Évolution des sols après 42 ans au sein de l’essai DOC

Résumé d’un article de Hans-Martin Krause, Bernhard Stehle, Jochen Mayer et al. paru en décembre 2022 dans la revue Agronomy for Sustainable Development  42, Article number: 117 (2022). https://doi.org/10.1007/s13593-022-00843-y

Titre original : Biological soil quality and soil organic carbon change in biodynamic, organic, and conventional farming systems after 42 years.

Résumé

Les sols sont à la base de la vie sur terre et la façon dont nous les utilisons pour la production agricole a un impact sur leur rôle, leurs fonctions et leur qualité. L’agriculture conventionnelle utilise des intrants industriels, à un niveau justifié par des raisons économiques, tandis que les systèmes d’agriculture biologique évitent les engrais minéraux et les pesticides chimiques de synthèse. Cette étude porte sur l’effet à long terme des systèmes d’agriculture biologique et conventionnelle sur la qualité des sols. L’essai DOC (bioDynamique, bioOrganique, Conventionnel), en cours depuis 1978 à Therwil (Suisse), compare les systèmes agricoles biologiques (BIOORG), biodynamiques (BIODYN) et conventionnels (CONFYM), respectivement à deux niveaux de fumure différents, correspondants à 0,7 et 1,4 unité de gros bétail par hectare avec :  

  • Un système de fertilisation minérale pure (CONMIN)
  • Un contrôle non fertilisé (NOFERT).

Les traitements de l’essai DOC varient en termes de protection des plantes et les systèmes reçoivent des apports de matière organique différents en termes de quantité et qualité. Dans le cadre de ce travail, nous revisitons la dynamique du carbone organique dans le sol (COS) sur une période de 42 ans et rectifions l’observation précédente d’un déclin des taux de carbone organique dans le sol après 21 ans de cultures biologique et conventionnelle (Fliessbach et al. 2007). Après 42 années, nous avons constaté que les teneurs en COS ont augmenté dans BIODYN 1.4 et, dans une moindre mesure, dans BIOORG 1.4. CONFYM 1.4 a montré des teneurs stables en COS, tandis que les systèmes fertilisés avec du fumier de 0,7 UGB et CONMIN ont perdu du COS. La perte de COS était la plus importante dans le système NOFERT. L’amélioration de la qualité biologique du sol dans le cadre de la culture biologique, et surtout biodynamique, met en évidence le lien étroit entre la vie du sol et les changements de teneur en carbone organique. L’impact des systèmes agricoles sur le COS était détectable après deux décennies de production continue. Nous concluons que l’utilisation du fumier à un niveau de 1,4 UGB/ha permet de maintenir les niveaux de COS et que le compostage du fumier, tel qu’il est effectué dans BIODYN 1.4, contribue à améliorer les niveaux de COS et la qualité biologique du sol.

Introduction

[…] Maintenant que la société se préoccupe de l’impact environnemental des systèmes de production alimentaire, les parts de marché des produits agricoles biologiques augmentent à l’échelle mondiale (Willer et al. 2021), en dépit de rendements inférieurs de 5 à 34 % dans les systèmes biologiques par rapport aux systèmes conventionnels (Seufert et al. 2012). […]

La qualité du sol joue un rôle essentiel dans la fourniture de services écosystémiques, par exemple en régulant les cycles des nutriments et de l’eau et en fournissant un habitat à la biodiversité du sol (Adhikari et Hartemink 2016 ; Greiner et al. 2017). Pourtant, en raison de la complexité et de la longueur des processus pédologiques, les changements de la qualité des sols sont souvent négligés dans les opérations agricoles quotidiennes et encore plus dans les décisions politiques (Adhikari et Hartemink 2016). S’il est par nature difficile de définir un indice universel de qualité des sols, le carbone organique du sol (COS) est l’indicateur de qualité des sols le plus important (Milne et al. 2015), suivi du pHet du phosphore disponible (Bünemann et al. 2018).

La teneur en COS, résultant de l’interaction entre les producteurs primaires, les décomposeurs et la minéralogie du sol (Lehmann et Kleber 2015), a un impact direct et indirect sur les propriétés biologiques, chimiques et physiques du sol (Lal 2016). L’augmentation de la teneur en COS peut compenser en partie les émissions anthropiques de CO2 (Minasny et al. 2017 ; VandenBygaart 2018 ; de Vries 2018). Cependant, au cours de l’histoire de l’agriculture, les teneurs en COS ont le plus souvent été appauvries plutôt que reconstituées (Sanderman et al. 2017). Aujourd’hui, avec l’intensification de l’agriculture, les teneurs en COS diminuent encore (Keel et al. 2019). […] De plus, les pertes de COS pourraient augmenter dans les prochaines décennies en raison du réchauffement climatique qui déclenche une minéralisation accrue du COS dans les sols agricoles. Wiesmeier et al. (2016) ont postulé un besoin croissant de matières organiques dans les sols agricoles afin de stabiliser les réserves de COS dans les sols d’Europe centrale. Par conséquent, il y a un besoin urgent de pratiques agricoles pour contrecarrer les pertes de COS et créer du COS additionnel.

[…] Bien que la stabilisation de la matière organique du sol repose sur l’activité biologique du sol (Lehmann et Kleber 2015), des études récentes montrent que les indicateurs biologiques de la qualité du sol sont encore sous-représentés dans la littérature scientifique des dernières décennies par rapport aux indicateurs chimiques ou physiques (Bünemann et al. 2018 ; Lehmann et al. 2020). […] Le carbone et l’azote de la biomasse microbienne (Cmic et Nmic) figurent parmi les indicateurs biologiques de la qualité du sol les plus utilisés (Bünemann et al. 2018 ; Jenkinson et al. 2004 ; Anderson et Domsch 2010). La respiration basale, un autre indicateur biologique de qualité des sols fréquemment mesuré, est définie comme le taux régulier de respiration provenant de la minéralisation de la matière organique (Pell et al. 2005). Le rapport entre la respiration du sol et le Cmic permet d’obtenir le quotient métabolique (qCO2), qui caractérise l’efficacité métabolique d’une communauté microbienne d’un sol donné (Anderson et Domsch 1993). L’activité des enzymes phosphatases contrôle les voies biotiques du phosphore qui jouent un rôle crucial dans la croissance des plantes (Caldwell 2005). Le pH du sol représente un indicateur de qualité du sol d’une importance clé pour juger de la diversité des communautés bactériennes du sol alors que la composition des communautés fongiques semble être moins fortement affectée par le pH (Lauber et al. 2009 ; Rousk et al. 2010).

Bien qu’il ait été démontré à maintes reprises que les systèmes d’agriculture biologique améliorent la qualité des sols par rapport aux systèmes conventionnels (Mäder et al. 2002 ; Lori et al. 2017), les changements et les différences dans les teneurs en COS font souvent l’objet de discussions controversées (Leifeld et Fuhrer 2010 ; Kirchmann et al. 2008). Une méta-analyse récente (Gattinger et al. 2012) a mis en évidence une augmentation de la teneur en carbone organique du sol en culture biologique par rapport à la culture conventionnelle. Toutefois, la surveillance de la teneur en COS pendant 21 ans dans le cadre de l’essai comparatif de systèmes agricoles le plus ancien au monde, l’essai DOC, situé dans le climat tempéré du nord-ouest de la Suisse (Therwil), a révélé une diminution ou, au mieux, une stabilité de la teneur en COS dans les systèmes biologiques et conventionnels (Fliessbach et coll., 2007). L’intérêt actuel pour l’évolution du COS, l’archivage d’un grand nombre d’échantillons, les progrès de la méthodologie du COS et 21 autres années de gestion appellent à une nouvelle évaluation de la dynamique du carbone organique du sol après 42 ans de gestion biologique et conventionnelle.

Par conséquent, dans cette étude, nous présentons une chronologie des teneurs en COS dans les huit systèmes agricoles mis en œuvre dans l’essai comparatif DOC (bioDynamique, bioOrganique, Conventionnel), sur six périodes de 7 ans de rotation de cultures, et nous examinons nos résultats à la lumière des observations précédentes et d’approches méthodologiques pour le suivi des teneurs en COS. Nous avons cherché à répondre aux questions de recherche suivantes: (a) combien de temps faut-il pour confirmer les changements dans le COS, et (b) quel système agricole assure la stabilisation ou l’augmentation du COS ? En outre, nous émettons l’hypothèse qu’un changement à long terme de la teneur en COS est indiqué et induit par une amélioration de la qualité biologique du sol. Enfin, nous étudions les mécanismes possibles de l’effet des systèmes agricoles sur la biologie du sol et les changements de COS.

Matériel et méthodes

Cette étude se fonde sur l’analyse à long terme des changements de COS dans des échantillons de sol archivés et sur l’analyse d’indicateurs de qualité du sol principalement biologiques fin […] 2019.

L’essai DOC, mis en place en 1978, est situé près de Therwil (47° 30.16′N, 7° 32.35′E) dans les environs de Bâle (Suisse). Il est géré par l’institut de recherche suisse, Centre of Excellence for Agricultural Research (Agroscope, Reckenholz), et Research Institute of Organic Agriculture (FiBL, Frick). Des groupes d’agriculteurs consultatifs ont été constitués pour chaque système d’exploitation afin d’étayer ce projet. Le sol est un luvisol haplique sur des dépôts profonds de lœss alluvial à l’extrémité sud de la vallée du Rhin supérieur. Il contient en moyenne 12% de sable, 72% de limon et 16% d’argile (Leifeld et al. 2009). Le climat est relativement sec et doux avec des précipitations moyennes de 840 mm par an. Une température annuelle moyenne sur 30 ans de 9,7 °C a été relevée au début de l’essai sur le terrain ; elle a grimpé à 10,9 °C depuis cette date (Meteoblue 2022).

Tableau 1 : Détails de la gestion des systèmes agricoles dans l’essai DOC

[…] L’essai DOC suit une méthode de comparaison de systèmes dans laquelle les cultures diffèrent principalement par leurs stratégies de fertilisation et de protection des plantes (tableau 1). Avec huit méthodes agricoles, on obtient un total de 96 parcelles expérimentales d’une taille de 5 × 20 m chacune (Fig. 1). Dans tous les systèmes de culture, la même rotation de cultures est pratiquée sur 7 ans, avec deux années de trèfle et une culture dérobée avant les plantations d’été. Les cinq espèces principales sont le trèfle, le maïs, le blé, la pomme de terre et le soja.

Figure 1 : Configuration de l’essai DOC avec orientation spatiale des blocs, des colonnes, des rangées et des sous-parcelles. Chaque année, trois cultures sont cultivées dans chaque sous-parcelles A, B et C. N, NOFERT, non fertilisé ; D, BIODYN, biodynamique ; O, BIOORG, biologique ; K, CONFYM, conventionnel avec engrais de ferme ; et M, CONMIN, conventionnel avec fertilisation purement minérale. Fertilisation organique : 0,7 et 1,4 correspondent à une fertilisation organique à 0,7 et 1,4 UGB/ha.

Résultats et discussions

Suivi des variations de la teneur en carbone organique du sol dans l’essai DOC

Entre la 2e et la 6e période de rotation de cultures, BIODYN 1.4 a présenté la plus forte augmentation annuelle moyenne de la teneur en COS, à un taux de 35,8 mg/kg/an.

La teneur en COS de BIOORG 1.4 a légèrement augmenté, tandis que celle de CONFYM 1.4 est restée constante (tableau 4).

Dans CONMIN et BIODYN 0.7, des pertes annuelles moyennes de COS similaires de -27,8 mg/kg/an et -27,5 mg/kg/an ont été observées, suivies par des pertes encore plus élevées dans BIOORG 0.7 et CONFYM 0.7.

NOFERT a présenté la plus forte perte annuelle de -91,7 mg/kg/an. En 1986, 8 ans après le début de l’expérience, la première différence significative sur le plan statistique entre les systèmes agricoles est apparue lorsque la teneur en COS de BIODYN 1.4 a dépassé de 1,8 g kg-1 celle des deux systèmes sans fertilisation organique (NOFERT et CONMIN).

Vingt-deux ans après le début de l’expérimentation, la différence de COS est devenue notable entre BIODYN 1.4 et CONFYM 1.4 à la même intensité de fertilisation.

Nous n’avons jamais trouvé de différences notables entre les teneurs en COS du BIOORG et du CONFYM à 1,4 UGB ou entre les différents systèmes agricoles à 0,7 UGB.

Nous n’avons jamais trouvé de différences notables entre les teneurs en COS du BIOORG et du CONFYM à 1,4 UGB ou entre les différents systèmes agricoles à 0,7 UGB.

Tableau 4 : pH du sol, teneur en carbone organique du sol ( COS ) et en azote total (Ntot) au printemps 2019, après 42 ans d’agriculture biologique et conventionnelle. Variations annuelles moyennes des teneurs en carbone organique du sol de la 2e à la 6e période de rotation des cultures. Les données indiquent les moyennes des moins bons carrés (n = 12), les erreurs standard et les différentes lettres dans une colonne indiquent une différence significative du test post-hoc de Tukey à p = 0,05. Les traitements sont classés de la plus faible à la plus forte intensité de fertilisation. NOFERT, non fertilisé ; BIODYN, biodynamique ; BIOORG, biologique ; CONFYM, conventionnel avec fumier de ferme ; et CONMIN, conventionnel avec fertilisation purement minérale. Fertilisation organique : 0,7 et 1,4 correspondent à une fertilisation organique à 0,7 et 1,4 UGB/ha.

Dans une étude précédente, Fliessbach et al. (2007) ont présenté l’évolution de la teneur en COS dans l’essai DOC entre 1977 et 1998 et ont observé que BIODYN 1.4 était le seul système avec des teneurs en COS stables, alors que tous les autres systèmes de culture perdaient du COS. Les analyses précédentes étaient étroitement corrélées (r2 = 0,88) à celles présentées ici, malgré des différences méthodologiques (oxydation humide vs analyse des éléments). De plus, les différences entre les systèmes de culture étaient similaires à celles trouvées dans la présente étude. Cependant, Fliessbach et al. (2007) ont inclus des échantillons mixtes provenant de 16 blocs (Fig. 1) prélevés avant qu’un mélange homogène de graminées, trèfle et avoine ne soit semé en mai 1977. L’inclusion de ces échantillons pourrait avoir capté une diminution initiale du COS due au changement de gestion des terres, en plus du motif d’échantillonnage différent. Étant donné que les teneurs en COS de ces échantillons sont hors norme par rapport aux mesures poursuivies jusqu’en 2018, nous réfutons l’affirmation de Fliessbach et al. (2007) selon laquelle les teneurs en COS sont en baisse ou au mieux stables, ce qui est justifié à la lumière des teneurs en COS stables dans CONFYM 1.4 et des teneurs en COS en hausse dans BIOORG 1.4 et surtout BIODYN 1.4 après 42 ans.

[…] L’évolution à venir des teneurs en COS dans l’essai DOC n’est pas évidente à prévoir. Les changements annuels moyens du COS indiqués dans le tableau 4 se réfèrent aux observations passées. L’extrapolation de ces tendances négligerait les éventuels seuils de saturation (Stewart et al. 2007) ou la minéralisation accrue du COS due à la hausse des températures (Wiesmeier et al., 2016).

Effet des systèmes de culture sur les teneurs en COS

À l’instar de notre étude, une expérience de terrain de long terme menée à l’Institut Rodale (PA, États-Unis) a révélé des niveaux de COS plus élevés dans le cadre d’une culture biologique par rapport à un système agricole à base d’engrais minéraux (Drinkwater et al. 1998 ; Pimentel et al. 2005). Des expériences de long terme à Rothamsted (UK) démontrent également les effets positifs sur la qualité du sol de l’application de quantités importantes de fumier chaque année, par l’augmentation des stocks de COS sur plus de 150 ans (Johnston et Poulton 2018). La gestion de la matière organique a été présentée à plusieurs reprises comme le principal moteur des changements de la teneur en COS entre les systèmes de culture (Johnston et Poulton 2018 ; Ludwig et al. 2011 ; Heitkamp et al. 2009). Nos résultats confirment essentiellement ces observations, car à une intensité de fertilisation de 0,7 UGB, on observe une perte de carbone régulière alors que les teneurs en COS restent stables ou augmentent avec 1,4 UGB. Cependant, l’augmentation de la concentration en COS dans BIODYN 1.4 a été obtenue avec un apport de matière organique totale inférieur de 20 % à celui de CONFYM 1.4. La concentration en COS de BIOORG 1.4 a également légèrement augmenté avec un apport de matière organique inférieur de 15 % à celui de CONFYM 1.4. Les différences en matière d’apport de matière organique entre les systèmes de culture s’expliquent par les pertes au cours du stockage et du compostage propres à chaque système de culture. Ces pertes augmentent avec la durée de compostage et l’aération : de CONFYM < BIOORG < BIODYN. Cela indique que l’hypothèse selon laquelle des apports plus importants de matières organiques sont la raison principale d’une augmentation de la teneur en COS en culture biologique par rapport à la culture conventionnelle, doit être affinée en tenant compte de la qualité des amendements organiques et de la qualité biologique du sol (Leifeld et Fuhrer 2010 ; Autret et al. 2016). Les pratiques de fertilisation dans les systèmes de culture biologique impliquent souvent des applications de fumier moins importantes et plus fréquentes que dans les systèmes conventionnels, ce qui pourrait également influencer la dynamique du carbone du sol et les processus de transformation microbienne du sol.

[…] Outre la fertilisation, le carbone pénètre dans les sols cultivés par les résidus de récoltes, les racines et la rhizodéposition. En moyenne, entre la 2e et la 6e période de rotation, et pour les cinq principales plantes cultivées (maïs, blé, soja, pomme de terre et trèfle) : NOFERT a atteint environ 44 %, BIODYN 0.7 72 %, BIOORG 0.7 75 %, CONFYM 0.7 89 %, BIODYN 1.4 82 %, BIOORG 1.4 84 % et CONMIN 97 % des rendements obtenus dans CONFYM 1.4. Ces résultats démontrent que les systèmes conventionnels génèrent un apport en carbone plus important grâce aux résidus de culture. Pourtant, Kätterer et al. (2011) affirment que le carbone provenant de la rhizodéposition et des racines est plus susceptible de contribuer aux teneurs en COS que le carbone provenant de la biomasse aérienne.

Indicateurs de la qualité du sol après 42 ans de culture biologique et conventionnelle

[…] Les effets positifs des pratiques agricoles biologiques et biodynamiques sur la qualité biologique des sols ont été constatés lors d’essais de comparaison de systèmes fondés sur le concept de la biomasse microbienne et de l’activité enzymatique du sol (Gunapala et Scow 1998 ; Fliessbach et al. 2007 ; Heitkamp et al. 2011 ; Heinze et al. 2009). Une méta-analyse internationale (Lori et al. 2017), constate une activité de la protéase supérieure de 84 % dans le cadre de la culture biologique des sols. Une autre méta-analyse internationale a révélé que les sols biodynamiques présentaient une qualité biologique supérieure à celle des sols biologiques en ce qui concerne 43 % des indicateurs étudiés (Christel et al. 2021). Ces résultats sont corroborés par la phosphatase alcaline dont l’activité la plus élevée de l’essai DOC a été observée dans le BIODYN 1.4.

Dans BIODYN 0.7, BIOORG 1.4 et CONFYM 1.4, cette activité était au même niveau et supérieure à celle de CONMIN, BIOORG 0.7 et CONFYM 0.7. La plus faible intensité de l’activité phosphatase a été observée dans NOFERT (tableau 6).

La classification des composantes principales permet de visualiser la capacité des indicateurs de qualité biologique des sols à distinguer les systèmes agricoles le long du gradient entre BIODYN 1.4 et NOFERT (Fig. 3). Alors que le témoin sans fertilisation présentait la plus faible qualité de sol, le rôle remarquable des deux systèmes biodynamiques est particulièrement intéressant, puisque pour chaque niveau d’intensité, ils présentent les meilleurs résultats pour la qualité biologique du sol et l’accumulation de COS. En particulier, la qualité biologique du sol de BIODYN 0.7 était similaire à celle de CONFYM 1.4 (tableau6).

Figure 3 : Analyse en composantes principales (ACP) des indicateurs de qualité du sol des tableaux 4, 5 et 6. NOFERT, non fertilisé ; BIODYN, biodynamique ; BIOORG, biologique ; CONFYM, conventionnel avec engrais de ferme ; et CONMIN, conventionnel avec fertilisation purement minérale. Fertilisation organique : 0,7 et 1,4 correspondent à une fertilisation organique à 0,7 et 1,4 UGB/ha. Les grands symboles représentent les moyennes par traitement, tandis que les petits symboles montrent les observations individuelles de chaque parcelle expérimentale (n = 12). Les flèches représentent les charges factorielles des composantes principales de rotation des indicateurs individuels de qualité du sol. La PC2 est déterminée par la respiration basale du sol et la variation du COS, tandis que tous les autres indicateurs sont plus étroitement liés à la PC1.

L’approche comparative des systèmes de production mise en œuvre dans l’essai DOC ne permet pas d’évaluer les effets des pratiques spécifiques de l’agriculture biodynamique telles que les longues périodes de compostage en aérobie, l’utilisation de préparations biodynamiques ou les mesures de protection des plantes. Certaines des questions ouvertes sont ainsi devenues des sujets d’expériences inspirées par les résultats et les discussions de l’essai DOC. Berner et al. (2008) ont mis en place un essai sur la réduction du labour, la gestion du fumier et les préparations biodynamiques. Dans ce cas, les préparations biodynamiques n’ont jamais eu d’effets significatifs sur la qualité du sol (Krauss et al. 2020). Par conséquent, nous supposons qu’une amélioration de la qualité des apports organiques après un long compostage du fumier dans des conditions aérobiques est le principal facteur d’amélioration de la qualité du sol et d’augmentation des teneurs en COS dans les systèmes BIODYN.

Les taux de respiration basale renseignent sur l’activité microbienne du sol et sur sa capacité à minéraliser la matière organique. Ces taux étaient les plus élevés dans le système BIODYN 1.4 et les plus bas dans le système NOFERT (tableau 6), tandis que les sols de tous les autres systèmes agricoles présentaient des caractéristiques similaires à cet égard. […]

Tableau 6. Effets des systèmes agricoles sur les activités enzymatiques microbiennes au printemps 2019, après 42 ans d’agriculture biologique et conventionnelle. Les données indiquent les moyennes des plus petits carrés (n = 12), les erreurs standard et les différentes lettres dans une colonne indiquent une différence significative du test post-hoc de Tukey à p = 0,05. Les traitements sont classés de la plus faible à la plus forte intensité de fertilisation. NOFERT, non fertilisé ; BIODYN, biodynamique ; BIOORG, biologique ; CONFYM, conventionnel avec fumier de ferme ; et CONMIN, conventionnel avec fertilisation purement minérale. Fertilisation organique : 0,7 et 1,4 correspondent à une fertilisation organique à 0,7 et 1,4 UGB/ha.

Le rôle de la population microbienne du sol en ce qui concerne la minéralisation de la matière organique est important du point de vue agronomique puisque leur polyvalence catabolique entraîne des processus de réutilisation des nutriments dans les sols. Cela concerne particulièrement les systèmes d’agriculture biologique, où les éléments fertilisants facilement disponibles ne peuvent pas être employés directement pour favoriser la croissance des cultures. Il est intéressant de noter que dans l’essai DOC, la respiration basale du sol et les estimations des taux annuels de changement du COS à partir de la tendance à long terme sur 42 ans étaient corrélées (r2 = 0,25 ; p < 0,001). Dans la l’analyse multivariée, ils sont orientés selon la même tendance […]. Alors qu’une respiration accrue du sol et une augmentation des teneurs en COS peuvent sembler contradictoires à première vue, il faut souligner que la stabilisation à long terme de la matière organique du sol dépend de la circulation du carbone par les micro-organismes et du transfert du carbone non respiré dans des réservoirs de carbone particulaire ou lié aux minéraux (Lehmann et Kleber 2015). Par conséquent, la capacité des microorganismes du sol à minéraliser les sources de carbone organique peut être considérée comme un indicateur préalable et précoce de l’augmentation ultérieure des teneurs en COS. Une autre explication peut être trouvée dans le quotient métabolique (qCO2) plus faible dans BIODYN 1.4 et BIOORG 1.4 par rapport à NOFERT et CONMIN. Cela indique que les micro-organismes du sol dans ces systèmes ont besoin de moins d’énergie pour maintenir leur métabolisme, ce qui leur permet de se concentrer sur la production de biomasse plutôt que sur l’entretien de leur organisme (tableau 6). […] La biomasse microbienne du sol et d’autres indicateurs biologiques sont considérés comme des indicateurs précoces de l’évolution du COS, mais dans les conditions de l’essai DOC, il est simplement apparu que la microbiologie du sol dans les systèmes agricoles évoluait au même rythme que le COS. Le fait que la qualité biologique des sols diffère entre les systèmes agricoles mis en œuvre à des taux de fertilisation similaires souligne que non seulement les taux d’amendement mais aussi leur qualité et la biologie des sols doivent être pris en compte dans les décisions de gestion agricole pour maintenir la qualité des sols à long terme.

Conclusion

Dans cette étude, nous avons montré que les systèmes agricoles mixtes avec des densités d’élevage de 1,4 UGB/ha maintiennent les teneurs en COS, tandis que la fertilisation minérale pure ou la fertilisation organique à 0,7 UGB/ha entraînent une baisse des teneurs en COS. Cela montre les effets bénéfiques sur la qualité du sol lorsque l’élevage est couplé à des systèmes de cultures arables. Il a fallu attendre plus de vingt ans pour que les pratiques de culture biologique se traduisent par une augmentation de la teneur en COS par rapport aux systèmes agricoles conventionnels, à intensité de fertilisation égale. L’augmentation des teneurs en COS est possible pour les systèmes d’agriculture biologique, mais c’est un processus lent qui est intimement lié à la qualité biologique du sol et à la qualité des intrants. En particulier, une respiration basale élevée apparaît décisive pour augmenter les teneurs en COS au fil du temps. Par conséquent, le maintien de la qualité du sol à long terme repose sur un recyclage élaboré de la matière organique et sur des décisions de gestion qui tiennent compte de la qualité biologique du sol, comme le fait de composter le fumier avant de l’épandre dans les champs.

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