Un siècle de développement de l’agriculture biodynamique : quelles implications pour la transition agroécologique ?

Traduction complète d’un article de Cyrille Rigolot1 et Claire-Isabelle Roquebert2 publié en octobre 2024 dans la revue Agriculture and Human Values. DOI : https://doi.org/10.1007/s10460-024-10653-5

Titre original : A century of biodynamic farming development: implications for sustainability transformations.

Résumé

Dans le contexte de la transition agroécologique, il est essentiel que les modes de production alternatifs puissent se développer à long terme sans être récupérés par l’agriculture intensive à base d’intrants. L’agriculture biodynamique (ABD), qui a vu le jour en 1924, a été l’une des premières alternatives à l’agriculture moderne, associée à des pratiques agricoles, une vision du monde et des relations spécifiques entre l’être humain et la nature. Au cours du siècle dernier, dans un contexte d’industrialisation croissante, l’agriculture biodynamique s’est développée dans le monde entier sans devenir elle-même industrialisée. Elle est toujours considérée aujourd’hui comme une forme d’agriculture radicalement alternative. Afin de mieux comprendre la résistance de l’agriculture biodynamique, cet article présente une vue d’ensemble de son histoire, en mettant particulièrement l’accent sur les relations complexes qu’elle entretient avec le mouvement plus large de l’agriculture biologique (AB). Trois étapes historiques se chevauchent : (1) L’étape de consolidation agronomique : à partir du cours aux agriculteurs de Rudolf Steiner jusqu’au premier « cercle expérimental agricole », la création du label Demeter et l’émergence de l’agriculture biologique (première moitié du 20e siècle) ; (2) L’étape d’institutionnalisation : au départ, l’agriculture biodynamique évoluait en étroite collaboration avec le mouvement croissant de l’agriculture biologique, mais la différenciation entre les deux s’est progressivement accrue. Entre-temps, les premières collaborations avec des instituts de recherche universitaires ont vu le jour ; (3) Phase d’expansion : Avec des opportunités de commercialisation croissantes pour les produits biodynamiques, le 21e siècle correspond à une phase de développement économique pour la biodynamie, ainsi qu’à une nouvelle vague d’expansion géographique sur tous les continents. Dans la dernière partie du document, les implications pour la transition agroécologique sont discutées. En particulier, il est proposé que la capacité de la biodynamie (BD) à combiner des stratégies de consolidation agronomique, d’institutionnalisation et d’expansion au fil du temps pourrait être la clé de sa résilience. Les complémentarités entre l’agriculture biologique et d’autres modes de production alternatifs pourraient jouer un rôle important dans les évolutions futures.

Introduction

La transition agroécologique est de plus en plus reconnue comme une voie prometteuse vers des systèmes agricoles plus durables (Lamine et Bellon 2009 ; Meek 2016). D’un point de vue sociotechnique, cette transition est toutefois difficile car différents éléments du système actuel, qui n’est pas durable, se renforcent mutuellement, notamment divers aspects de la technologie, de l’organisation sociétale, des valeurs et des normes (Geels 2010). Selon les travaux précurseurs de Meadows (1997), des changements de mentalités, de visions du monde et de paradigmes sont les « points de levier » les plus difficiles à activer, mais aussi les plus puissants pour transformer un système (Abson et al. 2017). Dans le contexte de la transition agroécologique, les modes de production alternatifs fondés sur des visions du monde et des paradigmes différents peuvent donc jouer un rôle important (Constance 2018 ; Anderson et Rivera-Ferre 2021). Cependant, Walthall et al. (2024) montrent comment les récits agroécologiques peuvent être récupérés par le courant dominant de l’agriculture et la vision du monde capitaliste qui le sous-tend. Ce risque de récupération n’est pas le même pour les différents modes d’agriculture alternative (Holt Giménez et Shattuck 2011 ; Gordon et al. 2023). Pour mieux comprendre les voies de transition, Bless et al. (2023) montrent la pertinence d’une approche historique, qu’ils illustrent avec le développement de quatre formes différentes d’agriculture régénératrice (agriculture biologique, agroécologie, agriculture raisonnée, agriculture de conservation). Ces auteurs concluent que les questions de pouvoir et d’équité jouent un rôle majeur (Bless et al. 2023). En guise de perspective, Bless et al. (2023) suggèrent d’explorer le développement d’autres formes d’agriculture, telles que l’agriculture biodynamique (ABD), qui fait l’objet du présent document.

L’agriculture biodynamique fait partie du mouvement plus large de l’agriculture biologique (AB), avec environ 5900 fermes biodynamiques certifiées dans le monde et un total mondial de 200 000 ha en 2019, et beaucoup plus de fermes non certifiées appliquant les principes de l’ABD, au moins partiellement, sur tous les continents (Santoni et al. 2022). Outre les principes généraux de l’agriculture biologique (rotation des cultures, fertilisation avec du fumier, etc.), l’ABD comprend des pratiques spécifiques telles que l’utilisation de « préparations biodynamiques » (mélanges de plantes, de bouse de vache ou de silice), l’intégration des « rythmes cosmiques » pour la planification des activités agricoles et la conception de l’ensemble de la ferme comme un « organisme individualisé » dans lequel l’autonomie matérielle et décisionnelle est essentielle (Rigolot et Quantin 2022). La certification biodynamique Demeter exige l’utilisation de certaines préparations, en plus d’imposer d’autres prescriptions telles que le non-écornage des bovins et la réservation de 10 % de la surface de l’exploitation pour la biodiversité. Un autre grand principe de l’ABD est le rôle crucial accordé au savoir, à l’expérience et à la créativité de l’agriculteur (Rigolot 2023). Ces différents principes créent une vision du monde spécifique qui présente un point de vue fondamentalement différent sur la vie, intégrant non seulement des préoccupations matérielles, mais aussi des dimensions non matérielles « subtiles » (Wright 2021). Cette vision du monde sous-jacente est, plus ou moins explicitement, associée à l’anthroposophie, un mouvement social développé par Rudolf Steiner, qui est également le créateur de l’ABD (Foyer 2018). L’anthroposophie [de anthropo (humain) et sophia (sagesse)] est présentée par ses partisans comme un moyen d’élargir la conscience humaine, avec des applications dans des domaines aussi divers que la médecine, l’architecture et l’éducation (écoles Waldorf) (McKanan 2018).

Avec ses racines remontant à 1924, l’ABD est l’une des premières alternatives historiques à l’agriculture moderne, en dehors des pratiques agricoles indigènes (Sands et al. 2023). Un siècle après sa création, l’ABD est encore considérée aujourd’hui par certains agriculteurs et auteurs comme un mode d’agriculture alternative pertinent (Ram et Kumar 2019 ; Wright 2021), bien qu’elle reste très controversée (Parisi et al. 2021). Compte tenu des risques de récupération décrits par Walthall et al. (2024), il peut sembler surprenant que la biodynamie ait pu survivre et se développer dans le monde entier au cours du siècle dernier, caractérisé par une modernisation intense, sans devenir elle-même industrialisée. Quoi que l’on puisse penser de la pertinence et de la valeur des principes agronomiques de la biodynamie pour la durabilité (ce qui dépasse le cadre de cet article), le postulat de cet article est que l’histoire de la biodynamie peut fournir des indications précieuses sur le développement futur de modes de production agricole alternatifs, dans le cadre de la transition agroécologique et des transformations en matière de durabilité. À cette fin, nous identifions trois étapes différentes du développement de la biodynamie, en mettant particulièrement l’accent sur ses relations complexes avec le mouvement plus large de l’agriculture biologique : (1) Étape de consolidation : des origines de l’ABD et du cours aux agriculteurs de Rudolf Steiner à l’émergence de l’agriculture biologique (première moitié du 20e siècle) ; (2) Étape d’institutionnalisation : De la coévolution intense à la différenciation croissante au sein du mouvement naissant de l’agriculture biologique (seconde moitié du 20e siècle) ; (3) Phase d’expansion : Développement économique d’un paradigme alternatif au 21ème siècle. La dernière partie traite des implications pour la transition agroécologique.

Étape de consolidation : des origines de l’agriculture biodynamique à l’émergence de l’agriculture biologique

L’origine de l’ABD est associée sans équivoque à une série de huit conférences données par le philosophe et mystique Rudolf Steiner entre le 7 et le 16 juin 1924, connues sous le nom de « cours aux agriculteurs ». À cette époque, l’agriculture chimique se développe rapidement en Europe, après que la première guerre mondiale a favorisé l’utilisation de produits chimiques à l’échelle industrielle (Paull 2011a). Un groupe d’agriculteurs des environs de Koberwitz (Pologne actuelle) s’inquiète de la dégénérescence des semences, de la baisse de la qualité des aliments, de la baisse de la fertilité et des épizooties dans les élevages, et demande à Rudolf Steiner de proposer des solutions concrètes. Steiner avait déjà élaboré les fondements théoriques de l’anthroposophie, dans lesquels s’inscrivent ses réflexions sur le développement agricole, ainsi que leurs applications à plusieurs autres domaines (tels que l’art et l’éducation). Ces fondements ont été influencés par de nombreuses traditions (occidentales et orientales), courants et auteurs (Chone 2022). En particulier, l’œuvre du scientifique et poète Goethe, qui souligne le rôle des facultés humaines telles que l’imagination et l’intuition dans la compréhension de la nature, a exercé une influence majeure sur Steiner (Brook 2021). L’une des principales idées proposées par Steiner à Koberwitz était de créer une forme différente d’agriculture basée sur la perception de la ferme comme un organisme vivant, contrairement à la forme modernisée de l’agriculture qui se développe rapidement et qui dépend de la chimie (Paull 2011a). Le « cours aux agriculteurs “ a posé les bases de l’ABD et de ses principes clés, notamment la confection et l’utilisation de « préparations biodynamiques » en lien avec les « rythmes cosmiques » (Rigolot et Quantin 2022). Une autre caractéristique majeure, particulièrement innovante dans cette période de modernisation précoce, est le rôle primordial accordé par Steiner à l’expérience personnelle de l’agriculteur (Steiner 1924). Les intuitions spirituelles de Steiner étaient présentées comme des lignes directrices qu’il ne fallait pas suivre aveuglément, mais plutôt tester concrètement sur le terrain (Paull 2011b).

Le cours de 1924 a rassemblé 111 participants, dont 30 femmes et 81 hommes originaires d’Allemagne, de Pologne, d’Autriche, de Suisse, de France et de Suède (Paull 2020). Après la mort de Steiner en mars 1925, 60 des 111 participants se sont engagés à mettre en pratique les indications de Steiner sous la forme d’un « cercle expérimental agricole » (Paull 2011a). Le cercle expérimental était coordonné par Ehrenfried Pfeiffer, un chimiste basé au Goetheanum, à Dornach, en Suisse, un institut qui avait été conçu et dessiné par Steiner. Les huit conférences données par Steiner pendant le cours ont été sténographiées, mais les copies originales sont restées confidentielles et soumises à un accord de non-divulgation (Paull 2011b). L’objectif du cercle expérimental était de mener une recherche empirique sur les méthodes biodynamiques, qui devaient être démontrées avant de pouvoir être diffusées (Paull 2011b), et de trouver comment rendre les enseignements de Steiner plus accessibles au public (McKanan 2018). En Allemagne, ces efforts ont abouti à en 1932 à la création de la première certification biodynamique, Demeter, préfigurant de plusieurs décennies la certification biologique (McKannan 2018). Après quatorze années d’essais et de retours d’expérience de la part des agriculteurs, Ehrenfried Pfeiffer a publié son ouvrage de référence « Biodynamic Farming and Gardening » (agriculture et jardinage biodynamiques), dans lequel le terme « agriculture biodynamique » a été inventé (Pfeiffer 1938). L’ouvrage a été publié en allemand, anglais, italien, français et néerlandais (Paull 2011b), ouvrant la voie à une première vague d’internationalisation au-delà des pays germanophones. Les idées développées par le Cercle expérimental agricole ont joué un rôle majeur dans l’émergence de l’agriculture biologique dans les années 1930. Le livre de Pfeiffer est notamment reconnu comme une source d’inspiration majeure par Lord Northbourne dans son célèbre manifeste « Look to the Land » (1940), dans lequel le terme « biologique » (organic) lui-même a été introduit, faisant référence au principe de l’ABD selon lequel une exploitation agricole est un « organisme » (Paull 2011b). Le début de la Seconde Guerre mondiale en 1939 a marqué un ralentissement du développement de l’ABD en Allemagne. Bien que l’association anthroposophique ait été interdite par l’Allemagne nazie, le statut même de l’ABD à cette époque est encore aujourd’hui sujet à discussion (Staudenmaier 2010 ; Majerus 2022).

En conclusion, cette première étape peut être considérée comme une consolidation collaborative des principes et pratiques biodynamiques, construisant un répertoire commun de pratiques telles que développées dans « Biodynamic Farming and Gardening » et par le label Demeter, et conduisant à une certaine résilience face à la critique.

L’étape de l’institutionnalisation : de la coévolution à la différenciation croissante au sein du mouvement grandissant de l’agriculture biologique (AB)

Peu après le cours aux agriculteurs, le mouvement biodynamique a commencé à s’exporter par l’intermédiaire de pionniers, principalement en Europe occidentale (Suisse, France et Angleterre entre autres), mais aussi dans d’autres pays tels que les États-Unis (Paull 2019), l’Australie (Paull 2014), la Nouvelle-Zélande (Roche et al. 2021) et les pays d’Europe du Nord (Paull et Tutturen 2024). En Suisse, selon Aeberhard et Rist (2009), la phase initiale du développement de l’AB (des années 1920 aux années 1970) a été caractérisée par un degré élevé d’inclusion de l’ABD, non seulement lors de la création de l’AB (comme nous l’avons vu dans la section précédente), mais aussi lors de son développement ultérieur au cours des décennies suivantes. Cependant, à partir des années 1970, Aeberhard et Rist (2009) observent une séparation croissante entre l’ABD et le mouvement biologique. La recherche agricole s’appuie de plus en plus sur les sciences naturelles et l’économie, tandis que la dimension philosophique présente dans la phase initiale est marginalisée (Aeberhard et Rist 2009). Une tendance similaire a été observée par Siltaoja et al. (2020) dans le contexte finlandais au cours du dernier tiers du 20e siècle. A partir d’archives de journaux et d’entretiens avec des acteurs clés, ces auteurs identifient une première phase de 1979 à 1986, correspondant à une scission au sein du mouvement bio, avec l’exclusion progressive des agriculteurs biodynamistes. Concrètement, cette phase a débuté avec la création d’une nouvelle association bio (Eco-farmers), qui a agi comme un gardien de la définition de l’agriculture biologique, excluant progressivement la biodynamie des définitions (Siltaoja et al. 2020). La deuxième phase (assimilation) a été dominée par des pratiques discursives de rationalisation (c’est-à-dire de présentation de leurs pratiques agricoles comme étant bénéfiques), de conformisation (normalisation de leurs pratiques agricoles comme étant scientifiques) et de scientifisation (normalisation des identités des agriculteurs). Dans les discussions de cette période, les agriculteurs bio ont essayé de se différencier explicitement de la biodynamie afin de défendre leur propre légitimité. La troisième phase (différenciation) a été caractérisée par une différenciation par rapport au courant dominant (construction d’identités positivement divergentes) et des pratiques discursives de fiabilisation ( présentation des praticiens et de leurs pratiques comme sûres et dignes de confiance) (Siltaoja et al., 2020). Au cours de cette troisième phase, une différence clé observée par Siltaoja et al. (2020) est que les agriculteurs en biodynamie étaient souvent prêts à se séparer du courant dominant, tandis que les agriculteurs bio tenaient davantage à s’en rapprocher (Siltaoja et al. 2020).

L’analyse tant en Suisse qu’en Finlande montre comment le développement de l’ABD était étroitement lié à d’intenses luttes de pouvoir, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du mouvement de l’AB. Selon Aeberhard (2009), un changement significatif de pouvoir s’est produit au cours des différentes phases du développement de l’AB. Dans un premier temps, alors que les concepts et les idées du bio étaient marginalisés, les membres du mouvement de l’AB ont décidé d’établir leurs propres normes en interne, considérant les agriculteurs de l’AB comme des experts. Après les années 1970, le pouvoir des experts s’est progressivement déplacé des agriculteurs et des institutions bio vers les scientifiques professionnels et les instituts de recherche spécialisés. Cependant, comme dans le contexte finlandais, la communauté biodynamique suisse a également réalisé un travail important à partir des années 1970 pour gagner en légitimité scientifique et institutionnelle, parfois conjointement avec les agriculteurs bio. En particulier, Fritz Baumgartner, un pionnier suisse de l’ABD, a joué un rôle important dans la création du FiBL en 1973, un institut de recherche suisse pour l’agriculture biologique. L’une des principales caractéristiques du FiBL est qu’il mène activement des recherches sur le terrain en étroite collaboration avec les agriculteurs, contrairement à la plupart des institutions de recherche traditionnelles (Aeberhard et Rist 2009). En 1978 a été lancé l’essai DOK (acronyme de Biodynamic (D), Organic (O), conventional ou Konventionell (K) en allemand), un projet de recherche à long terme qui est toujours en place aujourd’hui et qui compare les résultats de l’agriculture conventionnelle, de l’agriculture biologique et de l’agriculture biodynamique. Les résultats de l’essai DOK dans les années 1980 ont apporté une première reconnaissance scientifique académique à l’ABD et ont rassuré les agriculteurs sur sa valeur (Mäder et al. 2002). En 1997, Demeter International a été créé dans le but de fédérer les associations nationales, et un cahier des charges international commun ainsi qu’une certification ont été formalisés. L’objectif de cette institutionnalisation était de rendre l’ABD plus autonome par rapport à l’AB et de lui permettre de résister à l’arrivée d’agriculteurs opportunistes, notamment les céréaliers, considérés par les agriculteurs biodynamiques comme de « faux bio » tentant d’envahir le marché à des prix très bas (Piriou 2002). Il est toutefois important de noter que la communauté biodynamique est restée disposée à s’inscrire institutionnellement dans le mouvement plus large de l’agriculture biologique (c’est-à-dire que les fermes biodynamiques doivent également respecter la certification biologique, avec un cahier des charges supplémentaire et plus strict, Castellini et al., 2017). Au cours de cette phase d’institutionnalisation, les bases d’un développement économique plus large ont été établies.

Phase d’expansion : développement économique d’un paradigme alternatif au 21e siècle

Au fur et à mesure que l’agriculture biologique est devenue largement acceptée par la société et les consommateurs, les parties prenantes externes, telles que les détaillants et les décideurs politiques, ont pris de plus en plus d’importance (Guthman 2004 ; Lockeretz 2007). Cette tendance a entraîné une modification des intérêts des agriculteurs, qui se sont détournés du progrès intrinsèque du mouvement bio pour se concentrer davantage sur les aspects économiques (Aeberhard et Rist 2009). La montée des préoccupations écologiques a offert de nouvelles possibilités de développement tant au sein de l’AB que de l’ABD, avec une certaine variation selon les secteurs et les produits. Le développement économique a été particulièrement marqué dans le secteur du vin. Par exemple, Castellini et al. (2017) rapportent que la surface des vignes cultivées en bio en Espagne, en Italie et en France a augmenté de + 413 %, + 128 % et + 307 %, respectivement, au cours de la période 2003-2014. Le nombre de vignobles biodynamiques certifiés Demeter a suivi une tendance similaire, passant de 130 en France en 2008 à 272 en 2014. Un nombre croissant de domaines a également commencé à appliquer des principes et des pratiques biodynamiques sans nécessairement être certifié, y compris ceux qui produisent certains des vins les plus renommés au monde, tels que la Romanée Conti dans la région de Bourgogne (Foyer 2018). L’intérêt croissant des viticulteurs pour l’ABD est devenu plus largement connu, et le secteur vitivinicole a ainsi joué un rôle majeur dans la reconnaissance plus large de l’ABD par les consommateurs (Pineau et Foyer 2024).

Parallèlement, la multiplication des scandales environnementaux, alimentaires et sanitaires depuis les années 1980, largement relayés par les médias, a généré une prise de conscience écologique des effets des activités humaines sur la nature. Le concept de « développement durable » est apparu en 1987 avec le rapport Brundtland. Les consommateurs sont de mieux en mieux informés, préoccupés et exigeants en matière d’engagement écologique et de transparence de la part des entreprises de l’industrie agroalimentaire (Roquebert et Debucquet 2024). Cela a favorisé l’expansion internationale de la communauté biodynamique. Dans les années 1980 aux États-Unis, s’appuyant sur des expériences antérieures menées par les biodynamistes en Allemagne, Trauger Groh a joué un rôle majeur dans la création du premier système d’agriculture soutenue par la communauté (CSA – AMAP en français) dans le New Hampshire, inaugurant une nouvelle forme de partenariat entre les consommateurs et les agriculteurs (McKanan 2018). Le succès des premiers systèmes CSA a entraîné une croissance importante de ces initiatives : selon une estimation de 2016, le mouvement CSA comprenait six mille fermes aux États-Unis et quatre mille fermes en Europe, fournissant de la nourriture à plusieurs centaines de milliers de consommateurs (McKanan 2018). La nouvelle vague d’expansion de la biodynamie a également atteint l’Amérique du Sud, l’Asie et l’Afrique. L’une des initiatives les plus célèbres est le réseau de fermes biodynamiques du groupe Sekem en Égypte, qui emploie environ 2 000 personnes (Abouleish et Abouleish 2008). En 2003, le fondateur de Sekem, Ibrahim Abouleish, a reçu le prix Nobel « alternatif », en reconnaissance de ses contributions sociales, culturelles et écologiques en Égypte (Mader et al. 2011).

L’introduction des produits biodynamiques dans la grande distribution à partir des années 2000 a représenté une opportunité majeure d’expansion. Dans le même temps, un nouveau type de consommateur bio est apparu sur le marché, moins sensible aux racines idéologiques du mouvement (Banks et Marsden 2001). Soucieuse de défendre son positionnement écologique radical, l’ABD a continué à affirmer sa différence avec l’AB et à renforcer les structures institutionnelles pour permettre aux consommateurs de faire la distinction (Roquebert et Gond 2024). Par exemple, l’International Biodynamic Association (IBDA) a été créée pour soutenir le développement d’organisations nationales d’ABD dans le monde entier, s’ajoutant à l’association Demeter International qui existait déjà (et qui fournit un soutien juridique à la certification). Les deux structures ont fusionné en 2020 pour former la Fédération Biodynamique Demeter International (BFDI). En parallèle, la section agricole du Goetheanum joue toujours un rôle central dans la coordination, la formation, la recherche et le développement (McKanan 2018 ; Majerus 2022).

Dans les pays non occidentaux, le développement de l’ABD peut être facilité dans certains cas par des synergies avec les pratiques indigènes, car l’ABD reconnaît l’importance des dimensions non matérielles et des cultures locales (Wright 2022). Cependant, la poursuite du développement et de l’expansion de l’ABD en Europe est moins évidente. D’intenses controverses subsistent, comme l’ont montré, à titre d’illustration, les événements survenus en Italie en 2019. Le gouvernement prévoyait d’adopter un décret pour faciliter le développement de l’ABD, mais un groupe de citoyens italiens, dont de nombreux scientifiques, a rédigé une pétition pour protester contre ce décret. D’après les pétitionnaires, le décret reviendrait à modeler la politique économique du gouvernement selon des « principes astrologiques ésotériques ». La pétition a été rendue publique par le prix Nobel de physique Parisi et al. (2021) sous la forme d’un commentaire dans la revue Nature. Un autre groupe de scientifiques internationaux a publié un point de vue opposé dans une autre revue, en faveur du décret et de la promotion de l’agriculture biologique durable « dans toutes ses variantes » (Aubert et al. 2019). Au final, la phrase la plus controversée (qui donne une équivalence juridique à l’ABD et à l’AB) a été retirée de l’amendement finalement approuvé par le parlement italien, tout en conservant deux autres déclarations dans le texte qui étaient favorables à l’ABD, mais dans une moindre mesure (Ciliberto et al. 2022).

En conclusion, malgré les controverses en cours, cette étape d’expansion a démontré la capacité de l’ABD à profiter de la montée des préoccupations écologiques pour asseoir sa position institutionnelle et promouvoir sa marque tant sur le plan économique qu’international sans perdre de vue son positionnement philosophique et écologique.

Implications pour a transition agroécologique

En remettant fortement en question les valeurs et principes dominants, le mouvement biodynamique peut être considéré comme contre-institutionnel du point de vue de sa position scientifique (Chreim et al. 2020). Au cours des 100 dernières années, la communauté BD a construit une structure institutionnelle et économique robuste, obtenant une reconnaissance progressive de ses pratiques agricoles. Ces dernières ont été certifiées par un cahier des charges dès 1932, testées par des laboratoires scientifiques académiques à partir de la fin des années 1970 et commercialisées à l’international à partir des années 2000. Parallèlement, la radicalité des principes d’origine a été maintes fois soulignée. Ces principes initiaux issus du cours de Steiner restent centraux dans les pratiques de l’ABD. Ils sont encore enseignés et transmis aujourd’hui, avec des réflexions permanentes sur la manière de rester actif sans se laisser corrompre. L’évolution historique de l’ABD révèle donc une tension paradoxale, entre l’obtention d’une légitimité au sein de la société et le maintien de l’unicité qui sous-tend son paradigme alternatif (Reger et al. 2008).

Pour structurer l’analyse de ce document, trois étapes historiques ont été proposées, associées à trois stratégies de développement : la consolidation, l’institutionnalisation et l’expansion. Toutefois, il est clair que les trois stades historiques se chevauchent et que les trois stratégies coexistent à chaque stade, même si l’une d’entre elles peut sembler dominante à un moment donné. Par exemple, la « phase de consolidation » de notre analyse a également été une période importante d’expansion internationale initiale et d’institutionnalisation (création du label Demeter en 1932). Le potentiel de développement de l’ABD dépend également de la géographie et de facteurs locaux, comme le montrent les exemples de la Suisse (Aeberhard et Rist 2009) et de la Finlande (Siltaoja et al. 2020). Les facteurs culturels pourraient jouer un rôle important dans le développement futur de l’ABD sur les différents continents, de même que la configuration géopolitique dans chaque pays (Lamine et Mardsen 2023). En termes de perspective, une comparaison du développement de l’ABD entre les pays et les cultures serait instructive. En fin de compte, la capacité des groupes biodynamiques à combiner des stratégies de consolidation, d’institutionnalisation et d’expansion au fil du temps pourrait être la clé de sa résilience. En particulier, cette capacité pourrait être déterminante dans les luttes de pouvoir. En effet, bien que l’ABD n’implique pas directement l’activisme politique, l’analyse historique montre que la communauté BD peut fondamentalement remettre en question les institutions agricoles existantes grâce à son agilité en matière de développement. Cette caractéristique remet en question les représentations antérieures de l’ABD comme consistant simplement en une approche « philosophique », ou une « agroécologie sans politique » (Tittonell et al. 2022).

Au cours des prochaines décennies, la nécessité de transformations radicales en matière de durabilité, au-delà des transitions écologiques, sera de plus en plus reconnue et pourrait créer de nouvelles opportunités (Roquebert et Debucquet 2024). D’un certain point de vue, pour la première fois dans l’histoire de l’ABD, le vaste contexte sociétal pourrait coïncider avec certaines de ses valeurs les plus profondes. Dans ce contexte, la stratégie de différenciation identifiée par Silatoja et al. (2020) (c’est-à-dire la construction d’identités positives distinctes) pourrait devenir de plus en plus pertinente pour la communauté BD. Avec sa vision du monde différente, ouverte sur des dimensions non matérielles, l’ABD a le potentiel d’activer des points de levier majeurs (Abson et al. 2017). La communauté BD pourrait désormais chercher à se différencier positivement de la partie de l’AB qui s’est fondue dans le modèle dominant (Bless et al. 2023 ; Walthall et al. 2024), en défendant des transformations plus structurelles et paradigmatiques de la relation entre les humains et la nature (Rigolot et Quantin 2022 ; Wright 2022). Dans le Sud, en particulier, des complémentarités pourraient être développées avec le mouvement agroécologique plus large, les cultures indigènes et les initiatives locales (Orozco-Meléndez et Paneque-Gálvez, 2022). Une autre priorité stratégique pour le mouvement biodynamique pourrait être de construire des alliances et des synergies avec d’autres formes d’agriculture (Holt Giménez et Shattuck, 2011 ; Gordon et al., 2023). Pour mieux identifier les synergies et les tensions possibles, il serait particulièrement intéressant d’étudier le développement historique d’autres mouvements radicaux également basés sur des visions du monde et des paradigmes alternatifs. Par exemple, le mouvement de la permaculture a été décrit comme un réseau lâche et largement dispersé d’« enseignants itinérants » et d’organisations « biorégionales » (Morel et al. 2019). D’autres études de cas inspirantes pourraient être les différentes formes d’agriculture naturelle (Fukuoka 1978 ; Blanc 2022), la syntropie (Andrade et al. 2020) ou encore l’approche holistique (Gosnell et al. 2020). À l’avenir, il pourrait être essentiel de développer les complémentarités entre ces mouvements pour favoriser les transitions en matière de durabilité, et l’histoire centenaire de l’ABD pourrait y contribuer de manière particulièrement stratégique.

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  1. UMR Territoires, Université Clermont Auvergne, INRAE, VetAgroSup, AgroParisTech, 9 avenue Blaise Pascal,
    63170 Aubière, France
  2. Chercheuse indépendante, Nantes, France