Synthèse des recherches scientifiques sur l’agriculture biodynamique

Traduction complète d’un article de Margherita Santoni et al. paru en juin 2022 dans la revue Organic Agriculture volume 12, pages 373–396.

Titre original : A review of scientific research on biodynamic agriculture.

Résumé

L’agriculture biodynamique (agriculture BD) a été présentée comme une forme d’agriculture alternative par le philosophe Rudolf Steiner et est aujourd’hui considérée comme l’une des formes de l’agriculture biologique. L’objectif de cet article est de faire une revue critique de la littérature scientifique internationale sur l’agriculture biodynamique publiée dans des revues de haut niveau afin d’en évaluer la performance. Cette analyse se base sur une étude documentaire structurée des journaux évalués par des pairs et indexés sur la base de données Web of Science™ (WoS) Core Collection, sur la période allant de 1985 à 2018. Nous avons trouvé 147 publications de travaux dans des revues ayant un facteur d’impact. Parmi celles-ci, 93 portaient sur les pratiques agricoles biodynamiques, 26 sur la durabilité de la méthode biodynamique et 28 sur la qualité alimentaire des produits biodynamiques. Les résultats de l’analyse documentaire ont montré que la méthode biodynamique améliore la qualité des sols et la biodiversité. En revanche, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour approfondir les connaissances sur les aspects de durabilité socio-économique et de qualité alimentaire des produits biodynamiques. Un sujet de recherche particulièrement prometteur consiste à évaluer l’activité microbienne et le potentiel des microbiomes dans les fermes BD pour améliorer la fertilité des sols et la santé humaine selon l’approche dite « One Health ». En outre, il est essentiel que ces sujets soient étudiés selon une approche systémique. Nous concluons que l’agriculture BD pourrait être bénéfique pour l’environnement et que des efforts supplémentaires devraient être faits en matière de recherche et innovation pour fournir des informations supplémentaires aux agriculteurs, aux décideurs et aux parties prenantes concernant ce type d’agriculture biologique.

Introduction

L’agriculture biodynamique (agriculture BD) a été présentée comme une forme alternative d’agriculture par le philosophe Rudolf Steiner (Steiner 1924) et est aujourd’hui considérée comme l’une des formes de l’agriculture biologique. La méthode BD est basée sur un système de production clos qui vise à reproduire un modèle agroécologique axé sur la réduction de la consommation d’énergie et capable d’atteindre des niveaux élevés d’efficacité environnementale. La méthode a été institutionnalisée par le label international de certification Demeter® (Döring et al. 2015). Comme le rapportent Willer et al. (2020), le nombre de fermes certifiées Demeter a considérablement augmenté depuis le début du millénaire (plus de 5900 fermes en juin 2019), et la surface certifiée a presque doublé pour atteindre plus de 200 000 ha dans 63 pays. L’Allemagne possède la plus grande surface en BD (34% du total mondial), suivie par l’Australie (20%) et la France (6%) (Paull et al. 2020). Au total, environ 15 000 ha de la surface certifiée Demeter sont des vignobles biodynamiques, avec environ 760 domaines viticoles BD en Europe, emmenés par la France avec 375 domaines (Willer et al. 2020). Par rapport au total mondial de 71,5 millions d’hectares certifiés en agriculture biologique, l’agriculture BD représente une petite niche puisqu’elle ne couvre que 0,35 % des terres en question (Paull et Hennig 2020).

La biodynamie et l’agriculture biologique partagent la plupart des principes et des règles ; cependant, les règles de production du label Demeter incluent des restrictions sur de nombreuses pratiques afin de renforcer le rôle multifonctionnel de l’exploitation. Les exploitations Demeter respectent pleinement les règles de l’agriculture biologique mais imposent des obligations supplémentaires. Les principales différences entre Demeter et les règles de production biologique telles que définies par la Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique (IFOAM) concernent l’utilisation de préparations spécifiques appliquées aux cultures ou au sol en très petites quantités, l’obligation de laisser 10 % de la surface totale de l’exploitation disponible pour les infrastructures écologiques et l’obligation d’élever des animaux sur l’exploitation (0,2 unité de gros bétail par hectare). Si l’utilisation de préparations biodynamiques a toujours été obligatoire, le critère des surfaces minimales en infrastructures écologiques est entrée en vigueur récemment, et la contrainte sur les animaux ne s’applique actuellement qu’aux exploitations italiennes. Cependant, bien que seules les préparations biodynamiques aient été normalisées par le passé, il a toujours été habituel pour les exploitations BD de promouvoir la biodiversité et d’élever des animaux au sein de l’exploitation.

L’hypothèse de départ est de savoir si les méthodes BD ont la capacité de fournir des performances optimales en termes d’agroécologie et de santé humaine. Au cours des dernières décennies, la recherche internationale s’est penchée sur l’agriculture BD afin d’évaluer si la méthode BD affecte les écosystèmes, les cultures et les produits alimentaires. Même si la méthode BD n’est pas largement utilisée dans le monde, ces aspects, combinés aux impacts potentiels sur la biodiversité et la durabilité globale, font de la méthode BD une option intéressante pour la gestion des agroécosystèmes. Le nombre d’études scientifiques portant sur l’agriculture BD est limité par rapport à celles portant sur l’agriculture biologique, qui a suscité un intérêt considérable dans la communauté scientifique. Les premières études portant spécifiquement sur la méthode BD ont été réalisées entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, tandis que la synthèse la plus récente sur l’agriculture BD (évaluée par des pairs) a été publiée par Turinek et al. en 2009. Sur la base de ces considérations, l’objectif de cet article est d’examiner de manière critique la littérature scientifique internationale sur l’agriculture BD telle que publiée dans des revues de haut niveau et d’évaluer sa performance, ainsi que de révéler les lacunes dans les connaissances sur les questions agricoles importantes. Dans la section de conclusion, les résultats obtenus sont discutés dans le contexte du développement de l’agriculture durable, avec quelques suggestions spécifiques pour le développement futur de la recherche en BD.

Matériel et méthode

Une revue de la littérature scientifique internationale sur l’agriculture BD a été menée, en faisant spécifiquement référence aux journaux de haut niveau. L’examen s’est basé sur une étude documentaire structurée des journaux à comité de lecture indexés sur la base de données Web of Science™ (WoS) Core Collection menée sur la période allant de 1985 à 2018. Toutes les combinaisons possibles des termes  » biodynamique « ,  » bio-dynamique « ,  » agriculture  » et  » farming  » ont été utilisées pour la recherche documentaire et aucun autre terme de recherche n’a été envisagé car nous voulions nous concentrer exclusivement sur les études visant spécifiquement l’agriculture BD. Les actes de conférence ont été exclus de la recherche. L’ensemble des catégories du WoS ont été prises en compte. Les types de documents examinés étaient les articles et les revues publiés en anglais dans des revues scientifiques ayant un facteur d’impact. Les références ont été exportées vers notre base de données ; les doubles entrées et les documents non liés à l’agriculture BD ont été exclus.

Des analyses statistiques ont été menées sur l’accumulation des publications sur l’agriculture BD au fil du temps et sur la distribution géographique en utilisant le logiciel statistique R version 4.0.3 (R Core Team 2020) et l’une de ses bibliothèques (Wickham 2011). Les articles ont ensuite été regroupés en fonction de leur appartenance à trois thèmes : (a) les pratiques agricoles biodynamiques, (b) la durabilité de la méthode biodynamique, et (c) la qualité alimentaire des produits biodynamiques. La pertinence des publications ciblées sur l’agriculture BD a été considérée en termes de facteur d’impact (IF) en divisant les publications en trois catégories : publications dans des revues avec (i) 0 < IF < 1, (ii) 1 < IF < 2, et (iii) IF > 2. Pour chaque revue, le Five-Year Journal Impact Factor™ se référant à 2018 (source : Journal Citation Report™) a été pris en compte et a été directement extrait de la section Journal information de Web of Science™.

De plus, nous avons sélectionné les articles du premier quartile parmi ceux appartenant à la troisième catégorie d’IF (IF > 2). Nos remarques qualitatives se réfèrent à cette dernière catégorie.

Pour comparer l’étendue des études menées sur l’agriculture BD avec celles menées sur l’agriculture biologique et intégrée, nous avons utilisé des entrées plus sélectives et compté le total des publications pour trois groupes de sujets :

  1. “Biodynamic Agriculture,” “Biodynamic Farming,” “Bio-dynamic Agriculture,” “Bio-dynamic Farming;”
  2. “Organic Agriculture,” “Organic Farming and
  3. “Integrated Agriculture,” “Integrated Farming,” “Integrated Crop Management,” “Integrated Pest Management”.

Résultats

Le nombre d’articles sur l’agriculture BD publiés entre 1985 et 2017 est présenté dans la figure 1. La publication des recherches dans des revues à facteur d’impact a commencé récemment, c’est-à-dire en 1990, pour un volume total de 147 articles, dont 87 ont été publiés au cours de la dernière décennie. Cela signifie qu’en 33 ans de publication potentielle, moins de cinq articles par an ont été publiés. Lorsque l’on compare les 147 publications portant sur l’agriculture BD avec le nombre de publications portant sur l’agriculture biologique (5498) et l’agriculture intégrée (6676), on en déduit que l’effort de recherche sur l’agriculture BD réalisé est effectivement à un stade précoce de développement. Sur un total de 147 articles traitant dans une large mesure de recherches sur l’agriculture BD, 82 ont donné un IF > 2 et 68 (46% du total) appartenaient au premier quartile de la catégorie WoS correspondante.

Figure 1. Nombre total d’articles sur l’agriculture biodynamique publiés dans des revues à comité de lecture indexées sur la base de données Web of Science.™ (WoS) Core Collection de 1985 à 2017. Les articles publiés avant 1990 n’ont pas été trouvés dans la base de données.

La répartition géographique mondiale et la focalisation sur la zone méditerranéenne des articles publiés sur des revues à comité de lecture indexées sur la base de données Web of Science™ (WoS) Core Collection de 1985 à 2018 sont rapportées dans la figure 2. La plupart des études publiées sur l’agriculture BD ont été réalisées par des institutions situées en Europe : 54 % ont été menées en Europe du Nord et centrale (Allemagne, Suède, Suisse, Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, Lituanie, République tchèque et Autriche), 12 % en Italie et 6 % dans d’autres pays méditerranéens (Espagne, Slovénie et Tunisie) ; 12 % des recherches ont été menées en Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande), 7 % en Amérique du Nord (États-Unis, Canada), 6 % en Asie (Inde, Philippines) et 3 % en Amérique du Sud (Brésil, Venezuela).

Figure 2. Répartition géographique mondiale (a) et concentration sur la zone méditerranéenne (b) des articles publiés dans des revues à comité de lecture indexées sur la base de données Web of Science.™ (WoS) Core Collection de 1985 à 2017.

Le nombre d’articles publiés sur les trois thèmes principaux de l’agriculture BD, c’est-à-dire les pratiques agricoles biodynamiques (a), la durabilité de la méthode biodynamique (b) et la qualité alimentaire des produits biodynamiques (c), est présenté dans la figure 3. Le nombre d’articles faisant référence aux pratiques de l’agriculture BD, à la durabilité et à la qualité des aliments s’élève à 93, 26 et 28, respectivement (soit 63,3, 17,7 et 19,0 %). En outre, les articles sur la durabilité et la qualité des aliments n’ont jamais dépassé deux publications par an, et il s’est passé plusieurs années sans aucune publication. Les études concernant la qualité des aliments sont exclusivement récentes, la première publication dans des revues à facteur d’impact datant de 2004.

Figure 3. Nombre d’articles publiés dans des revues à comité de lecture indexées sur la base de données Web of Science.™ (WoS) Core Collection de 1985 à 2017, regroupés en trois thèmes, à savoir les pratiques agricoles biodynamiques (a), la durabilité de la méthode biodynamique (b) et la qualité alimentaire des produits biodynamiques (c).

Résultat de l’étude bibliographique sur les pratiques agricoles biodynamiques

Il n’est pas facile de tirer des conclusions génériques et globalement valables sur les impacts des pratiques agricoles BD à partir d’un nombre aussi restreint de publications (93). Cependant, quelques considérations provisoires peuvent être faites sur la base de résultats consolidés publiés dans des publications importantes depuis les années 1990, bien que seulement en référence à des conditions pédoclimatiques et de production spécifiques.

Il y a 42 articles dans le thème « pratiques BD » appartenant au premier quartile de la catégorie WoS correspondante et avec IF > 2. Les articles présentant des résultats génériques applicables autant que possible aux systèmes de production correspondants (c’est-à-dire les cultures arables et l’horticulture, la viticulture et la culture de l’olivier) ont été sélectionnés pour une analyse plus approfondie. Notre souci était de couvrir autant de systèmes de production que possible et de prendre en compte les publications qui produisent des résultats applicables de manière générique. La sélection des publications les plus instructives sur les impacts des pratiques BD est présentée dans le tableau 2 (non traduit) avec la localisation géographique des essais, la description et la durée des essais, la durée des expériences individuelles, la taille des parcelles expérimentales ou des échantillons, et les paramètres employés pour évaluer les impacts des pratiques BD.

La plupart des articles inclus dans le groupe des pratiques BD font référence à divers aspects de la qualité du sol. Comme le rapportent Mäder et al. (2002), les pratiques BD, qui font principalement appel à la préparation 500, améliorent la qualité globale du sol. Reganold et al. (1993, tableau 3), comparant 16 fermes BD et conventionnelles en Nouvelle-Zélande, ont constaté que les fermes BD avaient une meilleure qualité de sol que les fermes conventionnelles. Dans les fermes BD, on a constaté une teneur en matière organique et une activité microbienne, une abondance de vers de terre et un taux d’infiltration significativement plus élevés, une meilleure structure du sol, une meilleure aération et un meilleur drainage, ainsi qu’une densité apparente plus faible et une couche arable plus épaisse.

Plusieurs articles sélectionnés portent sur les résultats de l’essai DOK, bien connu et vieux de 40 ans, qui ont été publiés entre 1993 et 2017 dans des revues de haut niveau comme « Science ». Ces articles rendent compte de comparaisons à long terme entre des systèmes de culture biodynamiques, biologiques et deux systèmes de culture conventionnels. Sur la base des résultats de l’expérience menée à Therwil, en Suisse, les auteurs concluent que les rotations de cultures à base de légumineuses et utilisation d’engrais organiques provenant de l’exploitation elle-même constituent une alternative réaliste aux systèmes agricoles conventionnels. En ce qui concerne la stabilité des agrégats du sol, le pH du sol, la formation de matière organique stable, le calcium et le magnésium du sol, la biomasse microbienne et la faune (vers de terre, carabes, staphylinidés et araignées), le système BD a démontré qu’il pouvait être supérieur, dans des circonstances données, même par rapport au système biologique (Mäder et al. 2002).

Dans une étude ultérieure de l’essai DOK, Fließbach et al. (2007) ont constaté que le pH du sol, l’azote total du sol et le carbone organique du sol sont plus élevés dans les systèmes BD que dans les systèmes conventionnels. En outre, la biomasse microbienne du sol, la matière organique du sol pour l’établissement de la biomasse microbienne et l’activité de la déshydrogénase sont plus élevées dans les systèmes BD, ce qui indique une meilleure qualité du sol dans les systèmes BD. Dans cet article, il a également été constaté que le quotient métabolique du CO2 (qCO2), qui résume l’utilisation du carbone microbien, était plus élevé dans les sols conventionnels que dans les BD, ce qui suggère un besoin d’entretien plus élevé pour la biomasse microbienne dans les sols conventionnels. Cependant, en ce qui concerne le rapport C/N de la biomasse microbienne du sol (Cmic-to-Nmic), qui est un indicateur de la fertilité biologique du sol, un traitement avec les préparations biodynamiques pour le compost a montré des performances inférieures à celles d’un système conventionnel avec fumier. Les auteurs n’ont pas été en mesure de dire si cet effet était dû au compostage ou aux préparations de BD. Cette tendance n’a pas été confirmée par Gadermaier et al. (2012) qui ont déclaré que les préparations BD augmentaient le Cmic-to-Nmic dans l’expérience à long terme de Frick en Suisse (tableau 2).

De ces études, quelques conclusions supplémentaires peuvent être tirées en termes d’impact sur la biodiversité des agroécosystèmes. Les recherches menées par Mäder et al. (2002) indiquent que les préparations BD ont un impact positif sur la biodiversité. En outre, Rotchés-Ribalta et al. (2017), dans une étude réalisée dans l’essai DOK, ont constaté que l’abondance, la diversité et la composition de la communauté des graines de mauvaises herbes étaient plus élevées dans les systèmes BD que dans les systèmes conventionnels. Ils ont également constaté que des apports élevés d’engrais minéraux sélectionnaient des espèces plus nitrophiles, tandis que les applications d’herbicides éliminaient les espèces sensibles aux herbicides.

Les rendements des cultures sont influencés par les pratiques agricoles, et de nombreuses recherches ont porté sur l’étude des différences entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle. Cependant, seules quelques études prennent en compte l’agriculture BD. Parmi elles, les études concernant les systèmes de grandes cultures confirment que les rendements moyens des cultures en agriculture biologique sont inférieurs à ceux des systèmes conventionnels (Mäder et al. 2002 ; Mayer et al. 2015). Bien qu’il s’agisse d’un résultat commun à de nombreuses recherches comparant les rendements de l’agriculture BD et de l’agriculture biologique dans de nombreux secteurs productifs, il convient de mentionner que des rendements plus élevés sont le plus souvent le résultat d’une utilisation plus importante d’intrants, ce qui a un coût monétaire, mais aussi énergétique et écologique, comme nous le verrons plus en détail dans la section ci-dessous. Les différences de rendement entre l’agriculture biologique et l’agriculture BD ont été étudiées par Zikeli et al. (2017) dans une étude portant sur dix serres BD et biologiques dans le sud de l’Allemagne. Dans cette étude, les fermes BD avaient des rendements significativement plus élevés en tomates et concombres par rapport aux fermes biologiques. Malgré les rendements plus élevés des fermes BD, les auteurs ont constaté de forts déséquilibres entre les fermes biologiques et BD en ce qui concerne les flux de nutriments, avec des excédents moyens élevés pour N, P, S, Ca et Na, ce qui pourrait entraîner des risques d’augmentation de l’alcalinité et de la salinité du sol. De plus, les fermes BD ont montré une efficacité d’utilisation de l’azote (NUE) plus faible et des concentrations significativement plus basses de P disponible dans le sol. Ces déséquilibres ont également été confirmés par Mayer et al. (2015) dans une étude précédente de l’essai DOK. Dans cette étude, le système d’agriculture conventionnelle à la moitié du niveau de fertilisation standard avait un meilleur NUE que les systèmes biologiques et BD. De plus, de faibles apports d’engrais biologiques entraînent une dégradation de la qualité du sol dans les systèmes biologiques comme dans les systèmes conventionnels. Les résultats ont montré que les stratégies de fertilisation dans les systèmes de culture biologique et BD sont un point central pour le développement de nouvelles stratégies visant à éviter les déséquilibres nutritifs à long terme.

Les pratiques BD ont été principalement testées dans les systèmes de production viticole. En effet, ces dernières années, de nombreuses exploitations viticoles ont décidé de se convertir à l’agriculture BD (Demeter et BDA Certification 2020). Une étude récente portant sur un essai à long terme dans des vignobles a révélé que les traitements biologiques et les traitements BD présentaient des niveaux d’azote du sol plus élevés, lesquels avaient été assurés avec succès par des couverts culturaux et l’ajout de compost (Döring et al. 2015). Cependant, la teneur en magnésium dans les tissus foliaires, un paramètre important nécessaire à la composition de la chlorophylle, s’est avérée être significativement plus élevée dans le traitement intégré, tandis que les teneurs en phosphore et en potassium n’ont pas montré de différences pertinentes. Ces résultats sont conformes à ceux d’un article publié dans Nature Scientific Reports, selon lequel 10 ans de pratiques de gestion différentes n’ont pas entraîné de changements majeurs en termes de paramètres physico-chimiques du sol, et le seul paramètre présentant des différences pertinentes était le magnésium, qui s’est avéré plus faible dans les systèmes BD (Hendgen et al. 2018). Cependant, en termes d’activité microbienne, le sol en gestion intégrée avait une richesse en espèces bactériennes et fongiques significativement réduite par rapport au biologique. Les traitements biologiques et BD étaient statistiquement indiscernables les uns des autres, et l’apport supplémentaire de préparations BD n’a pas affecté la composition ou la richesse fongique par rapport au traitement biologique. Les communautés fongiques ont également été quantifiées dans six vignobles conventionnels et six vignobles BD par Morrison-Whittle et al. (2017). En analysant des échantillons provenant de plusieurs habitats différents du vignoble (c’est-à-dire l’écorce, les fruits et le sol) à l’aide de techniques métagénomiques, ils ont constaté une richesse en espèces significativement plus élevée dans les communautés de fruits et d’écorce des BD, mais pas dans le sol. Cependant, en termes de types et d’abondance d’espèces fongiques, la gestion des BD a eu un effet significatif sur le sol et les fruits.

En termes de rendement, une réduction moyenne de 34% du rendement a également été constatée dans les vignobles BD par rapport aux systèmes intégrés (Döring et al. 2015). Ceci est probablement dû à la santé des plantes et à l’incidence des maladies. En effet, dans cette étude, la fréquence de la maladie de Botrytis était significativement augmentée dans le traitement BD par rapport au traitement intégré où des botryticides étaient appliqués. De plus, dans un essai sur le terrain de 3 ans en Italie, on a constaté que les rendements des raisins ne différaient pas lorsqu’on comparait les traitements biologiques et les traitements BD (Botelho et al. 2016), probablement en raison de niveaux d’incidence des maladies similaires. Botelho et al. (2016) ont également évalué les réponses physiologiques des vignes à la gestion des BD et ont fourni des preuves d’un fort effet de stimulation des composés de défense naturelle dans les plants de vigne cultivés avec les préparations BD 500, 500 K, compost de bouse et 501. Ils ont constaté que la gestion BD a entraîné une augmentation des activités enzymatiques foliaires de la chitinase et de la β-1,3-glucanase par rapport à la gestion biologique. Les activités de chitinase et de glicanase sont généralement corrélées aux stress biotiques et abiotiques des plantes et associées à la résistance induite des plantes. Enfin, ils ont également constaté que l’application de préparations BD réduisait la conductance stomatique et le potentiel hydrique des feuilles, ce qui indique une meilleure efficacité d’utilisation de l’eau (Chaves et al. 2010) dans les vignobles gérés en biodynamie. Cela va dans le sens de Döring et al. (2015), qui affirment que les traitements biologiques et BD présentent des taux d’assimilation, des taux de transpiration et une conductance stomatique significativement plus faibles par rapport au traitement intégré. Une réduction de la conductance stomatique a ensuite été associée à une meilleure tolérance des plants de vigne aux stress biotiques (Zeng et al. 2010) et abiotiques (Salazar-Parra et al. 2012).

En plus des études menées sur les vignobles et les systèmes de grandes cultures, notre revue de la littérature n’a trouvé qu’un seul article relatif à la production d’olives BD en Tunisie (Blibech et al. 2012). Blibech et al. (2012) ont détecté un nombre élevé d’espèces de Bacillus dans les oliveraies gérées en BD. À la suite de Choudhary et Johri (2009), ces auteurs ont alors supposé qu’un environnement riche en substrats organiques et en micro-niches pourrait entretenir un complexe d’espèces microbiennes, favorisant à son tour la prolifération de Bacillus. Étant donné le rôle entomopathogène de Bacillus pour plusieurs insectes responsables des ravageurs de l’olivier, ils ont avancé que la BD et les pratiques biologiques favorisent le biocontrôle des ravageurs de l’olivier. C’est la première étude qui a montré l’occurrence de souches larvicides de Bacillus dans une exploitation d’oliviers BD qui pourraient être utilisées dans des programmes de lutte biologique.

En plus des études liées à différents systèmes de production, nous avons trouvé des études traitant de pratiques BD spécifiques. Faust et al. (2017) ont constaté que, dans le cadre d’un essai sur le terrain à long terme en Allemagne, l’application de préparations de BD n’a pas donné lieu à des effets positifs supplémentaires à ceux de la fertilisation au fumier composté. Ces résultats sont conformes à ceux de Reeve et al. (2010), qui ne signalent aucune différence en termes de pH, d’éléments minéraux, de rapport C/N, de NO3-N et de NH4+-N entre un compost BD et un compost non traité. Cependant, dans une étude ultérieure, Reeve et al. (2011) ont déclaré que, dans des circonstances changeantes, la pulvérisation au champ de la préparation Pfeiffer et d’autres préparations de BD se sont avérées modérément efficaces pour augmenter le pH du sol.

En termes d’activité microbienne, des résultats contradictoires sont rapportés par Reeve et al. (2010) et Reeve et al. (2011). Dans la première étude, ils ont rapporté la supériorité occasionnelle du compost BD par rapport au compost non traité, mais dans la seconde, aucun effet du compost BD n’a été trouvé. De plus, Reeve et al. (2011) n’ont trouvé aucun effet sur le rendement fourrager entre les parcelles traitées avec du compost BD vs compost non traité mais ont rapporté la supériorité occasionnelle de l’impact du compost BD sur la hauteur des plantules de blé ; les résultats ont montré qu’un extrait de 1% de compost BD faisait pousser des plantules de blé 7% plus hautes qu’un extrait de 1% de compost non traité (Reeve et al. 2010).

D’après notre sélection d’articles, il n’existe que deux études basées sur le mode d’action des préparations de BD. Giannattasio et al. (2013) ont réalisé une caractérisation microbiologique de la préparation 500 et ont identifié certaines de ses actions biologiques. Ils ont constaté que la 500 est dotée d’activités enzymatiques spécifiques et qu’elle présente une activité analogue à celle de l’auxine sur les plantes, mais qu’elle ne présente aucun signal détectable par « quorum sensing » et aucune propriété d’induction des gènes rhizobiens. De plus, ils ont constaté que la préparation 500 a une faible activité de la leucine aminopeptidase (une enzyme impliquée dans le cycle de l’azote), mais les analyses enzymatiques ont indiqué un potentiel bioactif dans le contexte de la fertilité et du cycle des nutriments.

Une autre étude visant à caractériser la composition des préparations BD est celle de Botelho et al. (2016), dans laquelle les concentrations d’isopenthyl adénine, d’acide indole-3-acétique et d’acide abscissique étaient inférieures aux limites de détection. De plus, la quantité extrêmement faible de régulateurs végétaux apportés par les préparations BD suggère que le mode d’action hormonal proposé par Stearn (1976) est peu probable. Ceci est en contraste avec Giannattasio et al. (2013) qui ont trouvé que l’activité de l’acide indol-3-acétique et les produits de dégradation microbienne qualifient la préparation 500 pour une utilisation possible comme biostimulants du sol.

Résultats de l’étude bibliographique sur la durabilité de la méthode biodynamique

Il y avait 15 articles liés au sujet de la « durabilité de la méthode BD » appartenant au premier quartile de la catégorie WoS correspondante et avec IF > 2. La sélection des publications les plus intéressantes sur la durabilité de la méthode BD est présentée dans le tableau 3 (non traduit) avec la localisation géographique des essais, la description des essais, la durée des expériences individuelles et la méthode d’évaluation de la durabilité de la méthode BD. De plus, nous avons classé la durabilité sur la base de la Déclaration du Millénaire des Nations Unies (2000) dans laquelle trois domaines de durabilité ont été distingués : la durabilité environnementale, économique et sociale. La plupart des études sur la durabilité de la méthode BD sont incluses dans le domaine environnemental (8 études), avec seulement quatre et trois études respectivement sur la durabilité économique et sociale. Le fait de disposer de si peu d’études scientifiques sur ces sujets nous empêche de tirer des conclusions génériques, surtout si l’on considère que la grande majorité des études mentionnées ne présentent pas de comparaisons entre les différentes méthodes de culture selon différents facteurs d’influence, tels que le type de sol, le climat ou l’année de production, comme le montre le tableau 3, où sont indiqués les lieux avec les conditions pédoclimatiques correspondantes, ainsi que les années d’expérimentation.

Durabilité environnementale

L’agroalimentaire est l’un des secteurs qui contribue le plus à l’impact environnemental en termes d’épuisement des ressources, de dégradation des sols, d’émissions gazeuses et de production de déchets (Cellura et al. 2012). Il existe plusieurs méthodes pour évaluer l’impact de l’agriculture sur l’environnement, mais l’analyse du cycle de vie (ACV) est la méthode la plus utilisée en ce qui concerne l’agriculture BD et l’une des plus utilisées en général. Avec cette méthode, il est possible d’évaluer la charge environnementale causée par un produit, un processus de production ou toute activité de prestation de services (Curran 2008).

Une diminution de la charge environnementale due aux activités de production mesurée par l’ACV a été observée pour la viticulture BD dans le nord-ouest de l’Espagne (Villanueva-Rey et al. 2014) et la production d’abricots dans le sud de l’Italie (Pergola et al. 2017). Pergola et al. (2017) ont comparé deux systèmes intégrés et une serre gérés en agriculture BD dans un essai au champ à long terme sur un verger d’abricots. Ils ont rapporté que les pratiques BD conduisaient à des impacts environnementaux plus élevés en raison des techniques culturales spécifiques utilisées dans la production sous serre BD. Cependant, si l’on exclut la phase de plantation de l’analyse, le système BD consomme moins d’énergie et présente un bilan énergétique favorable. En effet, en ne considérant que les opérations culturales, la production de 1 kg d’abricots intégrés a nécessité de 2,60 à 3,00 MJ kg-1 d’énergie, alors que la production d’abricots BD a nécessité 1,32 MJ kg-1. Une charge environnementale plus faible pour les systèmes de production BD a également été constatée par Villanueva-Rey et al. (2014) en raison d’une diminution de 80 % de l’apport en diesel. Ceci est en accord avec d’autres études (Alaphilippe et al. 2013 ; Bavec et al. 2012 ; Stavi et Lal 2013 ; Venkat 2012). Dans Bavec et al. (2012), une empreinte écologique nettement réduite a été constatée dans la production de blé et d’épeautre biologique et BD, principalement en raison de l’absence de facteurs de production externes. Si l’on considère les rendements, les systèmes biologique et BD présentaient une empreinte globale réduite par unité de produit et une efficacité écologique accrue de la production.

La séquestration du carbone dans le sol est une mesure permettant de prévenir l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère et de ralentir le réchauffement climatique (Janzen 2004 ; Page et al. 2011). Pergola et al. (2017) ont confirmé que, grâce aux techniques de gestion du sol utilisées, le système BD a fixé environ 45% du CO2 total produit dans le cycle de production, avec une référence spécifique au sol. Ce résultat est conforme à celui de Fließbach et al. (2007, tableau 2) qui ont constaté dans l’essai DOK que le carbone organique du sol du système BD a été maintenu au même niveau pendant plus de 21 ans et a même enregistré un léger gain. Ce résultat est également confirmé par Reganold et al. (1993) et Droogers et Bouma (1996), qui ont comparé les systèmes conventionnels et les systèmes BD et ont constaté que la matière organique du sol était stable uniquement dans les systèmes BD.

D’après Mäder et al. (2002), l’énergie nécessaire à la production d’une unité de matière sèche en agriculture biologique était de 20 à 56 % inférieure à celle en agriculture conventionnelle (tableau 2). En effet, l’apport en éléments nutritifs, l’énergie et les pesticides ont été réduits de 34 %, 53 % et 97 %, respectivement, dans les systèmes biologiques, alors que le rendement moyen des cultures n’était inférieur que de 20 %, ce qui indique une production plus efficace. En outre, Nemecek et al. (2011a et 2011b) ont conclu que les impacts environnementaux par unité de surface étaient réduits au minimum dans l’agriculture biologique et l’agriculture à faibles intrants. Cependant, l’efficacité de l’utilisation des ressources et des intrants (nutriments, eau, sol) est également nécessaire pour mettre en œuvre la durabilité environnementale dans les exploitations agricoles. En effet, la réduction de l’utilisation des engrais ne peut pas être poussée trop loin sans risquer une mauvaise performance des cultures, et un niveau minimum d’approvisionnement en nutriments doit être maintenu pour assurer une bonne efficacité écologique (Nemecek et al. 2011b). Cela a également été confirmé par Mayer et al. (2015), qui ont constaté que, sans tenir compte des paramètres de durabilité des sols à long terme, le système agricole conventionnel avec une fertilisation à la moitié des niveaux standard affichait les meilleures performances en termes de rendements, de qualité des cultures et d’efficacité.

Durabilité économique et sociale

Les rendements plus faibles en BD sont compensés par des prix plus élevés pour les produits BD et par des subventions supplémentaires (Nemecek et al. 2011b). Les consommateurs sont prêts à dépenser plus pour acquérir des produits BD (Bernabéu et al. 2007 ; ICEX, 2010) mais, comme le suggère la plateforme Greentrade (2006), le nombre croissant d’exploitations qui se tournent vers l’agriculture BD finira par entraîner une convergence régulière entre les prix conventionnels et les prix BD.

Dans notre analyse, il n’y avait que deux articles se concentrant principalement sur la durabilité économique et le profit économique dérivé des systèmes agricoles BD et conventionnels (tableau 3).

Forster et al. (2013) ont examiné les performances économiques d’une rotation de cultures coton-soja-blé en Inde. Ils ont constaté que la marge brute du soja était significativement plus élevée pour le système BD (+ 8 %) par rapport au système conventionnel, et que la productivité légèrement inférieure du soja BD était contrebalancée par des coûts de production plus faibles. Cependant, cela n’a pas été confirmé pour le blé et le coton en raison du faible rendement de ces cultures. La deuxième étude incluse dans notre sélection bibliographique a été publiée par Reganold et al. (1993) et a comparé 16 fermes BD et conventionnelles en Nouvelle-Zélande. Ils ont constaté que les fermes BD étaient tout aussi viables financièrement à l’hectare que les fermes conventionnelles.

Outre les résultats sur la durabilité économique et environnementale de la méthode BD, nous avons également trouvé des résultats intéressants d’un point de vue social. Suivant le modèle circulaire du sociologue Bruno Latour (Latour 1999), Ingram (2007) a soutenu dans les Annales de l’Association des Géographes Américains que les formes d’agriculture alternative telles que l’agriculture BD basée sur le paradigme du « Retour à la Nature » étaient et ont été le résultat d’un processus scientifique caractérisé par un échange continu de connaissances entre scientifiques et agriculteurs. Les réseaux d’agriculture BD ont continué à considérer les agriculteurs, en particulier ceux qui rejettent l’agriculture conventionnelle, comme leur principal interlocuteur (Ingram 2007). Ceci est également confirmé par McMahon (2005), qui a interviewé six agriculteurs BD en Irlande. Cependant, il a également constaté que certains agriculteurs BD limitent la communication avec la communauté rurale et ne veulent pas communiquer les aspects spirituels de leurs méthodes agricoles, établissant de ce point de vue des frontières entre eux et « les Autres ».

Résultat de l’étude bibliographique sur la qualité alimentaire des produits biodynamiques

Il y a 11 articles dans le thème « qualité alimentaire » appartenant au premier quartile de la catégorie WoS correspondante et avec IF > 2, le premier ayant été publié en 2006 par Zörb et al. La sélection des publications les plus intéressantes sur la qualité alimentaire des produits biodynamiques est présentée dans le tableau 4 (non traduit) avec l’emplacement géographique des essais, la description de l’essai, les produits biodynamiques concernés, l’année de récolte du produit, la taille des parcelles expérimentales ou des échantillons et les paramètres d’évaluation de la qualité alimentaire.

Dans l’étude de Zörb et al. (2006), un profilage des métabolites des grains de blé (Triticum aestivum L.) a été analysé sur la base d’un total de 52 composés. Seulement huit d’entre eux ont montré des différences significatives entre les systèmes biologiques et conventionnels, et aucune différence n’a été trouvée entre les systèmes biologiques et les systèmes de BD. Par ailleurs, Mayer et al. (2015) ont constaté que le système agricole conventionnel à la moitié de la fertilisation standard présentait des protéines brutes plus élevées que les systèmes biologiques et BD à la fertilisation standard et que le doublement de la fertilisation organique dans les systèmes biologiques et BD ne permettait pas d’améliorer la qualité boulangère des grains. Aucune différence entre les systèmes biologique et BD n’a été signalée en termes de fractions protéiques, de protéines polymères non extractibles, de gliadine et de teneur en gluten sec.

Dans une autre comparaison d’essais en plein champ, Turinek et al. (2016) ont étudié la composition des graines de colza (Brassica napus L.) et ont constaté que les systèmes de production BD et biologique influençaient positivement la teneur en acide gras oléique et en huile par rapport à un système intégré. À l’inverse, le système intégré produisait des graines ayant des teneurs plus élevées en protéines et en eau, ainsi que des teneurs plus élevées en acides gras linoléniques, gadoléiques et hexadécadiéniques, en raison de l’application d’engrais minéraux.

D’autres études comparant différents systèmes de culture, y compris la BD, ont été menées sur des cultures maraîchères afin d’étudier la composition chimique et la qualité alimentaire correspondante. Dans une expérience menée en Italie, l’activité antiradicalaire de la chicorée (Cichorium intybus L.) s’est avérée plus élevée en BD qu’en système conventionnel (Heimler et al. 2009). Ces résultats concernant l’activité antiradicalaire n’ont pas été confirmés par une étude suivante menée sur la laitue Batavia (Lactuca sativa L.) dans laquelle, cependant, une plus grande quantité de polyphénols a été trouvée en gestion BD (Heimler et al. 2012). De manière significative, des quantités plus élevées de flavonoïdes et d’acide coumarique ont également été détectées dans la laitue BD, ce qui n’était pas le cas pour la chicorée. Ce dernier aspect pourrait indiquer un effet de la pratique BD sur les métabolites secondaires de la laitue.

Dans les études mentionnées ci-dessus, la réponse des différentes cultures à la BD, à la gestion biologique et conventionnelle n’est pas univoque et découle probablement de multiples causes, dont les caractères génétiques et les conditions pédoclimatiques. Malgré cela, d’autres études rapportent des résultats univoques en faveur de l’agriculture BD, par exemple, Bavec et al. (2010), qui ont analysé la composition chimique de la betterave rouge (Beta vulgaris L.) dans un essai de terrain à long terme. Ils ont constaté que les échantillons provenant de parcelles de BD avaient un contenu phénolique total, une activité antioxydante et une teneur en acide malique significativement plus élevés que les échantillons provenant de parcelles conventionnelles, alors que la teneur en sucre total ne différait pas entre les systèmes de production.

En termes de nombre d’études, le vin est le produit le plus courant dans la littérature sur la qualité des aliments issus de l’agriculture biologique. Morrison-Whittle et al. (2017) ont évalué les concentrations de thiols volatils importants pour l’arôme et la qualité des vins et ont constaté qu’il n’y avait pas de différence entre les vins BD et conventionnels. Ces résultats sont conformes à ceux de Döring et al. (2015), qui ont évalué la qualité du raisin en comparant trois systèmes de culture (vignoble intégré, biologique et BD) et ont constaté que la qualité des fruits en termes de solides solubles totaux, d’acidité totale et de pH pendant la maturation n’était pas affectée par le mode de culture. Cependant, le traitement BD a montré une teneur significativement plus élevée en acides aminés primaires dans les baies saines pendant la maturation par rapport au traitement intégré. De nombreuses autres études ont soutenu que la viticulture biologique et le BD ont peu d’influence sur la composition du raisin (Danner 1985 ; Hofmann 1991 ; Kauer 1994 ; Linder et al. 2006 ; Reeve et al. 2005). Cependant, les jus biologiques et BD ont tendance à présenter des teneurs plus élevées en composés bioactifs par rapport à leurs homologues conventionnels (Granato et al. 2016), et il est possible de différencier les jus de raisin rouge biologiques/biodynamiques et conventionnels par la mesure des composés organiques volatils par spectrométrie de masse (Granato et al. 2015). Néanmoins, ces études et d’autres ont révélé que les jus BD et biologiques présentent des caractéristiques de qualité très similaires (Granato et al. 2015, 2016 ; Reeve et al. 2005), ce qui est conforme aux conclusions de Parpinello et al. (2015) qui ont signalé que les propriétés chimiques et sensorielles des vins biologiques et BD ne diffèrent pas.

En termes de types et d’abondance des communautés d’espèces fongiques dans le jus, Morrison-Whittle et al. (2017) n’ont trouvé aucune différence entre les systèmes de culture. Cependant, Mezzasalma et al. (2017) ont déclaré que le microbiome naturel des baies pouvait être influencé par la conduite agricole et ont souligné que la biodynamie avait un effet cohérent sur les communautés bactériennes des baies et des moûts correspondants.

Les aliments d’origine animale sont un autre sujet important pour comprendre comment la méthode de culture peut influencer la qualité des aliments. Capuano et al. (2014b) ont effectué une analyse des profils d’acides gras du lait avec des vaches provenant d’exploitations conventionnelles, biologiques et BD et ont constaté que le lait biologique/biodynamique différait du lait conventionnel. Cela a été confirmé dans une deuxième partie de leur étude (Capuano et al. 2014a), qui a analysé le lait des bovins par spectroscopie infrarouge à transformation de Fourier (FTIR).

Discussion et conclusion

Discussion sur la méthode biodynamique

L’objectif de cette revue était d’examiner de manière critique la littérature scientifique internationale sur l’agriculture BD telle que publiée dans des revues de haut niveau, ainsi que de détecter tout manque de connaissances sur les questions de fond en agriculture. Les résultats de la revue de la littérature ont montré que la méthode BD améliore la qualité des sols et la biodiversité, mais aucune conclusion ne peut être tirée concernant la durabilité socio-économique et la qualité alimentaire des produits BD ; des efforts supplémentaires doivent être faits pour renforcer les connaissances sur ces aspects.

Bien qu’il soit impossible de réaliser une méta-analyse en raison de la faible quantité de données disponibles et de la vaste gamme de paramètres différents pris en compte dans la littérature, certaines considérations semi-quantitatives concluantes peuvent être tirées. À cette fin, nous avons effectué un exercice de comparaison par paires sur la base des résultats de l’agriculture BD, biologique et conventionnelle concernant une vaste gamme de paramètres publiés dans des revues de haut niveau (IF > 2 et appartenant au premier quartile des catégories correspondantes du WoS). Les résultats de la comparaison par paire sont présentés dans le tableau 5 (non traduit).

Les comparaisons par paires concernant l’impact des pratiques agricoles ont montré que sur un total de 74 observations comparant les différences entre l’agriculture BD et l’agriculture biologique, 22 ont relevé une meilleure performance de l’agriculture BD, 37 une performance égale, et 15 une meilleure performance de l’agriculture biologique. La comparaison entre l’agriculture BD et l’agriculture conventionnelle a montré que 44 observations ont constaté une meilleure performance de l’agriculture BD, 12 une performance égale et 14 une meilleure performance de l’agriculture conventionnelle. Enfin, la comparaison entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle a montré que 33 observations ont trouvé que l’agriculture biologique était plus performante, 13 qu’elle était aussi performante et 11 que l’agriculture conventionnelle était plus performante.

En termes de durabilité de la méthode BD, les comparaisons par paires entre l’agriculture BD et l’agriculture biologique ont montré qu’une observation a été en faveur de l’agriculture BD, 24 ont constaté une performance égale et deux ont été en faveur de l’agriculture biologique, tandis que la comparaison entre l’agriculture BD et l’agriculture conventionnelle a montré que 28 observations ont trouvé que l’agriculture BD était plus performante, tandis que sept ont trouvé que l’agriculture conventionnelle l’était. Enfin, la comparaison entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle a montré que 22 observations ont trouvé que l’agriculture biologique était plus performante et quatre que l’agriculture conventionnelle l’était.

En ce qui concerne la qualité alimentaire des produits BD, les comparaisons par paires entre l’agriculture BD et l’agriculture biologique ont montré que trois observations étaient favorables à l’agriculture BD, tandis que 20 montraient une performance égale. La comparaison entre l’agriculture BD et l’agriculture conventionnelle a montré dans 13 observations que l’agriculture BD était plus performante, dans 8 observations qu’il n’y avait pas de différence et dans 7 observations que l’agriculture conventionnelle était plus performante. Enfin, la comparaison entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle a montré que quatre observations ont trouvé l’agriculture biologique plus performante, 13 n’ont trouvé aucune différence et quatre ont trouvé de meilleurs résultats de l’agriculture conventionnelle.

Il faut souligner que la majorité des publications faisant état de comparaisons entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle dans l’ensemble de la littérature n’examinent pas l’agriculture BD ; par conséquent, le sous-ensemble d’articles cités dans ce manuscrit ne représente pas l’univers des comparaisons entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle dans la littérature, ce qui réduit considérablement la possibilité de tirer des conclusions génériques à ce sujet. Dans tous les cas, nous avons rapporté les résultats des comparaisons biologiques/conventionnelles dans les publications sur l’agriculture BD comme référence pour d’autres comparaisons au sein de l’ensemble des publications analysées dans cet article.

Les pratiques de l’agriculture BD favorisent la biodiversité globale des agroécosystèmes. Les exploitations BD maintiennent généralement des bandes tampons végétales, des couloirs riverains et des haies qui offrent un abri aux pollinisateurs et aux prédateurs naturels. En effet, le Programme pour la Biodiversité sur les fermes imposé par le cahier des charges Demeter oblige à consacrer 10 % de la surface totale de l’exploitation au soin de la biodiversité, ce qui comprend des éléments pour le maintien d’espèces végétales et animales rares ou menacées, la création de conditions optimales pour les insectes, les oiseaux et toutes les formes de vie en général, y compris les micro-organismes du sol. L’un des principaux défis pour tous les modes de production est de fournir suffisamment de nutriments aux plantes tout en favorisant la qualité globale du sol. À cette fin, l’agriculture BD favorise les cycles courts en utilisant des engrais animaux et des engrais verts produits par l’exploitation au lieu d’utiliser des engrais organiques externes. En effet, un principe général exigé par le cahier des charges de la BD est d’inclure l’élément animal dans tout système agricole afin d’éviter les importations d’intrants organiques et les déséquilibres nutritifs qui en découlent. En revanche, dans certains cas, comme ceux rapportés par Zikeli et al. (2017), la forte intensification de la production dans les systèmes sous serre, soutenue par une conformité minimale aux normes de BD, a entraîné de forts déséquilibres dans les cycles des nutriments. Toutefois, il convient de noter que des cas comme ceux décrits par Zikeli et al. se réfèrent à des conditions de production uniques dans des systèmes maraîchers intensifs soumis à la dérogation exceptionnelle offerte aux petits exploitants.

Les effets combinés de la gestion de la biodiversité et des pratiques favorisant le cycle des nutriments dans les agroécosystèmes BD semblent avoir le potentiel d’améliorer le microbiome du sol. Dans notre étude, nous avons constaté que l’activité microbienne globale augmente dans les systèmes d’agriculture BD par rapport à l’agriculture conventionnelle et biologique (Mäder et al. 2002 ; Fließbach et al. 2007). Cela a également été confirmé par une récente méta-analyse de Christel et al. (2021), qui a constaté que 52 % des indicateurs microbiens étaient plus élevés même en comparaison avec l’agriculture biologique. Dans cet article, l’agriculture BD apparaît comme le système agricole ayant l’effet le plus favorable sur la qualité écologique du sol, suivi de l’agriculture biologique et, enfin, de l’agriculture conventionnelle. Ceci est en accord avec les études précédentes de Droogers et Bouma (1996), qui ont trouvé que les teneurs en matière organique étaient plus élevées dans les champs de BD par rapport aux champs conventionnels. Cependant, l’activité et la prolifération microbiennes pourraient être influencées non seulement par le système d’exploitation, mais aussi par les différences d’approvisionnement en substrat organique, la disponibilité de l’eau, le climat et l’absence de pesticides. Globalement, l’une des questions les plus importantes à aborder et à promouvoir auprès des agriculteurs, quelle que soit la méthode agricole qu’ils adoptent, est que le sol sert d’habitat à de nombreux organismes vivants qui fournissent une vaste gamme de services écosystémiques, dont la fertilité du sol, et que le maintien d’un sol sain est vital pour répondre aux besoins de ces populations microbiennes.

Le troisième aspect pertinent concernant l’impact des pratiques agricoles porte sur l’utilisation des préparations de BD (tableau 1). Turinek et al. (2009) ont examiné les effets des préparations biodynamiques sur le rendement, la qualité du sol et la biodiversité et sont arrivés à la conclusion que le principe scientifique mécanique qui sous-tend les préparations BD n’est toujours pas clair et doit faire l’objet de recherches supplémentaires. Outre le manque d’informations sur les préparations BD, notre sélection d’articles fait état de résultats contradictoires, ce qui ne nous permet pas de tirer des conclusions générales sur leurs avantages potentiels. Cependant, deux études non incluses dans notre sélection suggèrent que la préparation 500 pourrait avoir le potentiel de stimuler la croissance des plantes (Spaccini et al. 2012) et que les cornes de vache dans lesquelles les matières fécales bovines sont incubées pendant plusieurs mois, pourraient fournir des substrats appropriés pour un processus de décomposition protéolytique spécifique (Zanardo et al. 2020). D’autres études sont nécessaires pour évaluer l’activité des préparations de BD dans différentes conditions.

Le nombre d’articles sélectionnés sur la durabilité de la méthode BD est particulièrement faible, ce qui empêche de tirer des conclusions solides. La plupart des résultats trouvés dans la littérature sur la durabilité de l’agriculture BD concernent les aspects environnementaux, tandis que les considérations socio-économiques sont à peine prises en compte. En effet, les résultats des comparaisons par paires qui se sont concentrées exclusivement sur la durabilité environnementale ont montré que, sur un total de 21 observations comparant la l’agriculture BD et l’agriculture biologique, une observation s’est trouvée en faveur de l’agriculture BD, 19 n’ont relevé aucune différence et une s’est trouvée en faveur de l’agriculture biologique. La comparaison entre l’agriculture BD et l’agriculture conventionnelle a montré que 24 observations ont trouvé que l’agriculture BD était meilleure, tandis que 4 observations ont trouvé que l’agriculture conventionnelle était meilleure. Enfin, la comparaison entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle a montré que 19 observations étaient en faveur de l’agriculture biologique et deux en faveur de l’agriculture conventionnelle. Par conséquent, en ce qui concerne la durabilité environnementale, il semble y avoir des preuves solides dans la littérature du fait que l’agriculture BD surpasse largement l’agriculture conventionnelle, tandis qu’aucune différence n’a été détectée par rapport à la performance de l’agriculture biologique.

Au niveau de l’économie agricole, notre étude confirme que la rémunération des agriculteurs pratiquant l’agriculture biologique semble être égale ou même considérablement plus rentable par hectare que l’agriculture conventionnelle. Cela a été confirmé à l’échelle nationale par le Bioreport 2019 publié par le ministère italien de l’agriculture, qui a déclaré que le chiffre d’affaires par hectare des exploitations BD italiennes était en général plus élevé que celui des exploitations conventionnelles (c’est-à-dire 13 300 contre 3 207 euros/ha, Rete Rurale Nazionale 2019), et également par Penfold et al. (1995) qui ont signalé que le système BD avait les marges brutes les plus élevées par rapport aux systèmes conventionnels, biologiques et intégrés. Cela pourrait également être dû à des coûts de production plus faibles et à la fourniture d’une gamme plus large de biens et de services produisant une diversification des revenus dans les fermes BD (Mansvelt et al. 1998). D’autre part, Aare et al. (2020) ont constaté que les coûts supplémentaires liés à la diversification dans les exploitations BD ne sont généralement pas rentables sur les marchés alimentaires standard en raison de l’égalité des prix des produits biologiques et BD, ce qui conduit les agriculteurs BD à exporter leurs produits vers des pays comme l’Allemagne et la France où ils peuvent obtenir des prix 20 % plus élevés en moyenne.

Enfin, les résultats de la revue de la littérature sur la durabilité sociale ne concernent que deux publications et sont donc tout à fait insuffisants pour permettre des conclusions génériques sur l’agriculture BD.

En ce qui concerne l’impact sur la qualité des aliments, l’agriculture BD est légèrement plus performante que l’agriculture conventionnelle, alors qu’aucune différence n’a été détectée lorsque des comparaisons entre l’agriculture BD et l’agriculture biologique ont été effectuées. Bien que la qualité alimentaire des produits issus de l’agriculture BD n’en soit qu’à ses débuts dans la littérature, certaines remarques générales peuvent être faites concernant les performances de l’agriculture BD par rapport aux propriétés nutritionnelles, qui sont le sujet le plus fréquemment abordé dans la littérature scientifique sur la qualité des aliments issus de l’agriculture BD. Les résultats de notre étude montrent que les produits issus de l’agriculture biologique sont nutritionnellement plus riches que leurs homologues conventionnels. D’autres études non incluses dans notre sélection ont confirmé que les propriétés nutritionnelles, en particulier la teneur en composés phénoliques, en flavonoïdes et l’activité antioxydante, étaient significativement plus élevées dans les fraises, les mangues et les raisins issus de l’agriculture biologique par rapport aux produits conventionnels (respectivement, D’Evoli et al. 2010 ; Fonseca Maciel et al. 2011 ; Reeve et al. 2005). Cependant, la qualité de l’alimentation n’est pas seulement une question de valeur nutritionnelle des aliments, mais aussi le résultat de la façon dont le microbiome du sol interagit avec les plantes, les animaux et les humains. En effet, le concept One Health (santé globale) suggère qu’il existe un lien entre la santé humaine, animale et environnementale (Karesh et al. 2012 ; Wolf 2015). Van Bruggen et al. (2019) ont fait valoir que les conditions de santé de tous les organismes dans un écosystème sont interconnectées aux plantes, aux animaux et aux humains par le cycle des communautés microbiennes de l’environnement (en particulier le sol). L’approche One Health combinée à de meilleures performances des sols BD en termes d’indicateurs microbiens comme indiqué précédemment (Christel et al. 2021) pourrait donc soutenir l’idée que les produits BD sont plus sains.

La nécessité d’une approche systémique

Un constat fréquent sur la robustesse des résultats analysés dans cette revue de la littérature sur l’agriculture BD est qu’ils peuvent être grandement affectés par les conditions de production et de localisation des expérimentations. Cet aspect est commun à tous les domaines de recherche en agriculture mais devient encore plus important lorsque nous étudions les types d’agriculture agroécologiques, y compris la BD et l’agriculture biologique. Selon la théorie des systèmes, le comportement d’un système dans une hiérarchie, par exemple le système agricole, ne peut pas être facilement identifié à partir d’une étude des systèmes inférieurs, par exemple les systèmes de culture et d’élevage, et vice versa (Checkland 1981 ; Milsum 1972 ; Simon 1962 ; Whyte et al. 1969). Le comportement d’un système est plutôt une conséquence de la combinaison des impacts des décisions prises à différents niveaux de la structure hiérarchique. Chaque niveau de la hiérarchie peut être relié à tous les autres, à l’intérieur des niveaux et entre eux (Conway 1987).

En réaction contre l’approche réductionniste qui met l’accent sur la simplification du système, la pensée agroécologique a donné lieu au développement d’une vision « agroécosystème » (Conway 1987 ; Marten 1988), qui met en avant la nécessité d’une approche holistique et systémique de l’analyse des agroécosystèmes. La théorie des systèmes (Bertalanffy 1968 ; Morin 1993 ; Odum 1989 ; Prigogine 1980) est une méthode d’analyse qui décrit les interactions entre les composants du système et vise une meilleure compréhension de la complexité du système. Toute application de la théorie du changement d’échelle doit prendre en considération les interactions complexes entre les facteurs biophysiques, sociaux, économiques et institutionnels pour analyser et comprendre les relations qui caractérisent les systèmes agricoles (Marchetti et al. 2020 ; Wigboldus et al. 2016). Cependant, comme le rapportent Schiller et al. (2019), l’analyse de la façon dont les facteurs technologiques, politiques et financiers interagissent est limitée, et l’évaluation des facteurs agroécosystémiques est compliquée par leur forte dépendance aux conditions environnementales et sociales dans lesquelles ils sont appliqués (Marten 1988). Les méthodes d’analyse actuelles ne tiennent pas suffisamment compte de la complexité des systèmes et reposent sur le principe suivant : « découvrez ce qui fonctionne à un endroit donné et recommencez la même chose à un autre endroit » (Wigboldus et al. 2016). Les systèmes agricoles tels que l’agriculture BD nécessitent davantage de recherches basées sur une approche systémique qui considère les interconnexions entre les variables écologiques, économiques, sociales et politiques. Une perspective de pensée systémique sur l’agriculture BD, ainsi que pour d’autres formes d’agriculture, doit être conceptualisée, et peut servir de base à de futures recherches.

Les meilleures solutions pour réaliser une approche systémique des transitions agroécologiques pourraient être trouvées en intégrant des disciplines qui explorent la diversité et les synergies des relations entre les différents niveaux impliqués (Comeau et al. 2008 ; Ollivier et al. 2018 ; Wigboldus et al. 2016). Cela peut nécessiter une nouvelle expertise dans le but de faciliter les processus de collaboration (Brouwer et al. 2016 ; Hermans et al. 2013 ; Schut et al. 2011 ; Spruijt et al. 2014 ; Turnhout et al. 2013 ; Wigboldus et al. 2016 ; Wittmayer et Schäpke 2014). En outre, comme le rapportent Ollivier et al. (2018), au-delà des disciplines scientifiques, la transition agroécologique nécessite d’accroître les connaissances par des processus d’apprentissage expérientiel et social dans le cadre d’une recherche épistémologique transdisciplinaire, en impliquant les agriculteurs à toutes les étapes pour cultiver de nouvelles approches culturelles durables (Marchetti et al. 2020). Il est nécessaire d’innover dans tous les systèmes agroalimentaires à travers des formes de recherche participative, ce qui implique l’implication des agriculteurs et des consommateurs, et le rétablissement des connexions entre producteurs et consommateurs.

En ce qui concerne les questions de conception expérimentale, les essais doivent minimiser ou éliminer les variables parasites qui peuvent offrir d’autres explications aux résultats expérimentaux. Par exemple, si les traitements du fumier biodynamique et biologique proviennent de deux exploitations différentes, les différences pourraient être causées non seulement par les préparations biodynamiques, mais aussi par les différentes qualités de fumier (Heinze et al. 2010). Enfin, comme suggéré par plusieurs auteurs (Bàrberi et al. 2010 ; Perry 1997), il est important que le design expérimental comprenne de grandes parcelles assurant une réplication adéquate dans les essais afin d’éviter les problèmes méthodologiques liés à l’hétérogénéité des conditions spécifiques au site.

En conclusion, l’agriculture BD offre une perspective prometteuse pour le développement de la production agricole et des systèmes alimentaires durables, mais la mesure dans laquelle les résultats pertinents peuvent être considérés comme scientifiquement fiables dépend de l’application d’une approche systémique et participative dans la résolution des défis posés par le monde réel.

Remarques finales

La recherche scientifique sur l’agriculture BD semble être encore à un stade de développement trop précoce pour permettre de tirer des conclusions raisonnables et génériques sur ses performances en tant que méthode de production. Tous les sujets analysés jusqu’à présent nécessitent une étude plus approfondie afin de permettre de tirer des conclusions pertinentes selon les conditions pédoclimatiques, de production et même de culture. Néanmoins, certaines conclusions provisoires peuvent être tirées. Les résultats de l’analyse documentaire ont montré que la méthode BD améliore la qualité du sol et la biodiversité. Beaucoup de ces résultats ont été obtenus dans des essais à long terme où la dynamique temporelle des indicateurs du sol a pu être étudiée. Des travaux supplémentaires doivent cependant être réalisés pour comprendre les aspects de durabilité socio-économique et de qualité alimentaire des produits BD. Un sujet de recherche particulièrement prometteur consiste à évaluer l’activité microbienne et le potentiel du microbiome dans les exploitations BD pour améliorer la fertilité des sols et la santé humaine selon l’approche One Health. Si de tels résultats pouvaient être obtenus dans l’agriculture BD en améliorant la gestion de la biodiversité et le cycle des nutriments par l’élevage d’animaux dans les fermes ou simplement par l’application de préparations BD, le sujet pourrait être inclus dans les programmes de recherche. De plus, il est essentiel d’adopter une approche systémique pour étudier de tels sujets. Nous pouvons donc conclure que l’agriculture BD peut présenter des avantages pour l’environnement et que davantage d’activités de recherche et d’innovation devraient être entreprises afin de fournir des informations complémentaires aux agriculteurs, aux décideurs politiques et aux parties prenantes sur ce type d’agriculture biologique.

Références

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