Résumé et extraits d’un article de Alain Morau et Hans-Peter Piepho publié dans la revue Chemical and Biological Technologies in Agriculture volume 7 (2020).
Titre original : Interactions between abiotic factors and the bioactivity of biodynamic horn manure on the growth of garden cress (Lepidium sativum L.) in a bioassay
Contexte
L’utilisation de biostimulants comme les substances humiques est une approche innovante et prometteuse en agriculture pour activer et soutenir les processus physiologiques des plantes. Le développement de tests biologiques spécifiques est nécessaire pour étudier leur bioactivité dans des conditions de laboratoire. Lors de recherches précédentes, un essai biologique hors sol avec des semis de cresson (Lepidium sativum L.) a été mis au point pour un biostimulant utilisé dans l’agriculture biodynamique, la préparation de bouse de corne (500), un fumier de vache fermenté et pulvérisé à faible concentration dans les champs. Les objectifs de la présente étude étaient d’affiner l’essai biologique en étudiant les interactions entre la bioactivité de la 500 et les facteurs d’essai (i) le volume d’eau, (ii) la gravistimulation et (iii) l’exposition à la lumière fluorescente.
Résultats
Les interactions entre les facteurs d’essai et le traitement à la 500 étaient significatives dans toutes les séries (p < 0,05, test F de Wald). Le surdosage en eau et le stress gravitationnel ont réduit la croissance des racines (jusqu’à – 24,2 % et – 19,9 %, respectivement, p < 0,0001, test de Tukey-Kramer). Le traitement au BDC a partiellement compensé ces effets en améliorant la croissance des racines par (i) un surdosage d’eau (jusqu’à + 4,3 %, p = 0,048, n = 4), et (ii) un stress gravitationnel (jusqu’à + 9,5 %, p = 0,0004, n = 8). (iii) En outre, pour les facteurs de stress combinés, l’exposition à la lumière fluorescente a renforcé l’effet stimulant de la 500 (jusqu’à + 12,3 %, p = 0,007, n = 6).
Conclusions
La bioactivité de la bouse de corne semble consister en un mode d’action compensatoire vis-à-vis des facteurs de stress que sont le surdosage en eau et la gravistimulation, et en une interaction synergétique avec l’exposition à la lumière fluorescente. La 500 semble interagir avec les systèmes sensoriels de la plante, stimulant probablement l’adaptabilité de la plante à son environnement en augmentant les processus d’autorégulation. La sensibilité des essais biologiques a été augmentée avec succès en intégrant ces interactions dans le dispositif expérimental et en ajustant l’environnement de croissance. Cette approche peut être utilisée pour ajuster le test biologique à d’autres biostimulants.
Hypothèse sur la bioactivité de la 500
Malgré la complexité des trois systèmes sensoriels et de leurs interactions, on peut se concentrer sur le rôle de l’auxine qui est impliquée dans le gravitropisme, le phototropisme et la saturation en eau. En évaluant l’interaction entre la 500 et ces facteurs environnementaux, les résultats actuels soulèvent la question de savoir si la 500 est liée à l’auxine. Certaines études ont examiné cette relation. Giannattasio et al. (2013) ont rapporté une activité de type auxine à une concentration de 1 g/l de 500 qui était plus élevée que dans la présente étude. Radha et Rao (2014) ont signalé la présence de souches bactériennes productrices d’auxine dans la 500. Cependant, Botelho et al. (2015) n’ont pas détecté d’acide indole-3-acétique (IAA = auxine) dans la 500.
Cependant, les recherches sur les substances humiques (SH) ont montré que l’activité de l’auxine n’est pas toujours corrélée à la présence d’auxine. L’activité de type auxine de la SH a été corroborée par l’effet stimulant de la SH sur la formation de racines latérales. Trevisan et ses collaborateurs (2010) ont établi que cet effet de la SH est induit par la transcription du gène sensible à l’auxine. L’activité auxinique n’a pas toujours été en corrélation avec la petite quantité d’auxine détectée dans la SH, mais semble également être liée à la présence de composés qui pourraient stimuler le métabolisme endogène de l’auxine chez les plantes. En effet, les effets de la SH sur les plantes sont complexes, impliquant des processus non linéaires et interconnectés, et ils peuvent présenter des activités similaires à celles de l’auxine, de la gibbérelline et de la cytokinine [Canellas et al. (2014), Nardi et al. (2106)]. Les relations entre la structure et la bioactivité des SH sont à peine élucidées en raison du manque de connaissances détaillées sur sa composition. Cependant, seules les particules de faible poids moléculaire ayant une forte teneur en groupes aromatiques, carboxyliques et phénoliques semblent induire des changements morphologiques similaires à ceux provoqués par l’auxine (Nardi et al, 2002). Il est intéressant de noter que Spaccini et al (2012) ont détecté la présence de ces groupes moléculaires dans la 500 en établissant une forte teneur en dérivés aromatiques de la lignine et en groupes carboxyles dans les acides aliphatiques d’origine végétale et microbienne. Les auteurs ont suggéré que la 500 pourraient être plus biolabile dans le sol et plus bioactive pour la croissance des plantes que le compost ordinaire ayant subi une fermentation aérobie complète.
En effet, les processus de décomposition et de fermentation qui conduisent à la formation de la 500 peuvent influencer très spécifiquement leur bioactivité (Nardi et al, 2002). Par exemple, les sols forestiers peuvent être mieux différenciés par leur bioactivité que par les paramètres chimiques du sol (Pizzeghello et al, 2001). Cela souligne l’importance de la maturation spécifique de la 500 qui se produit en profondeur en hiver dans des cornes des vaches. Elle se caractérise par sa lenteur, ses conditions anaérobies et ses petites quantités. Ces conditions pourraient expliquer le développement de la bioactivité spécifique décrite dans les présents résultats.