
Synthèse La synthèse qui suit est basée sur les publications scientifiques suivants :
– Évaluation approfondie d’une nouvelle méthode d’étude des propriétés antimicrobiennes, de conservation de la couleur et de cicatrisation des tranches de concombre (Cucumis sativus L.) : les essais comparatifs interlaboratoires révèlent des différences entre les systèmes de production conventionnels et biologiques de Johanna Zeise, Jürgen Fritz, Heberto Rodas Gaitán, Ewa Rembiałkowska, Renata Kazimierczak & Jens-Otto Andersen, publié en 2024 dans Biological Agriculture & Horticulture, 40.
– Effets des systèmes de culture sur les propriétés antimicrobiennes, de conservation de la couleur et de cicatrisation de tranches de concombre (Cucumis sativus L.) destiné à la consommation de Marjolein Doesburg-van Kleffens, Jens-Otto Andersen, Carsten Gründemann, Jürgen Fritz, publié en 2025 dans Applied Food Research, Volume 5, Issue 1.
Deux articles scientifiques publiés en 2024 et 2025 démontrent que les tests de vitalité sont aujourd’hui reconnus comme une méthode scientifique fiable. Ces tests ont été élaboré pour essayer de démontrer que « nos aliments sont plus que des nutriments et des composés, ils sont plus ou moins vivants » (Vitalité, J. O. Andersen, 2019). Plus vivant, cela signifie que non seulement les aliments résistent mieux aux stress mais aussi qu’ils sont meilleurs pour notre santé. Encore fallait-il le montrer ! Le test de vitalité sur lequel repose ces travaux est donc né comme une méthode scientifique qu’il a fallu étalonner, éprouver et diffuser et cela a pris plus de 20 ans.
Introduction
Ces deux articles analysent la vitalité du concombre (Cucumis sativus L.) c’est-à-dire sa capacité à résister aux processus de dégradation en évaluant 3 paramètres : les propriétés antimicrobiennes (PAM), la conservation de la couleur (CCR) et la capacité de cicatrisation des tranches (CCT). Ces paramètres sont évalués grâce à un test de stockage sous contrainte : c’est-à-dire après que les concombres ont été emballés dans une feuille de plastique transparente puis stockés dans une armoire chauffante pendant 14 jours.
Les paramètres CCR et PAM ont été évalués visuellement sur la base d’une série de photos puis notés de 0 à 10. Pour les PAM, le 0 signifiait « attaque microbienne visible sur toutes les tranches » et une valeur de 10 était utilisée pour « aucune attaque microbienne visible sur aucune tranche ». Pour la CCR, le 0 signifiait « jaune sur toute la surface » et la valeur 10, « vert sur toute la surface ». Le dernier paramètre, CCT, reflète la capacité de l’échantillon à développer des « tissus cicatrisants » après un découpage du concombre en tranches.
Les modalités de culture influencent la vitalité des concombres
Hypothèse
Le premier article s’attache à démontrer que les modalités de culture du concombre permettent d’obtenir des fruits de vitalité différentes. Dans ce contexte, la vitalité a été définie comme la capacité d’un organisme vivant à développer, maintenir et exécuter des fonctions vitales dans des conditions défavorables (Rembialkowska et al., 2021). Une bonne vitalité sera donc définie par des valeurs élevées au test de stress et de dégradation dont les paramètres ont été cité plus haut (PAM, CCR et CCT).
Les concombres utilisés dans ces essais sont cultivés sous serre au Danemark et fertilisés avec différents niveaux d’azote (N) : culture conventionnelle (Conv : 145 g N m-2), biologique (OrgN- : 70 g N m-2) et biodynamique (BdN+ : 122 g N m-2). La fertilisation est un des facteurs clés qui affecte la croissance des plantes. Les différences de concentration d’azote disponible pour les plantes affectent la production de vitamines et de composés organiques secondaires (Brandt et al. 2011). La biodisponibilité des nutriments dans les différents types d’engrais (par exemple, minéraux ou biologiques, facilement solubles ou lentement solubles) influence le développement de la plante et peut agir comme un facteur de stress si l’apport est sous-optimal (excès ou insuffisance) (Stefanelli et al. 2010 ; Verma et Shukla 2015 ; Santiago-López et al. 2016 ; Heimler et al. 2017). D’après la littérature scientifique, il existe donc une corrélation entre la fertilisation et la capacité de résistance des aliments aux facteurs de stress post-récolte tels que le transport, les entailles, la durée et la température de stockage (Hodges et Toivonen, 2008).
Résultats
Les chercheurs proposent de sortir des sentiers battus et d’utiliser un test innovant qui n’est pas basé sur une analyse des composants chimiques des aliments : le test de stockage sous contrainte. Le premier résultat de cette étude démontre qu’après une courte formation, les trois laboratoires impliqués arrivent à des résultats cohérents. Ce test est donc une méthode fiable et reproductible : l’évaluation de la vitalité des concombres par une comparaison de photos prises par quatre chercheurs de trois laboratoires conduit aux mêmes résultats pour les PAM et la CCR.

Les paramètres PAM, CCR et CCT ont donc été évalués après que les concombres issus des différentes modalités de culture (Conv, OrgN, BdN) ont subi un stress en étant coupé en tranche et placé dans une armoire chauffante pendant 14 jours. Dans le cadre de cet essai, la résistance aux maladies des échantillons a été mesurée par le paramètre PAM. Le paramètre CCT représente la capacité d’un organisme à surmonter dans une certaine mesure les effets néfastes et peut être considéré comme une forme de résilience. Les changements de couleur des échantillons de concombre ont été mesurés par le paramètre CCR. Ces mesures ont permis d’établir une différence claire entre les échantillons conventionnels et biologiques. Les concombres issus des cultures OrgN- et BdN+ ont obtenu des scores plus élevés au test que les concombres Conv. Cela peut s’expliquer de différentes manières.
Une différence d’apport en azote
Le principal paramètre de variation entre les différentes modalités de culture est la quantité ainsi que la qualité de la fertilisation azotée. L’engrais minéral, utilisé en modalité conventionnelle, se caractérise par une quantité d’azote disponible plus élevée et facilement soluble et un taux de minéralisation élevé (Kolbe 2022). Dans la présente étude, chez le même producteur, la quantité d’engrais azoté utilisée en conventionnel est plus de deux fois supérieure à la modalité biologique (70 contre 145 N m−2). Ce qui a entraîné une augmentation de rendement pour les concombres conventionnels (Zhang et al. 2011). Selon la littérature, une fertilisation faible et organique augmente la teneur en composés organiques secondaires et peut améliorer les propriétés de stockage des produits agricoles, comparé à une fertilisation forte et minérale.
La fertilisation dans les modalités biologique et biodynamique est apportée sous forme de solution nutritive à base de matières organiques (thés de compost). Les différences dans la composition des engrais utilisés en agriculture biologique et conventionnelle, ont contribué à la théorie de l’équilibre de croissance différentielle (GDBH), qui justifie la différence de composition des aliments biologiques et conventionnelles (Herms et Mattson, Citation 1992 ; Bloksma et al. Citation 2007). Selon la cette théorie, les plantes sont en mesure, dans n’importe quelle situation, d’accéder aux ressources minérales disponibles et d’optimiser leur métabolisme. Les concombres issus des modalités OrgN- et BdN+ ont donc reçu des apports en azote réduit, ils ont pourtant démontré une meilleure résistance aux stress et aux maladies en obtenant les scores les plus élevés (PAM, CCR, CCT).
La différenciation entre les modalités biologiques non concluantes sous serre
La différence entre la modalité OrgN- et BdN+ n’a pas pu être établie de façon significative sur les concombres cultivés sous serre de cette étude. Lors du test de vitalité, les scores de ces deux groupes étaient trop proches pour être significatifs. La modalité de culture biodynamique comporte cependant l’application de préparations dans le compost et sur les plantes. La bouse de corne comprend notamment des micro-organismes capables de de stimuler les processus nutritifs dans le sol et la croissance des plantes (Spaccini et al. 2012 ; Giannattasio et al. 2013 ; Radha et Rao 2014 ; Vaish et al. 2021). L’application de bouse de corne et de silice a eu un effet positif sur les quantités de métabolites secondaires des plantes tels que les antioxydants ou les polyphénols dans d’autres essais (Athmann 2010 ; Bavec et al. 2010 ; Heimler et al. 2012 ; Jarienė et al. 2015, 2017, 2018 ; Vaitkevičienė et al. 2019, 2020 ; Juknevičienė et al. 2021). Une augmentation de la teneur en composés organiques secondaires peut améliorer les propriétés de stockage des produits agricoles. Dans les essais de cette étude, une différenciation claire entre les deux modalités de culture biologiques OrgN- et BdN+ n’a pas été possible.
Les concombres biodynamiques sont-ils meilleurs pour les consommateurs ?
Hypothèse
Le second article propose d’examiner les mêmes paramètres (PAM, CCR, CCT) évalués par trois laboratoires indépendants, mais cette fois avec des échantillons conventionnels, biologiques et biodynamiques issus de marchés locaux. Cela implique donc que les concombres analysés par les différents laboratoires ne sont pas issus des mêmes producteurs, mais permettent de se rapprocher au mieux de la réalité du consommateur. Aucun autre détail que la marque de certification pour les concombres biologiques ou biodynamiques n’a été fourni. Tous les paramètres agronomiques tels que la constitution du sol, la quantité d’eau, l’apport en azote n’étaient pas connu ainsi que les conditions de transport et de stockage (temps et température) des produits.

Les conditions d’expérimentation restent les mêmes, le but étant d’évaluer la vitalité des concombres conventionnels, biologiques et biodynamiques du point de vue du consommateur : détermination des propriétés antimicrobiennes, de conservation de la couleur (étape 7) et de cicatrisation des tranches du concombre (étape 8), telle qu’elle a été effectuée dans chacun des trois laboratoires.
Résultats
En termes de valeurs moyennes sur les 24 expériences, les valeurs pour CCR, PAM et CCT étaient les plus élevées pour les concombres en biodynamie (Dyn) et les plus faibles pour les concombres conventionnels (Conv), avec les valeurs biologiques (Org) entre les deux. Pour les trois paramètres, les concombres Org et Dyn ont montré des propriétés de stockage et de résistance au stress nettement supérieures (p < 0,001) à celles des concombres Conv. Les différences entre les concombres Org et Dyn n’étaient très significatives que pour le CCR (p < 0,001) et significatives pour le CCT (p < 0,01), présentant un niveau plus élevé pour le CCR et le CCT dans les concombres Dyn.

Une meilleure conservation des concombres issus de la biodynamie
Les propriétés de stockage sous contrainte des concombres en biodynamie sont bien meilleures, dans cette étude, que celle des concombres biologiques et conventionnels. Les changements de couleur des échantillons de concombre ont été mesurés par le paramètre CCR. Les concombres issus de la biodynamie sont donc ceux qui ont le mieux conservé leurs couleurs et leurs aspects après avoir passé 14 jours dans une armoires chauffante. Les réactions de brunissement des légumes sont causées par des processus métaboliques enzymatiques (par exemple, la polyphénol oxydase, la phénylalanine ammonialyse) et non enzymatiques (Barrett et al. 2010). Pour l’évaluation de la couleur, le brunissement des produits coupés est une indication de l’évolution des caractéristiques de qualité et de la perte de qualité (Barrett et al. 2010).
Le test CCT consiste à évaluer la capacité des tranches de concombre à résister à une charge pondérable. Après les 14 jours dans l’armoire chauffante, les tanches de concombre se déchirent plus ou moins rapidement. La capacité à guérir les tissus endommagés est favorable pour les consommateurs car elle est supposée être associée à une meilleure durée de conservation des concombres et donc à une meilleure qualité du produit. Les tranches issues de concombres en biodynamie étaient plus résistantes que les autres. Les meilleurs résultats des concombres en biodynamie, au test de stockage sous contrainte, peuvent être attribués à un effet modulateur sur le microbiome végétal et à la teneur élevée en composés organiques secondaires tels que les antioxydants, conséquence de l’utilisation de préparations biodynamiques. Des études supplémentaires sont cependant nécessaires pour confirmer ces explications.
Les concombres en biodynamie ont un taux de matière sèche plus élevés
Cette étude a permis de réaliser un test supplémentaire : celui de la teneur en matière sèche (MS). Ce taux est calculé après qu’un concombre a passé 24h dans une étuve à 110°C. C’est le poids du concombre sans l’eau qu’il peut contenir. Dans l’échantillon testé, le poids des concombres en conventionnel, avant le test de MS, était en moyenne 4,5% plus élevé que celui des concombres en biodynamie. La différence de diamètre moyen entre les deux modalités était faible. Ce test a permis de confirmer que l’augmentation des rendements des concombres conventionnels s’accompagne d’une diminution des composés bioactifs. Les concombres issus des cultures biologiques ont obtenu des taux de matière sèche plus importants (et donc moins d’eau) que leurs homologues conventionnels. L’apport d’engrais organiques permet d’augmenter de manière significative la capacité antioxydante, un paramètre de la qualité des fruits du concombre (Santiago-López et al. 2016).
La matière sèche a une influence sur le CCR, c’est-à-dire la dégradation de la couleur pendant le stockage sous contrainte. Valverde-Miranda et al. (2021) ont trouvé une corrélation entre la teneur en matière sèche et la capacité de conservation ou de commercialisation des concombres. La teneur en matière sèche des concombres peut être un indicateur de la durée de conservation (Valverde-Miranda et al. 2021) et devrait être prise en compte de manière plus intensive dans les tests ultérieurs.
Dans le test de stockage sous contrainte du concombre, le paramètre PAM enregistre la dégradation microbienne suite au stockage. Sans qu’il y ait eu de différence significative entre les deux, les concombres biologiques et biodynamiques se distinguent des concombres conventionnels par leurs scores plus élevés. Par rapport aux plantes cultivées de manière conventionnelle, les fruits et légumes issus de l’agriculture biologique contiennent des quantités nettement plus élevées de vitamines et de composés organiques secondaires tels que les polyphénols, qui permettent aux plantes d’être plus résistantes aux maladies (Baranski et al., 2014 ; Brandt et al., 2011 ; Carbonaro & Mattera, 2001 ; Doring ¨ et al., 2022 ; Golubkina et al., 2018 ; Zhao et al., 2009).
Conclusion
Le test de stockage sous contrainte est donc une méthode qui permet d’évaluer la vitalité d’un aliment, ici du concombre. Si le premier article n’arrive pas à des résultats qui permettent de distinguer les concombres biodynamiques des concombres biologiques, après culture sous serre, il permet cependant de distinguer avec certitude ces concombres de ceux cultivés en conventionnel.
Le second article se place directement du point de vue de consommateur, bien que les paramètres de production des concombres soient moins contrôlés, les résultats sont plus concluants. La qualité de conservation des concombres biodynamiques est démontrée. Elle se distingue même de celles des concombres en agriculture biologique.
Il est important de noter que les résultats de cette méthode ne peuvent pas être utilisés pour démontrer une corrélation avec des effets potentiels sur la santé des consommateurs.