371/journal.pone.0085622. eCollection 2014; pmid:2445490 (2017). doi10.1111/pce.12913. Epub 2017 Ap
- Bokulish et al, 2014). Bokulich N.A., J. H. Thorngate, P. M. Richardson, D. A. Mills, Microbial biogeography of wine grapes is conditioned by cultivar, vintage, and climate. Proc. Natl. Acad. Sci. U S A. 111, 139-148 (2014). Doi 10.1073/pnas.1317377110; Epub 2013 Nov 25; pmid:24277822
- Finkel O.M., G. Castrillo, S. Herrera Paredes, I. Salas González, J. L. Dangl, Understanding and exploiting plant beneficial microbes. Curr. Opin. Plant Biol. 38, 155-163 (2017). doi 10.1016/j.pbi.2017.04.018. Epub 2017 Jun 1
- Rolli E., R. Marasco, G. Vigani, B. Ettoumi, F. Mapelli, M. L. Deangelis, C. Gandolfi, E. Casati, F. Previtali, R. Gerbino, F. Pierotti, S. Borin, C. Sorlini, G. Zocchi, D. Daffonchio, Improved plant resistance to drought is promoted by the root-associated microbiome as a water stress-dependent trait. Environ. Microbiol. 17, 316-331 (2015). doi10.1111/1462-2920.12439; Epub 20
- Karimi B., Cahurel J.-Y., Gontier L., Charlier L., Chovelon M., Mahe H., Ranjard L. (2020). A meta-analysis of the ecotoxicological impact of viticultural practices on soil biodiversity. Environ. Chem. Lett. 18:1947–1966.
- Karimi B, Dequiedt S, Terrat S, Jolivet C, Arrouays D, Wincker P, Cruaud C, Bispo A, Chemidlin Prévost-Bouré N, Ranjard L. Biogeography of Soil Bacterial Networks along a Gradient of Cropping Intensity. Sci Rep. 2019 Mar 7;9(1):3812. doi: 10.1038/s41598-019-40422-y. PMID: 30846759.
- Ranjard et al. Ecovitisol et Masson J.E, publications en cours de corédaction sur résultats acquis sur 150 parcelles de vigne.
- Soustre-Gacougnolle I, M. Lollier, C. Schmitt, M. Perrin, E. Buvens, J-F Lallemand, M. Mermet, C. Thibault-Carpentier, D. Dembelé, D. Steyer, C. Clayeux, A. Moneyron, J. E. Masson. Responses to climatic and pathogen threats differ in biodynamic and conventional vines. Nature Scientific Reports. 2018 Nov 15;8(1):16857. doi: 10.1038/s41598-018-35305-7.
- Fauteux F., F. Chain, F. Belzile, J. G. Menzies, R. R. Bélanger. The protective role of silicon in the Arabidopsis-powdery mildew pathosystem, Proc. Natl. Acad. Sci. U S A. 103, 17554-17559 (2006). Epub Nov 2. PMID:17082308
- Van Bockhaven, D. De Vleesschauwer, M. Höfte, Towards establishing broad-spectrum disease resistance in plants: silicon leads the way, J. Exp. Bot. 64, 1281-93 (2013). doi10.1093/jxb/ers329. Epub 2012 Dec 18. PMID:23255278
- Markovich O., E. Steiner, S. Kouřil, P. Tarkowski, A. Aharoni, R. Elbaum, Silicon promotes cytokinin biosynthesis and delays senescence in Arabidopsis and Sorghum, Plant Cell Environ. 40, 1189-1196
- Masson J.E., Isabelle Soustre-Gacougnolle, Mireille Perrin, Carine Schmitt, Mélanie Henaux, Caroline Jaugey, Emma Teillet, Marc Lollier, Jean-François Lallemand, Frederic Schermesser and GIEE Westhalten. Transdisciplinary participatory-action-research from questions to actionable knowledge for sustainable viticulture development. Humanities Soc Sci Commun 8, 24 (2021). https://doi.org/10.1057/s41599-020-00693-7
- Henaux M., J.E. Masson. Co-conception de pratiques viticoles agroécologiques par la recherche-action participative: Impacts de la méthode REPERE construite par le GIEE de Westhalten. [Rapport de recherche] INRAE. 2021, pp.18. https://hal.inrae.fr/ASIRPA/hal-03300564v1
- Moneyron A., LMC, Westhalten group, J-F. Lallemand, C. Schmitt, M. Perrin, I. Soustre-Gacougnolle, J. E. Masson. Linking the knowledge and reasoning of dissenting actors into a tetrahedral model fosters a bottom-up conception of agroecology in viticulture. Agronomy for Sustainable Development. 37-41. doi.org/10.1007/s13593-017-0449-3.
- Maxime Madouas, Melanie Henaux, Valentine Delrieu, Caroline Jaugey, Emma Teillet, Mireille Perrin, Carine Schmitt, Marc Oberheiden, Frederic Schermesser, Isabelle Soustre-Gacougnolle, Jean Eugène Masson. Participatory action research, a framework for reflexivity, decision-making and behavioural change for more environmentally friendly viticultural practices. En révison HSSC.