Recherche-Action-Participative : la biodynamie favorise les défenses naturelles des vignes contre les agressions du climat et des maladies

Résumé et conclusion d’un article de Jean Masson et ses collègues de l’INRAE de Colmar, publié en 2018 dans la revue Scientific Reports.

Titre original : Responses to climatic and pathogen threats differ in biodynamic and conventional vines.

Diversité des pratiques et dissensus sur l’effet de la biodynamie

A l’échelle mondiale, la vigne est cultivée sur 8 millions d’hectares, avec 90% des surfaces en viticulture conventionnelle, 9% en viticulture biologique et 1% en biodynamie. Aux contraintes liées aux vives critiques de la société concernant les impacts de la viticulture sur la santé de l’homme et de l’environnement se sont rajoutées les contraintes dues aux dérèglements climatiques. C’est un ensemble complexe de contraintes qui amplifie les dissensus entre communautés d’acteurs, et du coup fige cette situation, notamment avec une critique forte à l’encontre de la biodynamie. Pourtant, de nombreux domaines viticoles en Biodynamie de Californie, d’Afrique du Sud ou de France sont des réussites économiques et argumentent d’un faible impact environnemental de leurs pratiques. Des études scientifiques ont comparé l’influence des différentes pratiques viticoles au niveau économique, au niveau de la structure des sols et de la biodiversité s’y développant, au niveau des rendements ainsi que de la qualité des raisins ou des vins. Pourtant, ni les résultats scientifiques ni les réussites de domaines viticoles n’ont réussi à apaiser les controverses à l’encontre de la biodynamie, comme celles à l’encontre des principes de l’anthroposophie sur lesquels elle repose.

Recherche-action-participative : construire un consensus

Face à ces contraintes multiples, nous avons conduit une recherche-action-participative impliquant l’ensemble des acteurs concernés. Les ateliers ont clairement mis en évidence les dissensus entre les viticulteurs en pratiques biodynamique et conventionnelle, mais également ceux entre Alsace Nature/France Nature Environnement et les conseillers techniques de la filière, ainsi que les chercheurs. Nous avons montré que ces dissensus reposaient sur des registres de preuves différents, spécifiques à chaque acteur, et révélaient des conflits épistémiques. En s’appuyant sur une épistémologie collective, le groupe a atteint un consensus sur le fait que la biodynamie annonce que ses pratiques stimulent les défenses naturelles de la vigne sans pouvoir s’appuyer sur des faits scientifiques. Pour la viticulture conventionnelle, alors que les pratiques contrôlent le développement de maladies fongiques, nous ne connaissons pas vraiment leurs effets sur les défenses naturelles de la vigne. Nous avons ainsi, pas à pas, précisé les dissensus et construit ensemble un consensus sur les questions qu’il fallait aborder, pour comparer les pratiques conventionnelles et biodynamiques en viticulture.

Les défenses naturelles de la vigne plus élevées en biodynamie

L’ensemble des acteurs ont contribué à caractériser les sols, les pratiques viticoles, la physiologie de la vigne, le niveau d’infection par le mildiou et l’oïdium ainsi que par 5 virus majeurs de la vigne. Pour ce qui concerne les défenses de la vigne, la teneur en métabolites secondaires ainsi que le niveau d’expression de 30 gènes d’immunité et de silencing ont été étudiés pendant 4 années sur 14 parcelles de Pinot noir, sur une surface de 30 hectares. L’étude montre qu’il y a une diversité de pratiques au sein des viticulteurs en conventionnel, comme en biodynamie. L’amplitude des réponses des systèmes de défenses, est quant à elle, plus élevée dans les vignes cultivées en biodynamie, que ce soit face au stress liés au dérèglement climatique, au changement de saisons, ou aux attaques de maladies fongiques. Les niveaux d’expression de gènes d’immunité et de silencing sont plus élevés, tout comme les teneurs en métabolites secondaires. Ces résultats suggèrent que la durabilité des pratiques biodynamiques repose sur des régulations moléculaires fines, distinctes de celles observées en viticulture conventionnelle.

Conclusion

Nous montrons ici qu’une recherche action-participative associant sciences humaines et sciences biologiques peut contribuer à résoudre les dissensus entre acteurs, en les amenant à les retranscrire en questions, en apprenant comment les résoudre, en élaborant ensemble des conclusions consensus, à partir des données produites et, enfin, en contribuant tous à l’écriture scientifique et à la définition du cycle de questions à venir. Celles-ci ont mobilisé de nouveaux viticulteurs en Alsace, et bientôt en Suisse dans le cadre d’un projet Inter-reg. D’ores et déjà, le partage de ces connaissances, au sein d’une communauté de pratiques, comme entre elles, devrait aider au développement d’une viticulture mieux-disante au niveau environnemental.